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LE roman personnel de Rousseau dans la nouvelle Héloïse

Publié le 28/04/2011

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Il s'est même identifié avec sa Julie. C'est à elle, autant qu'à Saint-Preux, qu'il a prêté ce qui fit les délices et le tourment de sa vie, cette sensibilité frémissante qui ne se lasse jamais d'appeler l'effusion du cœur et que rien dans les réalités terrestres n'arrive à combler ou même à tromper : « un vide inexplicable, un certain élancement du cœur dans une autre source de jouissance dont je n'avais pas d'idée et dont pourtant je sentais le besoin... Mon cœur est à l'étroit dans les bornes des êtres ; j'étouffe dans l'univers, je voudrais m'élancer dans l'infini «. Ainsi Jean-Jacques se confesse à lui-même dans des notes inédites ou ses lettres à M. de Malesherbes. Mais c'est la confession même que Julie fait à Saint-Preux : « Une langueur secrète s'insinue au fond de mon cœur ; je le sens vide et gonflé, comme vous disiez autrefois du vôtre ; l'attachement que j'ai pour tout ce qui m'est cher ne suffit pas pour l'occuper ; il lui reste une force inutile dont il ne sait que faire... Ne trouvant donc rien ici-bas qui lui suffise, mon âme avide cherche ailleurs de quoi la remplir «.   

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« Les autres personnages ne sont guère que des fictions.

Il peut y avoir dans la figure de Claire la rieuse quelquessouvenirs des demoiselles Graffenried et Galley ou de la piquante Zulietta ; il n'y en eût pas qu'on puisse préciser.

M.de Wolmar n'est exactement ni même à peu près aucun de ceux qu'a connus Rousseau.

Il est philosophe commeDiderot, comme d'Holbach, comme Croismare, comme Saint-Lambert.

Mais il ne professe pas comme eux laphilosophie.

Il garde soigneusement pour lui ses scepticismes ; les autres, au contraire, les affichaient.

Wolmar estun « sage » à qui la raison donne, à défaut du bonheur, toutes les indulgences et toutes les maîtrises de soi.Rousseau ne reconnaissait ni à Diderot, ni à d'Holbach cette sagesse-là.

Croismare était bon, mais faible et crédule.Seul Saint-Lambert, le tranquille amant de Sophie, a peut-être prêté quelques traits à Wolmar.Il n'est pas professeur d'athéisme, il est mesuré, il est raisonnable, il est froid.

Il aime Sophie solidement mais « sansfolie ».

Il a « une raison supérieure que la plus belle imagination" n'a jamais égarée ». Le décor et les mœurs.

Les personnages ne sont pas toujours ce qu'il y a de plus vivant dans le roman.

Noussommes peut-être plus sensibles aujourd'hui au voyage du Valais, à la promenade sur le lac, à l'Elysée de Julie etaux vendanges de Clarens qu'à la sagesse de Wolmar ou aux sermons de Julie, voire à la gaieté de Claire.

C'est queRousseau y a mis une vérité profonde, celle de son âme.

Saint-Preux, Julie, Claire n'aiment que ce qu'il a aimé.

Il adonné au roman le décor de ses souvenirs; il a donné à ses héros le train de vie qu'il avait mené parfois et qu'ilrêvait de mener toujours. Le décor c'est le lac de Genève, les coteaux et les montagnes du pays de Clarens.

Rousseau avait vécu près de là,quand il donnait des leçons de musique à Lausanne.

Il était allé visiter Vevey, Montreux, Clarens, Chillon à plusieursreprises.

Il avait vu le Valais deux fois, une fois les rochers de Meillerie.

C'était pour lui le plus beau lac du monde ;et le coin du lac qu'il préférait.

C'est là qu'il rêvait de vivre en pasteur d'Arcadie, avec une maisonnette, un bateau,une vache, une femme aimée, un ami sûr.

C'est là sans aucun doute qu'il avait vu ou cru voir de braves gens à lamode de M.

et Mme de Wolmar.

Sans doute on n'y vivait pas l'idylle rustique dont il nous a fait le tableau flatteur.

Ily avait au pays de Clarens bien des misères et bien des vexations.

On était sujet des seigneurs de Berne et lesseigneurs de Berne faisaient sentir durement leur autorité.

Il y avait beaucoup de pauvres et l'on avait apporté desvilles des goûts de luxe et quelques vices.

Pourtant nous avons la preuve qu'on y menait ou pouvait mener trèsexactement, quand on était gentilhomme, la vie de M.

et Mme de Wolmar.

Catherine de Severy et son mari sontchâtelains.

Mais ils n'en profitent pas pour tenir salon et prétendie au bel esprit.

Ils visitent et dirigent leurs terres ;ils rangent leurs placards, font leurs confitures, vivent en somme de leurs terres et n'ont pas d'autre occupation queles joies de famille et les soins domestiques.

Ils sont vraiment des gens simples et ils semblent des gens heureux.

LaNouvelle Héloïse est réellement une idylle vaudoise. Mais elle est aussi bien une idylle savoisienne.

Rousseau n'avait pas laissé tout son cœur sur les rives du pays deVaud.

Il en avait donné une part au pays de sa « chère maman », à la Savoie de Chambéry, à ces coteaux desCharmettes où il avait vécu, pensait-il, les seuls moments heureux de sa destinée.

Dans la métairie il avait mené, enpetit, l'existence de M.

et Mme de Wolmar dans leur château.

Il avait cultivé son jardin, soigné ses pigeons ; il avaitpartagé la vie des métayers, Jacques Chatelain et Claudine Drogut.

Les gens qu'il y connaissait ou qu'il avait pu yconnaître y vivaient souvent comme les châtelains de Wolmar ou comme M.

et Mme de Severy.

Rien n'est plus cherà M.

de Conzié, qui fut l'ami de Rousseau, que son « ermitage des Charmettes » ; il y vit de bon lait, de beauxfruits, de « bonnes châtaignes » et de « beaucoup de tranquillité ».

Le frère de Mlle de Charlie, qui fut l'élève deRousseau, renonce, en 1754, à vingt-sept ans, au vain appareil du luxe ; il vend ses cuivres, bronzes, argenteries,tableaux.

Du produit de sa vente il tire les ressources nécessaires pour faire de son domaine une Salente toutesemblable à celle que Julie dirige au pays de Clarens.

D'ailleurs la plupart des nobles savoyards vivaient sur leursterres et même en exploitaient une partie.

Les fermiers, quand les maîtres n'étaient pas là, étaient très souvent deshommes cultivés, notaires ou avocats.

La vie rustique de la Nouvelle Héloïse n'est donc pas une fiction de Rousseau.Elle a eu des modèles, moins parfaits assurément, soit en Suisse, soit en Savoie. Ces souvenirs vécus ont d'ailleurs laissé des traces précises.

Pas mal de noms et quelques faits sont des noms vraiset des faits authentiques.

Fanchon Regard est Fanchon Fazy, belle-fille de la tante de Rousseau ; son mari ClaudeAnet a le nom de l'intendant de Mme de Warens ; Gustin, jardinier de Mme de Wolmar, est le souvenir d'un Gustin,jardinier de Groslay.

Il y avait réellement un mylor Hyde fort connu des Parisiens.

Les noms de d'Hervart, Vullierens,Regard, Perret, etc...

ont été portés par des familles du pays de Vaud.

Rousseau a mêlé délibérément au roman lesréalités précises de son passé.. »

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