Devoir de Philosophie

Le personnage de FRANKENSTEIN

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

Tel qu'il a été créé à l'origine par Mary Shelley, le mythe de Frankenstein renvoie à un thème plus général : celui de l'homme qui veut égaler Dieu et qui, victime de cette ambition démesurément orgueilleuse, déchaîne des forces qu'il ne peut maîtriser et qui finissent par le détruire. C'est le sens du sous-titre, Le Prométhée moderne, Prométhée étant le personnage mythologique qui vola le feu à Zeus pour l'offrir aux humains et dut subir pour cet acte une punition éternelle. Cette légende est d'ailleurs à rapprocher d'une histoire de la tradition juive, celle du Golem. Un rabbin de Varsovie sculpte un géant d'argile, puis place dans sa bouche un papier portant un mot cabalistique qui donne vie à la statue. Celle-ci, aux ordres du rabbin, s'occupe des tâches ménagères. Puis le rabbin enlève le papier de la bouche du Golem, qui se fige aussitôt. Mais un soir, il oublie d'enlever le papier. La créature, livrée à elle-même, accumule alors catastrophes et destructions jusqu'à ce que son créateur puisse grimper jusqu'à sa bouche et arracher le papier magique; mais le Golem, en s'effondrant, écrase alors l'homme sous son poids.

« justement, Shelley et surtout Byron.

C'est en quelque sorte le cousin du Chatterton de Vigny, du Lorenzaccio ou du« merle blanc » de Musset.

Si la créature de Frankenstein sombre dans le meurtre, si elle devient un monstre, c'estpar réaction haineuse contre l'exécration dont l'accable la société, à commencer par la propre famille du savant.

Etmême sa mort, dans laquelle son créateur sera entraîné, aura pour cadre la solitude majestueuse et absolue du PôleNord.Un peu différent est le monstre de Frankenstein tel que l'a popularisé le cinéma hollywoodien.

D'abord, contrairementà ce qui se passe dans le roman, le monstre se voit doté, dans le film de Whale, d'un cerveau de criminel.

Ce détailannonce les mauvaises actions futures du personnage, en même temps qu'il dédouane partiellement le savant dontla conception est ainsi trahie.Autre différence entre film et livre, la laideur du monstre, à la fois pathétique et terrifiante.

Ainsi, son anormalité setrouve physiquement manifestée, ce qui, là encore, justifie plus ou moins la répulsion et la haine que ressentent àson égard les gens normaux...

Ici, la créature de Frankenstein rejoint plutôt des personnages comme le Quasimodode Victor Hugo, qui sera d'ailleurs lui aussi récupéré par Hollywood dès 1939.

Alors que Dracula, le vampire,représente une volonté maléfique d'agression et de destruction, la créature de Frankenstein n'est que monstruositédéfensive, essayant de s'intégrer puis de s'échapper d'une société qui la rejette et la condamne.Comment ne pas penser aux hordes de chômeurs qui hantaient, victimes de la grande crise, les Etats-Unis de 1931et pouvaient tomber, faute de moyens, dans la délinquance et la violence? De ce point de vue, la récupération parle cinéma du mythe de Frankenstein apparaît comme un véritable exorcisme.Par ailleurs, malgré un parti pris scientifique certain, tout le mythe de Frankenstein baigne en fait dans uneatmosphère irréelle de magie.

La créature naît du feu, dans une scène fameuse où la foudre fournit l'énergie vitale.Elle meurt également par le feu, au sein d'un véritable bûcher expiatoire allumé par la foule.Il est à cet égard tout à fait intéressant de comparer la fin du film de Whale avec celle de Scarface, archétype dufilm de gangsters, réalisé en 1932 par Howard Hawks.

Le parallèle est saisissant : même foule en furie, mêmesolitude du personnage assiégé, même destruction finale par le feu purificateur (projecteurs de la police ou torchesdes paysans), même irresponsabilité enfantine de « monstre » à abattre...

Sous les traits du monstre ou dugangster, c'est une certaine part d'elle-même que la société américaine cherche à détruire symboliquement : cellereprésentée par les exclus du système, ceux qui avaient été réduits à la mendicité et à la misère et qui risquaientd'aller chercher en marge de la loi les moyens d'en sortir.Si l'on souhaite approfondir ce thème, on pourra, en plus des films déjà cités, se référer à Je suis un évadé deMervyn Le Roy (1932). Succès et avatars Par la suite, les films réalisés autour du thème de Frankenstein reflètent toujours peu ou prou les préoccupations dumoment.

Ainsi les versions des années 60 et 70 (comme Le Retour de Frankenstein par T.

Fisher) montrent unsavant cynique et désabusé, qui continue son oeuvre tout en étant parfaitement conscient des risques qu'il faitcourir à la collectivité.

On trouve là une version classique du « savant fou » qui traduit bien l'inquiétude devant la «science sans conscience », inquiétude née avec le péril atomique.Au fil du temps et des très nombreuses adaptations, le nom de Frankenstein s'est graduellement transféré du savantà sa créature.

Aujourd'hui, pour la majorité du public, Frankenstein est le nom du monstre.

Quant à son visage, ilrestera sans doute à jamais celui de l'acteur Boris Karloff (de son vrai nom William Pratt), qui incarna le monstre unedemi-douzaine de fois sous le maquillage pathétique créé par Jack Pierce.Indépendamment du personnage lui-même, on note dans le cinéma quelques films plus ou moins influencés par lemythe de Frankenstein.

Ainsi, dans le célèbre film de Fritz Lang, Métropolis (1926), la scène où l'on voit un robotprendre forme et vie, au milieu des éclairs électriques, semble annoncer son équivalent hollywoodien.

Il en va demême pour unautre film allemand de la même époque, Le Cabinet du Caligari, qui met en scène un somnambule, créature d'unsavant hypnotiseur, qui commet différents crimes pour le compte de ce dernier.Là encore, on pourra mettre en regard le sujet de ces films ct l'époque qui les a vus naître : celle de l'Allemagnepré-hitlérienne, dans laquelle le thème de la créature manipulée par un maître à penser pouvait trouver, de touteévidence, des résonances particulières.

On en trouve par exemple un écho dans le texte de Thomas Mann, Mario etle magicien, écrit en 1930.Cet aspect particulier du mythe de Frankenstein, celui des rapports entre créateur savant et créature passive ourévoltée, réapparaîtra dans la littérature ou le cinéma à l'occasion des histoires de robots ou d'ordinateurs.

Sil'origine de la créature est différente, mécanique et non lugubrement humaine, la problématique et la trame du récitsont similaires : volonté blasphématoire de créer une réplique de l'homme et de l'asservir à ses caprices, succèsapparent et finalement péril mortel provoqué par la créature devenue incontrôlable...Du Golem à L'Apprenti sorcier, de Frankenstein aux ordinateurs fous de 2001, Odyssée de l'espace ou de WarGames, on trouve toujours présente l'inquiétude de l'homme devant sa propre création.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles