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LE SYMBOLE DE JULIEN SOREL (LE ROUGE ET LE NOIR DE STENDHAL)

Publié le 14/03/2011

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stendhal

     Est-il besoin d'ajouter qu'en même temps qu'un vivant, qu'un individu impossible à confondre avec un autre, Julien Sorel est un symbole ?

   Ce jeune homme pâle et vêtu de noir qui se tient debout, les sourcils froncés, les yeux étincelants, dans le salon du marquis de La Môle, symbolise un mal social de date récente et qui allait grandir de jour en jour l'esprit d'envie inhérent aux démocraties, les tentations et les rancœurs qu'engendre dans certaines âmes le principe d'égalité.    Ce principe que Rousseau nous donnait pour une vérité naturelle et dont la Révolution a fait une vérité légale, n'a jamais été et ne sera jamais une réalité. Les hommes naissent inégaux, les uns chétifs, les autres robustes, les uns vicieux, les autres moralement sains, les uns intelligents et les autres bornés. 

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« nature positive, ses ambitions sont réalistes.

Il n'a nulle velléité de rompre avec la société, et tout en haïssant lesbourgeois et les nobles, il n'aspire qu'à en devenir lui-même un, à se déclasser.

A vrai dire, si un instant il est prèsd'atteindre son but, c'est grâce à une femme, et ceci le rapproche fâcheusement de Jacob.

Il faut l'excuser, tenircompte des circonstances, de l'époque à laquelle il appartient.

La France de Charles X n'est pas encore la Franceissue de la Révolution, la France démocratique ; celle-ci commence à peine à s'ébaucher, à travers maintessurvivances de l'ancien régime, et le déclassement reste difficile.

Il n'est pas chose absolument irréalisable, puisqueLaffitte, fils d'un charpentier, est alors le plus gros banquier de Paris, le chef de l'opposition libérale, et que demain,ayant à lui tout seul fait du duc d'Orléans un « roi des Français », il va être président du Conseil.

Mais, pour n'êtrepas ainsi que par le passé une vaine chimère, l'ascension du plébéien demeure fort malaisée.

Elle le demeureralongtemps; longtemps on verra pulluler et végéter chez nous des ambitieux sans génie, des ratés aigris qui s'enprendront à tout le monde de leur impuissance.

Si, au dire de Stendhal, il y avait en France « deux cent mille JulienSorel » attendant l'occasion de faire leur trouée, il y en aura bien davantage aux approches de 1848 et pendanttout le second Empire.

Le plus beau cas est celui de ce malheureux Vallès qui, malgré son réel talent, son sens aigudu comique, n'était que fiel et amertume, et qui n'a joué un semblant de rôle qu'aux jours sinistres de la Commune. Aujourd'hui, les choses ont bien changé.

Les petits-fils de Julien Sorel, — ils sont légion —, prendraient en pitié leurancêtre, s'ils lisaient son histoire, et le désavoueraient comme un maladroit.

Depuis l'établissement du régimeparlementaire, leur heure a sonné, leur règne est venu; la politique leur a enfin ouvert la carrière.

Les plusintelligents, sitôt qu'ils se voient pourvus d'un certificat primaire ou peut-être même d'un diplôme de bachelier,reniant l'humble métier ou le petit commerce de leurs parents, entrent dans quelque syndicat ouvrier ou agricole,s'en font nommer secrétaires grâce au prestige du diplôme ou du certificat, collaborent à la feuille syndicaliste ou àquelque journal de combat, siègent à je ne sais combien de comités, prennent part à tous les meetings, à toutes lesluttes électorales, prêchent le droit au bonheur, la guerre des classes, la haine du bourgeois, et un beau soir lesvoilà députés, en passe de devenir ministres de ceci ou de cela.

Déjà ils habitent un spacieux appartement à confortmoderne, ils ont une ou plusieurs automobiles, et peuvent à leur aise éclabousser l'odieux bourgeois qui, lui,d'ordinaire, s'en va modestement à pied. Ils sont nos « nouveaux messieurs ». Mais le plus médiocre ne doit pas désespérer.

Il lui suffit de s'affilier de bonne heure à la loge maçonnique de sa villenatale.

Quelque emploi ou fonction qu'il obtienne, il passera sur le corps de ses collègues les plus dignes d'estime; iln'y aura d'avancements ou de rubans que pour lui, et il cheminera si vite que le bon public, qui ne voit pas ledessous des cartes, finira par lui croire du métier. Ainsi se justifie et s'élargit le sous-titre de Rouge et Noir : « Chronique du XIXe siècle », oui, et plus encore du XXe.. »

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