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Le Poète et la Foule de Th. Gautier (commentaire)

Publié le 17/02/2012

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gautier

Théophile GAUTIER   (1811-1872)

Le poète et la foule

 

La plaine un jour disait à la montagne oisive : 

" Rien ne vient sur ton front des vents toujours battu ! "

Au poète, courbé sur sa lyre pensive, 

La foule aussi disait : " Rêveur, à quoi sers-tu ? "

 

La montagne en courroux répondit à la plaine : 

" C'est moi qui fais germer les moissons sur ton sol ; 

Du midi dévorant je tempère l'haleine ; 

J'arrête dans les cieux les nuages au vol !

 

Je pétris de mes doigts la neige en avalanches ; 

Dans mon creuset je fonds les cristaux des glaciers, 

Et je verse, du bout de mes mamelles blanches, 

En longs filets d'argent, les fleuves nourriciers.

 

Le poète, à son tour, répondit à la foule :

" Laissez mon pâle front s'appuyer sur ma main. 

N'ai-je pas de mon flanc, d'où mon âme s'écoule, 

Fait jaillir une source où boit le genre humain ? "

Commentez ce poème de Th. Gautier : Vérité et pittoresque des images; sens et portée du symbole. Ces vers ne réveillent-ils pas en vous des souvenirs littéraires?

Th. Gautier fut un vrai poète, condamné presque toute sa vie à des besognes littéraires qui le détournèrent de la poésie. Son oeuvre en vers est fort réduite; ses études critiques, articles divers, récits de voyage, contes et romans formeraient trois cents volumes si on les réunissait. Un jour le « pauvre Théo « écrivait tristement à Sainte-Beuve : « Si j'avais eu la moindre fortune personnelle, je me serais livré uniquement a l'amour du vert laurier. « Ce culte des vers ne l'empêcha pas d'exceller dans la prose ; mais il est bon, avant de commenter ces strophes, de rappeler qu'elles ne sont pas un simple exercice, un jeu de l'esprit. Celui qui tient la plume est sincère; il a de son art la plus haute idée et si le thème développé ne lui est pas personnel, il y apporte néanmoins un accent original qui nous plaît et une chaleur de conviction qui nous émeut.

gautier

« plateau a 9.000 pieds au-dessus du niveau de la mer, it y passera la nuit. Mais it n'est encore que cinq heures.

Il a le temps de contempler a loisir la plaine.

Il songe que, tandis qu'il grelotte, le thermomkre marque la-bas de 30 a 35°.

g L'esprit emu de ce spectacle grandiose et sublime, je me mis a grilfonner sur mon carnet quelques vers sinon bien tournes, ayant au moms le merite d'être les seuls alexandrins composes a une pareille eleva- tion...

s> Sont-ce exactement ceux que nous avons sous les yeux? Nous ne sau- rions l'affirmer, ne possedant pas des moyens suffisants de controle.

Du moms pouvons-nous croire ces strophes (1) portant l'indication : Sierra Nevada (Espana, 1845) - qu'elles furent inspirees par le souvenir de ce double spectacle : la plaine de Grenade et la Sierra Nevada.

Gautier est donc parti, la encore, d'une image exterieure et reelle, pour aboutir a une meditation toute subjective, suivant la pente ordinaire de son esprit, reve- nant comme inconsciemment a une idee qui lui tient au cceur. * * 1re strophe.

Tenons-nous en pour l'instant aux images, comme nous y invite le texte.

Celle de la Plaine reste assez vague : l'artiste ne s'y interesse pas; le penseur y voit simplement la fertilite, la fecondite; un mot evoca- teur : les moissons (2° strophe) y suffit.

Le front de la Montagne, c'est son sommet, ses regions les plus elevees, oil plus rien ne vient, c'est-A-dire ne croft, ne prospere : verbe populaire et expressif.

Autre caracteristique oh- servee : les mouvements d'air incessants qui regnent dans ces hautes re- gions.

Ce front, des vents toujours battu, c'est la une image juste et vivante. Le verbe battre est parlant; it fait songer a l'aprete, a l'hostilite brutale des vents (personnifies), qui sevissent sur les cimes et qui, de concert avec le froid, emp'echent toute vegetation.

- Declarons sans hesiter que le Poste, courbe sur sa lyre plaintive est d'un romantisme par trop &suet, et qu'il ressemble meme a un Ines vieux cliché classique.

Image, oui; mais qui n'excite en nous aucune emotion, pas plus qu'elle ne represente un objet actuel.

Corinne a Misene, Musset et son luth...

peut-titre, mais cette fiction a cesse de plaire! 2° et 3* strophes.

La Montagne, déjà personnifiee, avait un front, etait battue, mais semblait jusqu'alors passive.

La Plaine lui a reproche d'être oisive, comme la Foule a reproche au Poste de ne servir a rien.

Elle s'anime maintenant.

Ce reproche immerite provoque son courroux.

Celui-ci est jus- tifie, mais son discours ne repond guere a cette vehemence.

On &imagine difficilement un diseur qui reciterait furieusement : g Et je verse du bout de mes mamelles...

) Sa reponse, accumulation ecrasante pour la Plaine, est digne toutefois de sa majeste : c'est la vision d'emeraude, puis d'or, des moissons qu'elle fait germer; c'est sa lutte gigantesque avec cette puissance ennemie : le midi devorant, et sa victoire qui procure a la plaine des brises rafraichissantes; c'est le nuage fugitif, oblige de s'arreter et de deposer son fardeau precieux, dont profitera encore la Plaine; c'est la neige, que cette divinite titanesque petrit en ses doigts puissants moms pour en former des avalanches redoutables que pour la transformer en reservoirs inepuisables, tout comme les cristaux des glaciers que ses creusets fondront sagement, lentement, selon les besoins des contrees basses.

Et une derniere image couronne cette enumeration : les mamelles blanches des cimes recouvertes de glaces et de neiges eternelles.

Mamelles monstrueuses, d'oA sourdent, grondants et bouillonnants, les torrents, les rivieres, les fleuves nourriciers, longs filets d'argent ).

d'est toute l'economie de la circulation de l'eau sur le globe que le poke evoque ici en termes dont la poesie ne diminue en rien l'exactitowthu A peine le recit en prose offre-t-il plus de precision : g Nous etions au-cletsus des sources du Genil, que nous apercevions, sous in forme d'un ruban bleu\glace d'argent, se precipiter en toute hate: du cote de sa vine bien-aimeeas444, 4° strophe.

Avec la derniere strophe, nous revenons au dialogue entre le Poste et la Foule.

C'est la replique a la question de la premiere strophe : g A quoi sers-tu? ) Maintenant les images ne sont plus que fictions - sauf le front pale qui s'appuie sur la main.

-- L'ome qui s'ecoule du flanc, la source ou s'abreuve le genre humain : nous ne pouvons realiser ces figures; (1) Gautier ajoute : Mes strophes terminees, je fabriquai d'excellents sorbets avec de la neige, du sucre, du citron et de l'eau-de-vie. plateau à 9.000 pieds au-dessus du niveau de la mer, il y passera la nuit.

Mais il n'est encore que cincj heures.

Il a le temps de contempler à loisir la plaine.

Il songe que, tandis qu'il grelotte, le thermomètre marque là-bas de 30 à 35°.

«...

L'esprit ému de ce spectacle grandiose et sublime, je me mis à griffonner sur mon carnet quelques vers sinon bien tournés, ayant au moins le mérite d'être les seuls alexandrins composés à une pareille éléva­ tion... » Sont-ce exactement ceux que nous avons sous les yeux? Nous ne sau­ rions l'affirmer, ne possédant pas des moyens suffisants de contrôle. Du moins pouvons-nous croire — ces strophes (1) portant l'indication : Sierra Nevada (Espana, 1845) —- qu'elles furent inspirées par le souvenir de ee double spectacle : la plaine de Grenade et la Sierra Nevada.

Gautier est donc parti, là encore, d'une image extérieure et réelle, pour aboutir à une méditation toute subjective, suivant la pente ordinaire de son esprit, reve­ nant comme inconsciemment à une idée qui lui tient au cœur.

ire strophe.

Tenons-nous en pour l'instant aux images, comme nous y invite le texte.

Celle de la Plaine reste assez vague : l'artiste ne s'y intéresse pas; le penseur y voit simplement la fertilité, la fécondité; un mot évoca- teur : les moissons (2° strophe) y suffit.

Le front de la Montagne, c'est son sommet, ses régions les plus élevées, où plus rien ne vient, c'est-à-dire ne croît, ne prospère : verbe populaire et expressif.

Autre caractéristique ob­ servée : les mouvements d'air incessants qui régnent dans ces hautes ré­ gions. Ce front, des vents toujours battu, c'est là une image juste et vivante.

Le verbe battre est parlant; il fait songer à l'âpreté, à l'hostilité brutale des vents (personnifiés), qui sévissent sur les cimes et qui, de concert avec le froid, empêchent toute végétation. — Déclarons sans hésiter que le Poète, courbé sur sa lyre plaintive est d'un romantisme par trop désuet, et qu'il ressemble même à un très vieux cliché classique.

Image, oui; mais qui n'excite en nous aucune émotion, pas plus qu'elle ne représente un objet actuel.

Corinne à Misène, Musset et son luth...

peut-être, mais cette fiction a cessé de plaire! 2e et 3e strophes.

La Montagne, déjà personnifiée, avait un front, était battue, mais semblait jusqu'alors passive.

La Plaine lui a reproché d'être oisive, comme la Foule a reproché au Poète de ne servir à rien.

Elle s'anime maintenant.

Ce reproche immérité provoque son courroux.

Celui-ci est jus­ tifié, mais son discours ne répond guère à cette véhémence. On s'imagine difficilement un diseur qui réciterait furieusement : « Et je verse du bout de mes mamelles... » Sa réponse, accumulation écrasante pour la Plaine, est digne toutefois de sa majesté : c'est la vision d'émeraude, puis d'or, des moissons qu'elle fait germer; c'est sa lutte gigantesque avec cette puissance ennemie : le midi dévorant, et sa victoire qui procure à la plaine des brises rafraîchissantes; c'est le nuage fugitif, obligé de s'arrêter et de déposer son fardeau précieux, dont profitera encore la Plaine; c'est la neige, que cette divinité titanesqûe pétrit en ses doigts puissants moins pour en former des avalanches redoutables que pour la transformer en réservoirs inépuisables, tout comme les cristaux des glaciers que ses creusets fondront sagement, lentement, selon les besoins des contrées basses.

Et une dernière image couronne cette énumération : les mamelles blanches des cimes recouvertes de glaces et de neiges éternelles. Mamelles monstrueuses, d'où sourdent, grondants et bouillonnants, les torrents, les rivières, les fleuves nourriciers, « longs filets d'argent ».

C'est toute l'économie de la circulation de l'eau sur le globe que le poète évoque ici en termes dont la poésie ne diminue en rien Fexact&ml^ A peine le récit en prose offre-t-il plus de précision : « Nous étions au-deïsus des sources du Genil, que nous apercevions, sous la forme d'un ruban bleu^glacé d'argent, se précipiter en toute hâte du côté de sa ville bien-aimée^X ¥ strophe.

Avec la dernière strophe, nous revenons au dialogue entre le Poète et la Foule.

C'est la réplique à la question de la première strophe : « A quoi sers-tu? » Maintenant les images ne sont plus que fictions — sauf le front pâle qui s'appuie sur la main.

— L'âme qui s'écoule du flanc, la source ou s'abreuve le genre humain : nous ne pouvons réaliser ces figures; (1) Gautier ajoute : « Mes strophes terminées, je fabriquai d'excellents sorbets avec de la neige, du sucre, du citron et de Peau-de-vie.

». »

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