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Le poète d'après Ronsard

Publié le 03/03/2011

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ronsard

Vous commenterez ces vers de Ronsard en dégageant leur double intérêt : conception de la poésie, art de l'expression. 1 Comme on voit en septembre aux tonneaux angevins Bouillir en écumant la jeunesse des vins, Qui chaude en son berceau à toute force gronde, Et voudrait tout d'un coup sortir hors de sa bonde, 5 Ardente, impatiente, et n'a point de repos De s'enfler, d'écumer, de jaillir à gros flots, Tant que1 le froid d'hiver lui ait dompté sa force, Rembarrant sa puissance es prisons d'une écorce, Ainsi la Poésie en la jeune saison 10 Bouillonne dans nos cœurs, qui n'a soin de raison, Serve de l'appétit, et brusquement anime D'un Poète gaillard la fureur magnanime; Il devient amoureux, il suit les grands seigneurs; Il aime les faveurs, il cherche les honneurs, 15 Et plein de passions, en l'esprit ne repose Que de nuit et de jour, ardent il ne compose; Soupçonneux, furieux, superbe et dédaigneux Et de lui seulement curieux et soigneux, Se feignant2 quelque Dieu : tant la rage félonne 20 De son jeune désir son courage aiguillonne. Mais quand trente-cinq ans ou quarante ont perdu Le sang chaud qui était es veines répandu Et que les cheveux blancs de peu à peu s'avancent, Et que nos genoux froids à trembloter commencent 25 Et que le front se ride en diverses façons, Lors la Muse s'enfuit et nos belles chansons. (Elégie au seigneur Lhuillier.)

1. Tant que = jusqu'à ce que. 2. Se feignant = s'imaginant être.  

Étude du texte I .Une première lecture nous apprend que, par une comparaison avec le vin, Ronsard explique comment le poète perd, avec l'âge, l'ardeur de son inspiration. Il s'agit d'un exposé, d'un discours, adressé à un grand seigneur, donc assez orné et noble, mais qui, par son sujet même, précise l'expérience et les idées sur la poésie de Ronsard, et, dans une certaine mesure, de la Pléiade.

ronsard

« ». b) Dans sa vieillesse (vers 21 à 25), le poète perd toute inspiration (v.

26, où chansons signifie « poésies »).

Analyse du libellé Deux questions : Quel est l'intérêt de ces vers : 1 pour la conception de la poésie qu'ils proposent? 2 pour l'art del'expression qu'ils révèlent? Les questions se recouvrent quelque peu, et ce serait une erreur de les ramener à uneétude du fond, puis de la forme.

Car il est évident que les idées sur la poésie ne vous sont sensibles qu'à traversune certaine forme qui les rend frappantes, et donne un exemple de ce qu'elle définit.

D'autre part, cette forme faitbien partie de l'art de l'expression, mais celui-ci n'est pas uniquement limité au thème de la poésie (il y a celui duvin, de la vieillesse) et il met en œuvre certains procédés assez caractéristiques de Ronsard pour avoir une valeuren eux-mêmes. Il s'agit donc en réalité d'étudier deux fois le style, mais dans le premier cas en fonction du thème pour montrercomment il rend sensible celui-ci, dans le second, en lui-même (et sans se répéter) pour dégager sa physionomiegénérale. Questions pour la recherche des idées La conception de la poésie FEUILLE 1 : Quels sont les mots qui par leur sens, leur puissance de suggestion montrent : A) chez le jeune homme: a) les sources passionnelles de la poésie et son caractère irrationnel? b) sa force? c) sa noblesse? B) sa disparitionchez le vieillard? FEUILLE 2 : Quels autres procédés de style suggèrent les mêmes thèmes? FEUILLE 3 : Comment cette vue de la poésie se rattache-t-elle : a) à ce que je sais de Ronsard? b) de la Pléiade?c) Question accessoire possible : ne peut-on pas la discuter? L'art de l'expression FEUILLE 4 : Parmi les procédés de style notés en 1 et 2, ou d'autres, à propos de thèmes accessoires, quels sontceux qui me paraissent caractéristiques de r art de Ronsard (et de la Pléiade) ou auxquels je trouve une particulièrebeauté? FEUILLE 1 : Conception de la poésie d'après le vocabulaire. • Chez le jeune homme, a) Sources passionnelles : 1 noms : fureur, désir, passion, ardeur, rage félonne, flots, etc.

;2 adjectifs : ardente, ardent, impatiente, gaillard, serve de l'appétit, chaude, furieux, etc.

; 3 verbes : bouillir,bouillonne, écumant, gronde, enfler, écumer, jaillir, aime, cherche, etc.

; 4 locutions : qui n'a soin de raison, b)Force : à toute force, tout d'un coup; brusquement; de jour et de nuit; n'a point de repos, ne repose; anime;aiguillonne, c) Noblesse : magnanime, quelque Dieu; faveurs, honneurs, grands seigneurs; superbe; dédaigneux. • Chez le vieillard : froid d'hiver; blancs; froids; — prison, dompter, rembarrant, trembloter.

Au vocabulaire de lachaleur et du mouvement, s'oppose donc celui du froid et de l'immobilisation. FEUILLE 2 : Ce vocabulaire est renforcé : a) par l'image comparaison : on remarquera les correspondances determes entre les deux parties de la comparaison : ex.

bouillir (v.

2) — bouillonne (v.

10); jeunesse (v.

2) — jeunesaison (v.

9); ardente (v.

5) — ardent (v.

16) ; froid (v.

7) — froids (v.

24) ; l'application au vin de termes quiconviennent à l'homme (impatiente, voudrait, etc.); b) par le rythme et la construction des phrases : ex.

lesappositions (v.

3; v.

5; v.

15; v.

17) qui rompent le mouvement régulier de la phrase par l'irruption d'un adjectif misainsi fortement en valeur; les énumérations avec élargissement du rythme (ex.

v.

6 : le 2e hémistiche, sans coupe,est plus long que les deux membres du premier (3-3) mais se lit presque aussi vite, ce qui précipite le débit); laplace de l'adverbe (v.

11, brusquement) et le contre-rejet qui entraîne le v.

12, peu coupé, dans un mouvement vif,en contraste avec les vers 13 et 14, nettement coupés, symétriques par le rythme et la construction.

On étudierales v.

17-19 : à l'effet de l'apposition déjà noté, on ajoutera celui de Y accumulation d'adjectifs, ralentie au v.

18par Y inversion qui met en valeur « de lui », et qui permet un chiasme (complément + soigneux 11 se feignant +complément), mais le rythme ne correspond pas à la symétrie grammaticale, le dernier élément (celui du v.

19) étantplus court ce qui, avec la forte coupe, met en valeur le mot Dieu.

Le rythme est donc savamment varié, et organiséà la fois pour mettre en valeur les termes et pour donner une impression de mouvement impétueux et à saillies quine tombe pourtant pas dans le désordre.

Il contraste avec celui des v.

21-26, caractérisé par une longue protasede cinq vers, en quatre groupes, marqués par la reprise grammaticale (quand...

et que...), les trois dernierssymétriques, avançant d'un mouvement régulier, comme inexorable; l'apodose, d'un seul vers, est rendue frappantepar sa relative brièveté, sa fluidité (discrète allitération des s, des o et des u) et la construction grammaticalepermet la mise en valeur des mots essentiels, s'enfuit, à l'hémistiche, et chansons, à la rime.. »

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