Le Mariage de Figaro, acte V, scène 3, Beaumarchais.
Publié le 07/10/2018
Extrait du document

Si ce statut est au centre des préoccupations de Beaumarchais, il en indique néanmoins toute sa précarité puisqu’il nous le présente comme un statut social toujours sur le point de disparaître comme l’indique la multiplicité des métiers exercés par Figaro et son emprisonnement. On note à ce propos une opposition entre l’importance donnée à tout ce qui prépare la rédaction du journal et la rapidité de sa disparition mise en relief par une phrase simple et courte : « on me supprime », lourde de sous-entendus quand on la rapproche de la volonté de Figaro d’en finir avec la vie, comme nous l’avons évoqué précédemment. Ce statut qui nécessite du savoir et du savoir-faire inclut pourtant l’auteur dans le peuple, puisqu’il subit les mêmes misères que le peuple et souffre d’une absence de reconnaissance par la société. Il est d’ailleurs plus dangereux d’être auteur ou journaliste car du fait de la censure il encourt de plus grands dangers. On peut aller jusqu’à parler d’une véritable persécution à l’encontre des intellectuels, car « [n]e pouvant avilir l’esprit, on se venge en le maltraitant ».
B. L’absence de liberté
La difficulté d’être écrivain rejoint le fait qu’il évolue dans une société dans laquelle on ne peut être libre et encore moins exprimer librement ses pensées. Cela est visible à plusieurs reprises dans le texte notamment par la disproportion entre les effets et les causes lors de la première tentative littéraire de Figaro. En effet, il « broche » une comédie, ce qui implique une notion de rapidité, d’écrit bâclé, mais face à un geste empreint de légèreté (évoqué par le verbe brocher et par le choix d’un genre comique), Figaro rencontre une réaction immédiate (« à l’instant ») et disproportionnée, dont l’excès est souligné par l’épitrochasme (énumération) suivant :
« j’offense dans mes vers la Sublime-Porte, la Perse, une partie de la presqu’île de l’Inde, toute l’Egypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d’Alger et de Maroc ». L’idée d’excès se retrouve dans l’hyperbole « s’élever contre moi mille pauvres diables à la feuille ».

«
I.
UNE DÉNONCIATION DES INJUSTICES SOCIALES
Cette pause dans l’intrigue permet à Beaumarchais de pointer du doigt et de dénoncer un bon nombre d’injustices
sociales de son temps, il choisit pour se faire de prêter à son personnage un ton indigné pour mieux brosser un
tableau de la misère du peuple et mettre en cause une société qui les tolère et les encourage.
A.
L’indignation et la colère de Figaro
Tout d’abord, la dénonciation se fait sur un ton indigné qui fait éclater au jour la colère de Figaro.
Cela est visible
dès le début de notre extrait avec l’utilisation de nombreuses phrases exclamatives et d’exclamations, telles que, «
[p]arce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! », « tout cela rend si fier ! », « [d]u
reste homme ordinaire ! tandis que moi, morbleu ! ».
Le recours à ce type de phrase marque une forte émotion et
révèle la colère du locuteur, elle insuffle également au texte
un rythme rapide, haletant que confirme la fréquente utilisation d’énumération et d’asyndètes.
En effet, de
nombreuses énumérations ponctuent le monologue, comme par exemple, « noblesse, fortune, un rang, des places
» ou encore « la Perse, une partie de la presqu’île de l’Inde, toute l’Egypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de
Tunis, d’Alger et de Maroc ».
Le choix de l’asyndète, qui suppose la suppression des coordonnants va dans ce
sens, comme l’illustre : « Mes joues creusaient, mon terme était échu : je voyais de loin arriver l’affreux recors, la
plume fichée dans sa perruque : en frémissant je m’évertue ».
De même, l’émotion de Figaro est rendue visible par la présence d’aposiopèse, c’est-à-dire d’interruptions dans le
discours matérialisées par des points de suspension, comme c’est le cas à plusieurs reprises (« un grand génie !…
noblesse, fortune (…) » ou « et vous voulez joutez… On vient… c’est elle… ce n’est personne »).
L’utilisation
d’expressions familières comme « morbleu », « chiens de chrétiens ! », « Pou-ou », « bonnes gens » ont aussi
vocation à exprimer la colère de Figaro.
B.
Une vision de la misère du peuple
Si le ton du monologue souligne l’indignation du personnage, elle n’est néanmoins pas la seule expression d’une
révolte personnelle.
Dans le tableau que Figaro nous trace de la misère du peuple, il fait part des souffrances qu’il
a lui -même enduré, mais cette représentation des conditions de vie des classes inférieures a une
vocation plus étendue.
Il s’agit de rendre sensible le lecteur à cette souffrance et pour ce faire, Beaumarchais
n’hésite pas à montrer la misère de façon réaliste dans ses manifestations les plus concrètes.
En premier lieu, elle
est visible physiquement : « mes joues creusaient », et a des conséquences concrètes : « mon terme était échu »,
« je voyais de loin arriver l’affreux recors, la plume fichée dans sa perruque » (effet de réel amplifié par l’expression
du détail vestimentaire).
De même, la multiplicité des métiers exercés tels que vétérinaire, écrivains (auteur de théâtre puis auteur d’un
essai économique), journaliste, barbier montrent la difficulté qu’il y a à se sortir de ce néant économique et sociale,
et met en valeur l’énergie avec laquelle Figaro a dû lutter.
Cette inexistence sociale est à nouveau soulignée par le
« on me supprime » qui au premier degré évoque le Journal mais qui peut symboliquement s’appliquer à son
rédacteur.
Pour marquer l’opposition entre la richesse qui entoure l’homme du peuple et son dénuement et amplifier par là
même cette impression d’injustice et de disproportion, il utilise le lexique de la richesse qui envahit littéralement le
texte, comme pour marquer en creux son absence : « fortune », « bien », « richesses », « sol », « argent », «
produit net », « profit », « gagner du bien ».
Enfin, cette réelle souffrance peut mener jusqu’au suicide, expression paroxystique de ce malaise social, n’est.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le mariage de Figaro Beaumarchais Acte V scène 6
- LA 1 : Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, 1784, acte I, scène
- Le Mariage du Figaro Beaumarchais Acte V, scène 3 Non, Monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas.
- Le Mariage de Figaro, Beaumarchais, Acte I Scène 1
- Acte III scène 15, Beaumarchais Le mariage de Figaro