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LE STYLE DE MOLIERE

Publié le 26/06/2011

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Dans les discussions des contemporains, vers 1660 - 1670, il y a, en gros, deux doctrines du style. L'une est celle des « honnêtes gens «, des mondains qui distinguent les deux styles entre lesquels se sont partagés les salons : le style Balzac et le style Voiture. L'un est le style majestueux et périodique qui cherche à éblouir et frapper ; l'autre se propose avant tout les « délicatesses « et les agréments. Le style Balzac tend à passer de mode et n'a plus guère d'emploi que dans les grands genres de la tragédie, du poème épique ou de l'éloquence. Le style Voiture a été fort discuté. L'affinement de la préciosité en a peu à peu discrédité les " pointes " et les finesses alambiquées. Il demeure pourtant, même pour Boileau, un maître en l'art d'écrire. Et la préciosité, même non ridicule, reste à son école. Elle s'efforce de découvrir dans les coeurs les secrets jusque-là cachés ; et elle se persuade que, pour exprimer ces délicatesses, il faut un style qui en ait les finesses. De là, notamment dans les tragédies galantes, un fâcheux galimatias dont je montre, par ailleurs, la fréquence et l'inextricable confusion. Ce n'est que peu à peu, entre 1660 et 168o, qu'on fait l'apprentissage, dans le style noble, du naturel et de la clarté.

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« d'écrire trop vite.

Disons plutôt qu'il n'a pas le goût de la dissertation.

Il pouvait, par exemple, prendre tout sontemps pour écrire le petit poème de La gloire du dôme du Val de Grâce qui, en faisant l'éloge de Mignard, de LouisXIV et de Colbert, est un petit traité de l'Art de peindre.

Qu'est-ce que, par exemple : Il nous apprend à faire, avec détachement,De groupes contrastés un noble agencement,Qui du champ du tableau fasse un juste partageEn conservant les bords un peu légers d'ouvrage,N'ayant nul embarras, nul fracas vicieuxQui trompe ce repos si fort ami des yeux,Mais où, sans se presser, le groupe se rassembleEt forme un doux concert, fasse un beau tout ensemble,Où rien ne soit à l'oeil ni mendié, ni redit.Tout s'y voyait tiré d'un vaste fonds d'esprit,Assaisonné du sel de nos grâces antiques,Et non du fade goût des ornements gothiques ?... Non seulement ce style est marécageux si on le compare à celui des moins bonnes satires de Boileau, ses satires-sermons, mais il est celui d'un maladroit écolier si on le compare aux poèmes sur la peinture qui paraîtront au xviiiesiècle, au style d'un Lemierre ou même d'un de Marsy.Ne nous en plaignons pas.

Si Molière n'a pas le talent du style abstrait auquel ses contemporains vont exceller deplus en plus, c'est parce qu'il a le génie de la vie qui leur manque à presque tous.

La grandeur, l'étonnantepuissance du style de Molière, c'est qu'il n'a pas de style.

Entendons que chacun de ses personnages si divers, siprofondément différents de caractère et de condition, a non pas le style de Molière mais le style, ou l'absence destyle, qu'il aurait réellement dans la vie.

Il y a un style de Regnard, un style de Marivaux, un style de Beaumarchais,même un style de Nivelle de la Chaussée, qui est détestable, ou un style des drames de Diderot, qui n'est pasmeilleur.

Il n'y a pas de style de Molière.

Il y a seulement le style d'Arnolphe ou celui d'Agnès, le style de MinePernelle ou celui d'Orgon, d'Elmire, de Tartuffe, le style d'Alceste, ou celui de Philinte, de Célimène, d'Eliante,d'Arsinoé.

Prenons les styles de dévotion du Tartuffe : celui de Mme Pernelle est autoritaire, acariâtre et trivial ; elleenseigne à Elmire la piété comme elle enseignerait à Flipote à récurer les casseroles : Voilà les contes bleus qu'il vous faut pour vous plaire,Ma bru.

L'on est chez vous contrainte de se taire,Car madame à jaser tient le dé tout le jour.Mais enfin je prétends discourir à mon tour :Je vous dis que mon fils n'a rien fait de plus sageQu'en recueillant chez soi ce dévot personnage ;Que le ciel au besoin l'a céans envoyéPour redresser à tous votre esprit fourvoyé ;Que, pour votre salut, vous le devez entendreEt qu'il ne reprend rien qui ne soit à reprendre.Ces visites, ces bals, ces conversationsSont du malin esprit toutes inventions.Là, jamais on n'entend de pieuses paroles ;Ce sont propos oisifs, chansons et fariboles ;Bien souvent le prochain en a sa bonne partEt l'on y sait médire et du tiers et du quart.Enfin les gens sensés ont leurs têtes troubléesDe la confusion de telles assemblées ;Mille caquets divers s'y font en moins de rien ;Et, comme l'autre jour un docteur dit fort bien :C'est véritablement la tour de BabyloneCar chacun y babille et tout du long de l'aune. Le style d'Orgon, qui est ou qui fut "honnête homme", a naturellement moins de pittoresque ; mais il manque encored'expérience mystique.; il ignore les douceurs onctueuses qui enveloppent les exigences de l'austérité, les nuancesqui rendent moins brutaux les impératifs du renoncement terrestre : Mon frère, vous seriez charmé de le connaîtreEt vos ravissements ne prendraient point de fin.C'est un homme qui...

ah ! un homme...

un homme enfin.Qui suit bien ses leçons goûte une paix profondeEt comme du fumier regarde tout le monde.Oui, je deviens tout autre avec son entretien ;. »

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