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LE PLAT PAYS - Jacques BREL, Poètes d'Aujourd'hui

Publié le 01/02/2011

Extrait du document

Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues

Et de vagues rochers que les marées dépassent Et qui ont à jamais le coeur à marée basse Avec infiniment de brumes à venir Avec le vent d'est écoutez-le tenir Le plat pays qui est le mien. Avec des cathédrales pour uniques montagnes Et de noirs clochers comme mâts de cocagne Où des diables en pierre décrochent les nuages Avec le fil des jours pour unique voyage Et des chemins de pluie pour unique bonsoir Avec le vent d'ouest écoutez-le vouloir Le plat pays.qui est le mien. Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité Avec un ciel si gris qu'un canal s'est pendu Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner Avec le vent du nord qui vient s'écarteler Avec le vent du nord écoutez-le craquer Le plat pays qui est le mien. Avec l'Italie qui descendrait l'Escaut Avec Frida la Blonde quand elle devient Margot Quand les fils de novembre nous reviennent en mai Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet Quand le vent est au rire quand le vent est au blé Quand le vent est au sud écoutez-le chanter Le plat pays qui est le mien.

Jacques BREL, Poètes d'Aujourd'hui.

Ce texte de Jacques Brel s'inscrit dans une longue tradition qui fait de la chanson un domaine artistique authentique, quelle soit d'origine populaire ou savante. Ignorant les poètes anciens ou modernes, beaucoup d'hommes retrouvent les sources de la poésie à travers les chansons. Encore faut-il qu'elles possèdent les qualités de celle-ci : à partir d'un thème si souvent traité, Jacques Brel crée une œuvre dont le charme prenant est soutenu par la musique.

« 2.

Les éléments humains transforment le paysage Les oeuvres humaines, sans bouleverser le cadre naturel, s'harmonisent avec lui et le transfigurent.

Les seules lignesverticales, dans ce paysage tout en fuyantes horizontales, sont apportées par l'architecture : « cathédrales », «clochers », « diables en pierre.

» Seule l'oeuvre des hommes offre à ce pays des pivots, des axes, comme pourcontenir sa dérive.

Ce sont pourtant de « noirs clochers ».

Ni vie plaisante, ni agitation gratuite : le « fil des jours »,les « chemins de pluie » font surtout penser à la monotonie écrasante de la vie quotidienne, une monotonie quicache la volonté âpre et silencieuse de survivre.Car ce paysage est trompeur.

Lorsque se libère l'énergie patiente et quotidienne, lorsque se déchirent les brumes,lorsque la tension de l'effort se relâche, la joie explose et les éléments naturels s'adoucissent.

Parfois la lutte entrel'homme et la nature se mue en communion, et voici que renaissent l'allégresse, la chaleur, la couleur.

Mais si lesvers des trois premières strophes commencent par « avec », ceux de la dernière commencent le plus souvent par «quand » les premiers caractérisent la permanence, les autres l'exception.

Comme venus d'Italie, le soleil, là joie sontindispensables mais étrangers.

Plus qu'une apothéose du paysage lui-même, la dernière strophe est donc uneapothéose du désir de vivre qui s'intensifie avec l'été, le retour des marins, les moissons.

C'est la fête, la ruptureavec la routine, la libération passagère qui permet ensuite de se replonger dans le quotidien. 3.

L'amour du pays De cette tension toujours présente naît sans doute le charme particulier de ce texte.

Tout s'y oppose au laisser-aller, à l'abandon.

Chanter le « plat pays », c'est refuser la représentation habituelle des contrées idéales, l'imagequelque peu sophistiquée des pays toujours ensoleillés ou la vie est facile, où la mer n'est que source de plaisirsnautiques.

C'est la grisaille qui suscite ici la mélancolie et la rêverie.

On sent à travers l'évocation lyrique de JacquesBrel toute la fierté d'un amour exceptionnel; sa profondeur vient de l'amour de ce .qui rebute habituellement, del'exaltation de la force de caractère.

La mollesse ne peut s'accommoder de ces vents intrépides, de cette houle, dece ciel lourd.

La joie y est fille de l'effort : effort de construire, de planter et de moissonner, courage d'affronter leséléments.Le lyrisme de Jacques Brel est trop authentique pour s'embarrasser d'emphase.

La tendresse de l'auteur pour cetteterre dure apparaît dans le vers : « Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner », comme dans le leitmotiv du poème: « Le plat pays qui est le mien » où le possessif a une tonalité amoureuse.Un paysage qui ose se montrer dans son âpreté, mais qui sait aussi séduire par ses éclats de joie, un paysage quine peut laisser indifférent, que l'on rejette ou que l'on aime passionnément.

Cette passion, Jacques Brel sait nous lacommuniquer en mêlant dans sa chanson force et sensibilité, violence et tendresse.. »

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