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LE ROMAN AU XVIIIe SIÈCLE DEUXIÈME ÉPOQUE

Publié le 25/01/2018

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Les romanciers du xvme siècle ont ainsi fait faire un grand pas au réalisme romanesque, avant le triomphe qu'il connaîtra au x1xe, de Balzac à Zola. Mais ils sont mal à l'aise devant le réel; ils manquent de naturel, pour des raisons qu'il faudrait analyser chez chacun d'eux 1; dans des œuvres où selon l'intention même des auteurs devraient s'équilibrer l'imagination et l'observation, l'irréalisme éclate en irruptions incontrôlées à la faveur d'un cliché romanesque ou d'une plaisanterie; la plus grande partie des romans écrits dans ce siècle de philosophie expérimentale et sensualiste sont des fantaisies extravagantes, badinages érotiques, féeries orientales, allégories, voyages imaginaires; et surtout le réel n'intéresse les romanciers que s'il est vécu par l'homme : ils peignent les passions bien plus que les objets; ils s'at­tachent beaucoup plus à reconstituer les émotions et les réflexions d'un personnage qu'à construire une intrigue parfaitement cohérente et à inventer des circonstances rigoureusement possibles 2; l'équilibre de l'imagination et de l'observation, qui s'entraident pour obtenir du lecteur l'adhésion lucide et critique à un faux plus vrai que le vrai, est accompli dans la description de la vie intérieure, non dans celle du monde et des actes extérieurs; la vraisemblance de celle-ci est souvent sacrifiée à l'intensité de celle-là. L'imitation du réel reste cependant le but de tous les roman­ciers, qui se livrent même dans ce domaine à une surenchère et s'accusent les uns les autres de manquer à la vérité. Le souvenir du roman baroque et de ses formes abâtardies hante si continuellement les esprits que le terme de roman n'est presque jamais employé par les romanciers pour désigner leurs œuvres 3 et que leurs réflexions sur leur art ainsi que leurs discussions avec les critiques en ont été obscur­cies. Ils ont bien compris que leur art ne consistait pas à en imposer au lecteur et à

« tête de Manon Lescaut -, une leçon sur la vie réelle, même si les histoires qu'il raconte sont imaginai res.

Les romanciers n'opposaient pas une défense hypocrite aux accusations d'immoralité quand ils affirmaient que leurs œuvres étaient instruc­ tives et morales, ils énonçaient paradoxalement une opinion sincère et fondée ; le roman au xvme siècle est devenu l'école de la vie, non pas seulement le manuel des belles manières et des conversations mondaines qu'il avait été à l'époq ue baroque, mais une image fidèle et pleine de sens de l'homme en société et de son destin.

Pour la première fois la bourgeoisie va posséder sa littérature, se reconnaître dans des œuvres qui ne la ridicul iseront pas, voir ses vertus exaltées, ses aspirations encouragées, son genre de vie magnifié par l'art, ses problèmes devenus représenta­ tifs des problèmes que pose en général la condition humaine.

Les romanciers du xvme siècle ont ainsi fait faire un grand pas au réalisme romanesque, avant le trio mphe qu'il connaîtra au x1xe, de Balzac à Zola.

Mais ils sont mal à l'aise devant le réel ; ils manquent de naturel, pour des raisons qu'il fa udrait analyser chez chacun d'eux 1; dans des œuvres où selon l'intention même des auteurs devraient s'équilibrer l'imagination et l'obs ervation, l'irréalisme éclate en irruptions incontrôlées à la faveur d'un cliché romanesque ou d'une plaisanter ie; la plus grande partie des romans écrits dans ce siècle de philosophie expérimentale et sensualiste sont des fantaisies extravagantes, badinages érotiques, féeries orientales, allégories, voyages imaginai res; et surtout le réel n'intéres se les romanciers que s'il est vécu par l'homme : ils peignent les passions bien plus que les objets; ils s'at­ tachent beaucoup plus à reconstituer les émotions et les réflexions d'un personnage qu'à construire une intrigue parfaitement cohérente et à inventer des circonstances rigoureusement possibles 2; l'équilibre de l'imagination et de l'ob servation, qui s'en traident pour obtenir du lecteur l'adhésion lucide et critique à un faux plus vrai que le vrai, est accompli dans la description de la vie intérieure, non dans celle du monde et des actes extérieurs ; la vrais emblance de celle-ci est souvent sacrifiée à l'intensité de celle-là.

L'imitation du réel reste cependant le but de tous les roman­ ciers, qui se livrent même dans ce domaine à une surenchère et s'accusent les uns les autres de manquer à la vér ité.

Le souvenir du roman baroque et de ses formes abâtardies hante si continuellement les esprits que le terme de roman n'est presque jamais employé par les romanciers pour désigner leurs œuvres 3 et que leurs réflexions sur leur art ainsi que leurs discussions avec les critiques en ont été obscur­ cies.

Ils ont bien compris que leur art ne consistait pas à en imposer au lecteur et à 1.

Sans trop s'aventurer, on peut suggérer celles-ci : d'une part, ils se dégagent mal de l'emprise du roman héroïque ; son attrait s'exerce encore sur eux, ses procédés leur sont commodes, et il est sous-entendu même dans leur réalisme, qui est la satire ou la parodie de ses conventions ; d'autre part, en face du réel leur attitude est ambiguë : dans la mesure où ils sont les porte-par oles de la bourgeo isie, le mode de vie aristocratique leur inspire respect et révolte, leur propre mode de vie honte et fierté; ils condamnent le premier et y trouvent un idéal qu'ils veulent imiter, ils hésitent devant le second entre le reniement et l'idéalisation.

Les héros de roman sont très souvent à cette époque des orphelins, des bâtards et des parvenus.

2.

G.

MAY a remarqué dans Le Dilemme du roman, p.

62, le caractère souvent arbitraire et invrai semblable des intrigues.

3.

De 1700 à 17 50, S.P.

}ONES n'a trouvé ce mot que quatre ou cinq fois dans les titres qu'il a catal ogués.. »

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