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LE NARRATEUR EN LITTERATURE

Publié le 24/11/2018

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Conçu par la littérature et par la critique traditionnelles, soit comme une personne productrice du texte (l’auteur, souvent un « écrivain »), soit comme une instance abstraite, conscience totale et source de choix au sein d’une connaissance illimitée, le narrateur, au xxc siècle, n’est plus considéré de la même façon. Souvent, on le voit comme le responsable d’une « simulation » : il ne sait, ne dit, ne conte que ce que pourraient savoir, dire (percevoir, connaître) les personnages (voir les romans de Sartre).

 

De telles conceptions, y compris la dernière, relèvent de l’assimilation de la réalité textuelle à une « vérité » psychologique illusoire.

 

En fait, la source du récit, celui qui « narre », n’est pas celui qui, avant tout discours, a écrit, et celui-ci, qu’il soit caché ou dévoilé dans le texte, n’est pas la personne physique nommée Henri Beyle ou Gustave Flaubert.

 

Ce narrateur peut donc assumer divers niveaux de connaissances : il peut être omniscient et supposé maîtriser la vérité totale de l’univers du discours (univers psychologique et perceptible, valeurs éthiques, etc.); il peut justifier son savoir par la genèse de ses connaissances (l'« observateur », avec un point de vue précis et des lacunes assumées).

 

Le rapport entre le narrateur et l’appréhension des personnages (intégration à une ou plusieurs « consciences », pures descriptions de comportement, niveaux d’explication...) a été souvent étudié [Focalisation]. Moins connue, la configuration des écarts entre narrateur et auteur est mise en œuvre de manière complexe et exemplaire dans A la recherche du temps perdu.

NARRATEUR. Le mot est attesté à la fin du XVe siècle et est emprunté au latin narrator, non pas dérivé du verbe narrer. Cette origine savante est sensible dans les emplois modernes. « Conteur » est un terme courant, mais « narrateur » est resté propre au discours didactique. La signification de base est « personne qui est la source d'un récit ».

 

Le concept

 

Tout processus de représentation des phénomènes du monde où intervient l'homme, linéarisé par et dans le langage (narration, récit, description...), engage deux protagonistes entre lesquels s’établit une communication : un « narrateur » et un « narrataire » (lecteur ou éditeur), qui sont l’émetteur (ou destinateur) et le récepteur (ou destinataire) du message.

 

Le narrateur correspond parfois à une notion familière au linguiste, celle de « sujet de l’énonciation ». Son repérage formel est alors le pronom je.

 

Il convient de distinguer d’emblée le narrateur de l'auteur d'un texte, parfois représenté dans ce texte par une instance distincte. Cet auteur-dans-le-texte peut être implicite, effacé, ou au contraire explicite (mémoires, correspondance, souvenirs, etc.). Il s’écrit alors je et se confond avec le narrateur, mais jamais avec la personne physique extérieure au texte : cela devient évident dans le cas des mémoires fictifs (où le narrateur, auteur prétendu du texte, est en fait un personnage), ou dans le cas du mensonge, qu'il soit ou non délibéré.

 

Le plus souvent, le narrateur s'écarte explicitement du scripteur, source du texte : il peut être parfois identifié à un personnage, à l’émetteur habituel ou occasionnel des opinions, des jugements révélant le système de valeurs mis en œuvre dans le récit.

 

Le discours du narrateur s’adresse le plus souvent à un destinataire qui reste implicite (le lecteur), mais l’explicitation est possible (par exemple, dans la Modification de Butor). Il peut viser l’univers référentiel, le monde décrit (le narrateur s’assimile au personnage) ou la genèse même du texte (le narrateur s’identifie au scripteur), ce texte pouvant être considéré comme un objet dans le monde (Jacques le Fataliste de Diderot).

 

Le narrateur peut donc agir en tant que personnage dans le monde décrit ou se contenter d’en parler et de l’évaluer.

« Conçu par la littérature et par la critique tr a d it ion nel ­ les, soit comme une personne productrice du texte (1' au­ teur, souvent un « écrivain )) ), soit comme une instance abstraite, conscience totale et source de choix au sein d'une connaissance illimitée, le narrateur, au xx• siècle, n'est plus considéré de la même façon.

Souvent, on le voit comme Je responsable d'une «simulation)) : il ne sait, ne dit, ne conte que ce que pourraient savoir, dire (percevoir, connaître) les personnages (voir les romans de Sartre).

De telles conceptions, y compris la dernière, relèvent de l'assimilation de la réalité textuelle à une «vérité» psychologique illusoire.

En fait, la source du récit, celui qui « narre», n ·est pas celui qui, avant tout discours, a écrit, et celui-ci, qu'il soit caché ou dévoilé dans le texte, n'est pas la personne physique nommée Henri Beyle ou Gustave Flaubert.

Ce narrateur peut donc assumer divers niveaux de connaissances : il peut être omniscient et supposé maîtri­ ser la vérité totale de l'univers du discours (univers psy­ chologique et perceptible, valeurs éthiques, etc.); il peut justifier son savoir par la genèse de ses connaissances (l'« observateur», avec un point de vue précis et des lacunes assumées).

Le rapport entre le narrateur et J'appréhension des personnages (intégration à une ou plusieurs « conscien­ ces», pures descriptions de comportement, niveaux d'explication ...

) a été souvent étudié [voir FOCALISATION].

Moins connue, la configuration des écarts entre narrateur et auteur est mise en œuvre de manière complexe et exemplaire dans A" la recherche du temps perdu [voir PROUST).

Évolution Sujet d'un processus spécifique, la narration l voir NARRATION), le narrateur ne peut être envisagé in abstracto.

Au Moyen Âge, dans la littérature orale chantée et récitée, il est physiquement présent; il assume, met en œuvre et parfois modifie un texte traditionnel préexis­ tant.

Le «trouveur,, (l'auteur) peut d'ailleurs dire ou chanter son œuvre : c'est le cas pour de nombreux poè­ tes.

Dans la tradition épique, le narrateur utilise pour le dire et le mettre en chant un texte venu du passé : fictive­ ment, la source en est contemporaine à l'univers du récit.

à la geste qui se donne pour vérité de l'histoire.

Cette situation de communication concrète, orale, reste vivante : c'est par exemple celle du chanteur qui utilise son propre texte [voir CHANSON) ou celui d'un poète, celle du comédien qui dit un texte.

Mais avec le théâtre, en dépit d'une source humaine incarnée, généralement plurielle, le narrateur se cache : i 1 est celui qui fait parler, qui représente exactement (mimésis) les discours des personnages.

Parfois, il peut se faire parler lui-même en tant qu'« auteur de théâtre » : Molière, Ionesco, dans leurs Impromptus, sont des auteurs-dans-le-texte et des personnages.

Les débuts de la littérature écrite et lue ne coïncident pas avec la production de textes écrits.

Le poème noté - comme la musique -n'est qu'un aide-mémoire pour le récitant, lorsque la communication continue à s' effec­ tuer sur le mode oral.

Au contraire, quand l'auteur devient scripteur et que son destinataire n'a d'autre sup­ port qu'un texte, alors s'instaure proprement une lit­ térature.

A l'époque où s'effectue cette mutation, le discours narratif, qu'il se veuille véridique ou qu'il assume l'ima­ ginaire, se laisse classer en deux catégories, selon que le narrateur y est ou non présent.

Paul Zumthor (Langue, texte, énigme, chap.

111) a montré que dans les poèmes où le chant était constitutif du texte («chant narratif»), le narrateur assumé, qui dit je, est fréquent, alors que dans la narration récitée, où le chant ne fait qu'accompagner, il n'est pas attesté -comme on le constate dans les chansons de geste.

Quant aux récits écrits et destinés à la lecture, le je d'un narrateur ne se réalise que dans l'allégorie (ex.

le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris).

Dans le genre lyrique, le je est d'abord acteur­ sinon actant pur- avant d'assumer une réalité humaine identifiable : mais ici, la narra ti vi té est secondaire.

Le roman courtois du Xl!0 siècle, notamment avec Chrétien de Troyes, appartient au domaine de la commu­ nication par J'écriture.

C'est à partir de lui que l'on peut examiner la présence d'un narrateur en termes « littérai­ res ».

C'est alors que le narratif devient autonome, que l'imaginaire s'accepte en un discours de la représenta­ tion, que le «référent>> n'a d'autre loi qu'une structure interne, linéaire, celle du discours, celle de sa cohérence sémantique.

Le «vrai>> se sépare du «réel>> ; sa source humaine (auteur, trouveur, poète) se sépare de ses sour­ ces internes (auteur-dans-le-texte et narrateur) et celles­ ci peuvent être effacées dans l'illusion d'une producti­ vité sans origine.

Le narrateur et le récit A partir de là, toute étude de récit, qu'il soit histoire, mythe, conte ou élaboration romanesque, requiert l'ana­ lyse de la dimension narrative et de la place du narrateur.

Cette analyse peut revêtir deux formes : repérage des marques formelles er étude sémantique des unités distin­ guées fonctionnellement, à chaque niveau.

En effet, si les pronoms personnels et les possessifs, Jes temps et les modes du verbe, les éléments du style indirect libre ou des commentaires trahissent parfois le « point de vue du narrateur>> , ils n'y suffisent pas.

Les récits classiques à la troisième personne suppo­ sent une assertion préalable à laquelle on peut prêter cette forme : «je (narrateur) vous (lecteurs) conte (pré­ sente, décris, rapporte ...

) que ...

>>.

Ce je implique que la narration, l'action de conter, s'effectue selon des choix infinis, «à la manière >> du narrateur, qui fait la spécifi­ cité du discours-récit et peut-être celle du récit littéraire par rapport au récit « populaire » assimilable à une narra­ ti vi té col lective.

Cette spécificité est immédiate : la phrase qui étonnait Valéry : > du livre Il des Caves du Vatican une phrase évoquant la fameuse marquise, produite par un narrateur très effacé : « Le 30 mars, à minuit, les Baraglioul rentrèrent à Paris et réintégrèrent leur appar­ tement de la rue de Verneuil >>.

A peine si le verbe «réintégrer», en tant qu'élément de sens, suggère un choix non quelconque, qui peut ser­ vir d'indice quant au processus de la narration.

«Tandis que Marguerite s'apprêtait pour la nuit, Julius, une petite lampe à la main et des pantoufles aux pieds, pénétra dans son cabinet de travail, qu'il ne retrou­ vait jamais sans plaisir ...

)> : ici, le narrateur cesse de voir et de présenter (à sa manière) ce qu'il« voit>>: il juge un état psychique, il sort du temps du récit -que l'on compare la valeur des deux imparfaits « s'apprê­ tait >) et« retrouvait »; encore faut-il noter que le passage. »

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