Devoir de Philosophie

Le Sonnet d'Uranie de Vincent Voiture

Publié le 13/02/2012

Extrait du document

voiture

Il faut finir mes jours en l’amour d’Uranie,
L’absence ni le temps ne m’en sauraient guérir,
Et je ne vois plus rien qui me pût secourir
Ni qui sût rappeler ma liberté bannie.

 

Dès longtemps je connais sa rigueur infinie ;
Mais, pensant aux beautés pour qui je dois périr,
Je bénis mon martyre et, content de mourir,
Je n’ose murmurer contre sa tyrannie.

 

Quelquefois ma raison, par de faibles discours,
M’excite à la révolte et me promet secours ;
Mais lorsqu’à mon besoin je me veux servir d’elle,

 

Après beaucoup de peine et d’efforts impuissants
Elle dit qu’Uranie est seule aimable et belle,
Et m’y rengage plus que ne font tous mes sens.

Vincent Voiture

Ce sonnet est un spécimen de littérature précieuse. Analysez-le méthodiquement, en recherchant ce qu'il renferme de précieux.

Avec celui de Benserade (Job), ce sonnet est probablement un de ceux qui firent couler le plus d'encre. OEuvre de jeunesse, elle engendra, trente ans après son apparition, à la mort de Voiture (1648), la querelle fameuse des « Uranistes et des Jobelins «.....

voiture

« métier marchand.

Il le voit avec plaisir passer, le feutre sur l'oreille, l'épée au côté, du Royaume du Vin au Royaume du Tendre.

Il ne songe pas même à le pousser vers le Royaume de la Chicane.

D'un physique agréable, la voix experte à nuancer compliments et décla­ rations, tout plein de lectures romanesques, Vincent Voiture rêve d'autres triomphes que ceux du barreau.

Il veut, lui, le roturier, pénétrer dans la haute société, et, comme il tourne joliment les vers, c'est par ce moyen qu'il entend approcher les grands.

Il dédie à Gaston d'Orléans, encore enfant, une pièce de sa façon.

Incapable de comprendre et d'apprécier ces stances précieuses, Gaston récompense - parce que c'est la coutume - non point l'auteur, trop jeune à son gré, mais la famille du rimeur.

Pour se consoler de ce demi-échec, Voiture s'adresse aux dames.

M11• du Plessis Guénégaud agrée ses hommages; mais une autre dont le nom ne nous est point parvenu, se montre plus rétive.

Voiture, navré, éprouve le besoin d'exhaler en alexandrins son amour infortuné, de traduire à la mode du temps sa tristesse de rester incompris.

Telle est la genèse du Sonnet d'Ura­ nie.

Sous la plume de l'amoureux transi et éconduit naissent des vers où la tendresse s'allie à la grâce, l'ardeur à la mélancolie, si bien q:ue l'œuvre a bravé la flétrissure du temps et mérite encore d'être proposee à l'analyse de « nos futurs bacheliers ».

Mais avant de les disséquer, rappelons que ces quatorze vers furent l'ori­ gine de la fortune de Voiture.

Sûr d'avoir atteint la perfection, il voulut les soumettre à un censeur qualifié.

Il avait, quelques jours plus tôt, ren­ contré Jean-Louis Guez, sieur de Balzac, savant homme, et auteur de lettres admirées.

Il le retrouve en la société du joyeux abbé de Boisrobert, c'est-à­ dire tel que pouvait le souhaiter un débutant : dilaté, épanoui par la verve du subtil Normand.

Celui-ci, enthousiasmé, embrasse le jeune poète et pro­ met de répandre à la Cour les copies de ce sonnet merveilleux.

Balzac méprise les suffrages de la Cour, incapable d'apprécier le génie, et propose de montrer l'œuvre de son nouvel ami à l'arbitre souverain ès poesie : l'illustre, le divin Malherbe.

Voiture tremble, car il connaît le carac­ tère de ce dur régent, il sait son peu d'estime pour la poésie et les poètes.

Balzac voit le maître chez Racan, et lui tend le sonnet.

Le grincheux est subjugué : «Je m'étonne, dit-il après avoir lu et relu, qu'un aventurier n'ayant point été nourri sous ma discipline, n'ayant pris attache ni ordre de moi, ait fait un si grand progrès dans ce pays dont seul je possède la clef.

» Cette appréciation, colportée par Balzac, court les ruelles et vaut à Voiture, à peine âgé de 20 ans, une subite renommée.

* ** Nous connaissons des gens qui, devant ce sonnet vieillot, ne savent que hausser les épaules et condamner en termes sarcastiques.

Nous avons mieux à faire : c'est là un spécimen d'une littérature, en vérité abolie, mais q:ui eut chez nous ses heures, ses années de vogue; il a sa place dans l'histoire de l'esprit français et il mérite donc une étude attentive.

Si, en effet, la Préciosité nous vint en grande partie de l'étranger : Italie et Espagne, par Marini et Gongora, elle trouva un écho dans l'âme française, celle au moins de la haute société.

Elle touchait des fibres vraiment nationales, les mêmes qui vibraient quand nos poètes du moyen âge célébraient l' « amour cour­ tois ».

Elle était une heureuse réaction contre l'indécence et la grossièreté qui sévissaient dans l'entourage du Béarnais.

Avant de tomber dans la pru­ derie elle fut la légitime protestation de la pudeur; avant de donner dans les raffinements de la « Carte de Tendre », elle fut une analyse juste et délicate d'un sentiment universel: l'Amour.

Sans elle, peut-être n'aurions­ nous eu ni Corneille, ni Racine, ni les grands moralistes du xvu• siècle.

Après cet exposé historique, examinons : 1 • le titre, qui renferme déjà d'utiles indications, 2• le su;et traité; 3• la maniere dont il est développé • .

• * « Sonnet ...

C'est un sonnet », eût dit Oronte; et cela vaut qu'on s'y arrête un instant.

Ce petit poème à forme fixe qui trouva grâce devant les réforma­ teurs de la Pléiade, parce qu'il venait d'Italie, qu'accueillit Malherbe, en dépit de l'Italie et des Ronsardisants, parce qu'il lui reconnaissait une va­ leur d'art incomparable; ce « genre » que définira et louera Boileau, ennemi des Précieux, détracteur de Ronsard, méprisant pour les « faux. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles