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LE PERSONNAGE D'IPHIGENIE DANS LA PIECE DE RACINE

Publié le 09/04/2011

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iphigenie

   Il serait difficile de découvrir un rassemblement de personnages plus marqués pour la tragédie, plus privilégiés de la catastrophe. Barrés parlait de ces familles royales « sculptées par le destin comme une matière rare «. En voici une. On sait quelles lourdes hérédités planent sur ces Atrides, et que la vanité d'Agamemnon consentant d'abord, préalablement à l'ouverture de la tragédie, à la mort de sa fille pour accéder au rang suprême, est commandée, c'est le cas de le dire, par la voix du sang. Chez ces gens-là, de père en fils, depuis Pélops, les ascendants ne laissent guère vieillir leur postérité; leur prédisposition à l'infanticide finit par produire l'inclination inverse, et le gracieux petit Oreste, que Racine n'ose pas montrer, deviendra parricide.  Mais ceux qui les approchent font partie, sans le savoir, de la même race ou n'entreront dans leur alliance que parce qu'ils sont, eux aussi, guettés par la fatalité. Cette mystérieuse Eriphile est fille d'Hélène, donc nièce de Clytemnestre, cousine germaine d'Iphigénie; son père, Thésée, demeure aussi fameux par ses exploits que par ses malheurs. Est-il besoin d'insister sur le personnage d'Hélène dans lequel Giraudoux, par une intuition de grand dramaturge, s'est plu à incarner la Némésis elle-même? Achille, quant à lui, appartient à une famille heureuse et comblée; mais sa destinée sera brève, et il représente, lui aussi, à sa façon, l'holocauste sans lequel Troie ne serait jamais prise; c'est aussi une victime vouée, promise en échange de la victoire. Est-ce un obscur pressentiment de destinée commune qui rapproche ce violent de la douce Iphigénie ? Plaisons-nous à l'imaginer car on ne saurait dire que Racine ait rendu ce trait fort sensible.

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« toute joyeuse pour épouser Achille.

Quelle jeune fille n'en ferait autant? Fille du roi des rois, on l'a fiancée au plusintrépide et au plus beau des guerriers grecs, d'origine divine par sa mère, héros au double sens du terme. Sa piété filiale.

Loin d'être détachée des siens, elle éprouve à l'égard de son entourage des sentiments d'unedélicate complexité.

Elle aime profondément son père, ce qui, après tout, n'est pas tellement répandu, ou ce qui, denos jours, comme sous Louis XIV, ou dans l'ancienne Grèce, et pour des raisons fort différentes, il est vrai, ne semontre guère.

Or, cette piété filiale est une constante du caractère d'Iphigénie; qui l'a bien comprise a déjà saisitout le rôle.

Avant même que la jeune fille paraisse, ou quand elle n'est pas là, on en parle; dès la première scène dupremier acte, Agamemnon se rappelle les nuances de la tendre vénération que sa fille lui a vouée : Ma fille...

Ce seul nom dont les droits sont si saints, Sa jeunesse, mon sang n'est pas ce que je plains ; Je plainsmille vertus, une amour mutuelle, Sa piété pour moi, ma tendresse pour elle, Un respect qu'en son cœur rien ne peutbalancer Et que j'avais promis de mieux récompenser.

(I,1) et Clytemnestre, au comble de la colère, est obligée de convenir que cet amour filial demeure le plus fort; elle sescandalise mais elle constate : Aegine, tu le vois, il faut que je la fuie Loin que ma fille pleure et tremble pour sa vie, Elle excuse son père, et veutque ma douleur Respecte encor la main qui lui perce le cœur... (IV, 2) Dès son entrée en scène, Iphigénie manifeste ce sentiment; elle veut que ce père, qu'elle n'a pas vu depuislongtemps, autorise des démonstrations de tendresse.

Un sot, au XVIIe siècle, s'en est offusqué, et a trouvémauvais qu'une princesse courût après son père pour lui mendier des caresses.

Il n'avait ni lu ni entendu.

Car quedit-elle : Seigneur, où courez-vous et quels empressements Vous dérobent sitôt à nos embrassements ? A quoi dois-jeimputer cette fuite soudaine ? Mon respect a fait place aux transports de la reine... (II, 2) Insistons sur ce dernier vers; vous voyez la scène; Clytemnestre qu'on se représente, sur la foi de son nom et dequelques épisodes de sa vie, comme une grande et forte femme, doit être passablement exubérante; elle a voyagé,soufflé, gémi, grondé, et, à peine arrivée, raconte, on l'imagine, avec force démonstrations, les péripéties de sonvoyage à un mari qui, pour des raisons diverses, voudrait son épouse à tous les diables ; pendant ce temps, unesilencieuse et timide Iphigénie dévore son père des regards, dans un coin, sans rien dire, attendant que maman enait terminé; mais maman est intarissable; du moins la fille a-t-elle tout le temps d'admirer cette haute taille, cettedistinction souveraine d'un, visage que le séjour au grand air, le soleil de la plage ont bronzé, ces armes luisantes etjusqu'à cette gravité pensive que les soucis confèrent à ceux qui ne dorment plus.

Elle court après son père quandelle estime son tour venu, elle ne se résignerait pas à être frustrée: et comme elle se contente de peu ! A peineAgamemnon vient-il de lui répondre avec une froideur que la salle comprend, mais qui, pour la pauvrette, doit êtresurprenante, qu'elle manifeste la tendre fierté dont, pour l'instant, se colore son affection ; on sent qu'il lui tardaitde complimenter son père et d'étrenner cette gloire qui rejaillit sur elle, qui, peut-être, explique à ses yeux sonbrillant mariage.

Elle ne sait pas, évidemment, qu'elle sera de cette promotion paternelle la première victime; elleinterroge Agamemnon, gracieusement le rappelle à sa fonction paternelle, lui reproche une déception d'amour-proprequi ne fait qu'accentuer la délicatesse de son affection; câline, curieuse, elle flaire un mystère, le veut éclaircir;après l'inoubliable Vous y serez, ma fille, la voici frissonnante.

Dans un drame aussi mystérieux, où flotte on ne saitquelle angoissante présence, il faut des nerfs de femme pour sentir rôder la catastrophe.

Jusqu'à présent,Agamemnon était seul dans son incertitude et dans son aboulie; voici qu'il a une compagne dans la personne de safille.

Clytemnestre vient annoncer la rupture du mariage; le départ qui va s'ensuivre et qui, mais Iphigénie ne le saitpas, représenterait le salut, ne lui est qu'une occasion de souffrances; la duplicité d'Eriphile l'indigne, mais c'estencore Agamemnon qui garde la première place dans la peine de cette fiancée déçue.

Un mot d'Eriphile a suffi pourdresser Iphigénie en défenseur de son père; c'est le premier de toute la série de plaidoyers qu'elle va entreprendrepour un homme entouré de méfiance et de réprobation. « Ce même Agamemnon à qui vous insultez. Il commande à la Grèce, il est mon père, il m'aime, Il ressent ma douleur beaucoup plus que moi-même... (II, 5) Et elle lui prête une pudeur d'émotion, une générosité de silence que le malheureux est bien loin de mériter.

Quandelle apprendra la fatale nouvelle, de nouveau elle dira Mon père sur un ton évidemment changé, où l'affection, ledésespoir, l'horreur auront chacun leur note; ces deux mots dominent la scène avec Achille,, ils ouvrent la prièred'Iphigénie, ils ferment son testament :. »

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