Le personnage de CYRANO DE BERGERAC (Edmond Rostand)

« que Cyrano s'entretient avec Roxane, une fusillade espagnole tue Christian.

Cyrano décide de garder le secret.Quinze années plus tard, Roxane s'est retirée dans un couvent.

Cyrano vient la voir toutes les semaines, pour luidonner des nouvelles du monde.Ce jour-là, pourtant, il est en retard.

C'est qu'il a été victime d'un attentat, organisé par de hauts personnagesattaqués dans ses écrits.

Mortellement blessé par la chute d'une poutre, Cyrano sait qu'il n'a plus beaucoup detemps à vivre.Sans rien dire à Roxane, il plaisante avec elle, puis évoque la mémoire de Christian.

A la demande de la jeune femme,il lit la dernière lettre de Christian, celle écrite à Arras en prévision de l'assaut où il serait sûrement tué.

Roxanereconnaît la voix de Cyrano, celle de l'homme qui sous son balcon avait un soir obtenu d'elle un baiser.

Elle s'aperçoitque, dans la nuit, Cyrano ne peut pas lire et qu'il connaît la lettre par coeur.

Elle découvre soudain le sacrifice deCyrano.Mais il est trop tard.

Après une scène de délire dans laquelle il combat les fantômes du mensonge et de la calomnie,Cyrano s'effondre et meurt dans les bras de Roxane.

Les origines Edmond Rostand est né à Marseille en 1868.

Après des tentatives peu concluantes dans la poésie (Les Musardises— 1890) et le vaudeville (Le Gant rouge — 1888), il va connaître un véritable triomphe en 1897 avec Cyrano deBergerac.A la fin du XIX' siècle, la littérature française se caractérise surtout par le réalisme, dont l'expression la plus extrêmeest le naturalisme.

Les sujets et les personnages sont directement issus du quotidien, tandis qu'intrigues etdescriptions ne reculent pas devant des scènes pouvant choquer le bon goût de l'époque.Ce mouvement, amorcé avec Stendhal (1783-1842) et Balzac (1799-1850), se poursuit avec des auteurs commeFlaubert (1821-1880), Maupassant (1850-1893) et surtout Zola (1840- 1902).En réaction contre cette tendance réaliste, Rostand revient à la tradition du théâtre romantique illustrée par VictorHugo (voir le chapitre consacré à Hernani).

On retrouve chez lui un mélange de tragique et de comique, des élanslyriques, une psychologie assez simple et une richesse de versification parfois agrémentée de quelques audaces.Comme Hugo, Rostand va chercher ses sujets dans l'histoire, du temps de Louis XIII pour Cyrano de Bergerac ou deNapoléon pour L'Aiglon, son autre grand succès (1900).

Comme Hugo, il joue sur les antithèses, opposant la laideurde Cyrano à son esprit et à son cœur.

Comme Hugo enfin, il ne recule pas devant les reconstitutions, transportantle spectateur d'un théâtre à un jardin, puis à un champ de bataille.Cyrano de Bergerac offre l'exemple d'une parfaite construction dramatique.

Cyrano nous est d'abord décrit aupremier acte, avant que quelques fortes scènes nous révèlent son côté batailleur et sa verve littéraire.

Une brèvescène avec Le Bret nous fait ensuite découvrir son drame personnel.

Puis tout s'enchaîne...L'évolution des sentiments de Roxane est clairement marquée.

D'abord attirée par la beauté de Christian, elle metensuite beauté et esprit sur le même plan.

Lorsque Christian lui suggère qu'il pourrait perdre son esprit, « il medéplairait,répond-elle, comme il me déplairait que vous devinssiez laid ».Puis, au siège d'Arras, elle avoue que les lettres qu'elle croit de Christian l'ont bouleversé et qu'à présent ellel'aimerait même « défiguré ».La mort de Christian plonge alors Cyrano dans une situation digne de la tragédie classique, partagé qu'il est entreson amour pour Roxane et sa fidélité à la mémoire de son ami.

Il choisit l'amitié.

Et si, à la fin de la pièce, il acceptede lire à Roxane la dernière lettre écrite pour Christian, c'est parce qu'il sait qu'il va mourir lui aussi.

Avec cettelecture il peut faire, enfin à visage découvert, ses adieux à Roxane.

Le côté poignant de la situation rend ce dernieracte proprement bouleversant.Mais pourquoi est-il si important pour Christian d'avoir « de l'esprit »? Au XVII' siècle, Paris voit naître et se développer la mode des salons littéraires (voir le chapitre consacré à laprincesse de Clèves).

C'est, entre 1620 et 1660, la grande époque des « Précieuses ».

Celles-ci, femmes de lanoblesse éloignées de la cour, adoptent des surnoms romanesques (Arthénice, Mélanide...) et pratiquent uneconversation élevée au rang d'art mondain.Dans ce milieu, il importe pour briller de démontrer des qualités particulières.

Il faut savoir trouver les images, lescomparaisons, les tournures qui feront s'extasier les assistants.

On invente des mots et des expressions nouveauxpour désigner les objets les plus communs : la main devient « la belle mouvante », les dents, « l'ameublement de labouche », etc.

Molière caricaturera ce procédé, en 1659, dans sesPrécieuses ridicules.L'amour est le grand sujet à la mode.

Débarrassé de tous ses aspects physiques, il est conçu comme une émotionabstraite, l'accord de deux sensibilités.

Ses étapes sont codifiées dans la « Carte du Tendre », fausse cartegéographique indiquant les différents « lieux » par lesquels il faut passer ou qu'il faut éviter pour conquérir sa dame.On y trouve le lac d'Indifférence, les villages de Billet Doux et de Billet Galant, les falaises d'Orgueil et le domaine deJolis Vers...Habituée des salons, Roxane n'aurait pu accepter comme prétendant qu'un homme capable de se plier à cesacrobaties littéraires.

C'est pourquoi Christian devait faire preuve d'« esprit », c'est-à-dire de son aptitude à jouer lejeu des précieux et des précieuses.Pour écrire sa pièce, Edmond Rostand a pris quelques libertés avec la vérité historique.Le véritable Cyrano de Bergerac, de son vrai nom Savinien de Cyrano de Bergerac, n'est pas gascon mais bienparisien.

Il est né à Paris en 1619, d'un père avocat et propriétaire d'un fief de Bergerac situé près de Chevreuse, en. »