LE MERVEILLEUX EN LITTERATURE
Publié le 25/11/2018
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Le premier manifeste du surréalisme faisait du merveilleux la seule beauté possible. Pour Breton, en effet, la magie littéraire se réduit à cette catégorie fondamentale, révélatrice de ce qu’il appelle l’« irrémédiable inquiétude humaine ». Ailleurs encore, l’opposant au fantastique, « fiction sans conséquence », Breton montre le merveilleux luisant « à l’extrême pointe du mouvement vital », engageant « l’affectivité tout entière ». D’où l’importance de cette notion à la fois fuyante et universelle. Car, dès qu’on le cherche, le merveilleux est partout : dans la nature, dans le rêve, dans la littérature, dans la sensibilité même de chaque époque, qui en renouvelle les symboles : « ruines romantiques », « mannequin moderne »... Aujourd'hui, bien des études poursuivent la quête infinie des surréalistes. Les poètes, mais aussi les savants, explorent cet Autre Monde, primitif et euphorique, révélé par le merveilleux : ils psychanalysent les contes de fées ou s’intéressent à leur structure. Ils cherchent surtout à comprendre le sens de cette évasion hors des lois communes et des modes de pensée traditionnels. On le pressent : le merveilleux n’est pas absurde ou insignifiant, il a sa raison d'être. Simplement, aucun déchiffrage, mythique ou structural, ne semble pouvoir le définir totalement. Le merveilleux reste une belle énigme, et c’est peut-être là son sens premier : donner à réfléchir, donner à rêver.
Le mot lui-même n'a rien de mystérieux : la « merveille » est chose étonnante et singulière (mirabilia) : on l'admire, avec peut-être une petite nuance de respect ou de crainte. Quant au merveilleux littéraire, il réside, selon Littré, «dans l'intervention d'êtres surnaturels, comme dieux, anges, démons, génies, fées [...] ».
«
catégorie
fondamentale, révélatrice de ce qu'il appelle
l'« irrémédiable inquiétude humaine>>.
Ailleurs encore,
l'opposant au fantastique, «fiction sans conséquence>>,
Breton montre le merveilleux luisant «à l'extrême
pointe du mouvement vital>>, engageant «l'affectivité
tout entière».
D'où l'importance de cette notion à la
fois fuyante et universelle.
Car, dès qu'on le cherche, le
merveilleux est partout : dans la nature, dans le rêve,
dans la littérature, dans la sensibilité même de chaque
époque, qui en renouvelle les symboles : «ruines roman
tiques», «mannequin moderne» ...
Aujourd'hui, bien
des études poursuivent la quête infinie des surréalistes.
Les poètes, mais aussi les savants, explorent cet Autre
Monde, primitif et euphorique, révélé par le merve il
leux : ils psychanalysent les contes de fées ou s'intéres
sent à leur structure.
Ils cherchent surtout à comprendre
le sens de cette évasion hors des lois communes et de
modes de pensée traditionnels.
On le pressent : le mer
veilleux n'est pas absurde ou insignifiant, il a sa raison
d'être.
Simplement, aucun déchiffrage, mythique ou
structural, ne semble pouvoir le définir totalement.
Le
merveilleux reste une belle énigme, et c'est peut-être là
son sens premier : donner à rénéchir, donner à rêver.
Le mot lui-même n'a rien de mystérieux : la «mer
veille » est chose étonnante et singulière (mirabilia) : on
l'admire, avec peut-être une petite nuance de respect ou
de crainte.
Quant au merveilleux littéraire, il réside,
selon Littré, « dans l'intervention d'êtres urnaturels,
comme dieux, anges, démons, génies, fées[ ...
] >>.
En fait,
il y a déjà là comme l'amorce d'une différence : entre la
merveille, isolée , stupéfiante, et le merveilleux qui en
systématise l'effet, qui installe un monde homogène
quoique surnaturel; plus qu'une catégorie, le merveilleux
serait donc un genre, à rapprocher sans doute du conte
et de la féerie.
Roger Caillois, dans Images, images ...
,
distingue soigneusement féerie et fantastique.
Malgré les
apparences, le matériau n'est pas le même : « Dans cha
que cas, il y a surnaturel et merveilleux.
Mais les prodi
ges ne sont pas identiques, ni les miracles interchangea
bles>>; alors que le fantastique « manifeste un scandale,
une déchirure, une irruption insolite, presque insupporta
ble dans le monde réel», « le féerique est un univers
merveilleux qu ..
s'ajoute au monde réel san lui porter
atteinte ni en détruire la cohérence».
Définitions oppo
sées, procédés ;lJltinomiques, tout les sépare : alors que
le fantastique ne� peut inquiéter qu'un monde moderne et
réglé par la science, la féerie relève d'un état de civilisa
tion très ancien où rien encore n'est expliqu é.
Alors que
le fantastique installe son «climat d'épouvante» dans
un cadre réel et même réaliste, la féerie est une histoire
heureuse en g�néral, et surtout « fictive >>, « lointaine >> :
c'est Peau-d'Ane contre le Hor/a, Mm• d'Aulnoy contre
Maupassant.
Tzvetan Todorov formule la distinction en des termes
voisins : selon lui, en effet, le fantastique maintient l'am
biguïté entre le surnaturel et le réel, le personnage central
s'interrogeant toujours sur la nature (bien équivoque) de
ce qu'il voit.
Au contraire, le merveilleux est un« surna
turel accepté », ni expliqué ni rationalisé, seulement res
senti.
Il y a donc deux contrats de lecture : celui du
fa�tastique, où le lecteur pose des questions, s'interroge,
doute et mène l'enquête; tandis que, dans le merveilleux,
nous acceptons d'être des spectateurs, naïfs et ravis,
nous ne sommes pas encore entrés dans «J'ère du
soupçon».
Historiquement, le merveilleux peut apparaître
comme le genre littéraire le plus ancien.
li semble indis
sociable du mythe comme il le sera plus tard du conte,
c'est-à-dire, dans les deux cas, d'une histoire racontée.
Pierre Mabille, dans son Miroir du merveilleux, cite le
poème mésopotamien de Celu i qui a to u t vu, qui célèbre
Gilgamesh.
Il n'est pas sacrilège de retrouver dans les récits
religieux, bibliques, mystiques, hagiographiques
ou autres, la plupart des caractéristiques du merveilleux.
En tout cas, c'est le regard que nous pouvons aujourd'hui
porter sur eux comme sur les romans de chevalerie ou
sur les contes folkloriques : flèches magiques atteignant
toujours leur but, puits sans fond, animaux parleurs,
intersignes et talismans y sont « normaux >>, acceptés et
même attendus.
C'est que, selon Je mot deR.
Caillois, le
surnaturel y est plus naturel : il appartient à une nature
parcourue de forces et d'êtres dont on ne sait rien, sinon
qu'ils existent peut-être.
Pour le lecteur moderne, ces
croyances ont disparu, si bien qu'il lui est impo ssi bl e de
lire ou d'écouter un conte comme il aurait pu le faire il
y a quelques siècles.
Quoi qu'il fasse, en effet, l'amateur
de merveilleux ne peut que regretter un paradis perdu,
celui de son enfance ou celui des anciens âges, plu
crédules.
C'est d'ailleurs ce que montre J.
Barchilon
dans son étude sur le conte merveilleux français : le
genre apparaît à la fin du xvu•, à une époque à la fois
sombre et triste; il est une réaction «contre cette société
matérialiste et avide >> et se propose «comme un retour
à un passé sans doute plus fruste, mais plus heureux.
Les contes ne se passent-ils pas toujours dans un passé
ambigu, lointain, mais proche, et pourtant toujours plus
beau : le temps où les fées existaient, le temps où les
bêtes parlaient? >> On le voit clairement, il y a déjà une
distance, un écart par rapport au sujet ou aux thèmes
abordés : la fonction du merveilleux littéraire ne peut pas
être de faire croire à ce qui est devenu depuis longtemps
incroyable.
Elle réside plutôt dans ce regard nostalgique
porté sur un temps (lui-même mythique) où les mythes
étaient possibles : « Il était une fois ...
» Le merveilleux
est devenu inacceptable dans la réalité présente : il se
réfugie dès lors dans le passé (ou dans l'avenir, avec
la science-fiction).
Il se réfugie surtout dans les livres,
chargés maintenant de toute la magie attribuée autrefois
aux fées et aux sorcières.
L'enchantement, s'est déplacé :
c'est le conte qui est merveilleux, et non plus tant ce
dont il parle.
(Voir aussi CONTii, FANTASTIQUE, MYTHE ET
LITTÉRATURE, SCIENCE·FICTIONj.
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le Conte merveilleux français de /690 à 1790, Par is .
Cham
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1975..
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