Le système des personnages dans les Châtiments de Hugo

« te regarde et fait signe à Shakespeare », Livre IV, 13).

Dans «Apothéose », au titre ironique, le poète nous invite à méditer« ces spectacles-là» où« Tom-Pouce» se prend pour« Attila», où le «singe d'une peau de tigre se vêtit» (Livre III, 3).

L'ordre carnavalesque est ainsi senti comme un renversement des signes et des valeurs.

L'usurpation du nom C'est dans la même perspective qu'il faut analyser l'usurpation du nom propre Napoléon par le neveu : « Te voilà, nain immonde, accroupi sur ce nom » (Livre VI, 1).

Or le nom, en poésie, c'est le personnage et c'est l'homme.

Usurper le nom, c'est commettre un attentat contre la poésie : d'où dans Les Châtiments cette mise en scène constante de la langue et cette théâtralisation de l'Histoire : « Un beau jour, de son crime, ainsi que d'une trappe/Nous verrons sortir Marengo» (Livre II, 2).

Le retour au néant Dans Les Châtiments, les noms propres (Dupin, Sibourg, Rouher, Trolong, Saint-Arnaud ...

) créent des types grotesques qui visent paradoxalement l'efface­ ment des personnes réelles : plusieurs titres en effet rendent anonyme la personne dont ils parlent : «Quelqu'un »(Livre IV, 5), « Un autre» (Livre 1, 7), « Déjà nommé » (Livre IV, 8).

Mais cet effacement va de pair avec un travail de mé­ moire collective: ainsi, «l'ange Châtiment» qui torture le spectre de Saint-Ar­ naud se tourne vers le peuple et les proscrits pour leur demander : « Est-ce assez ? » (Livre VII, 16 ) .

...

Ill -LA POÉTIQUE DES PERSONNAGES Le texte de I'Histoire Outre les contemporains, Dieu, le peuple ou le poète, de nombreux personnages font leur apparition dans Les Châtiments.

Il s'agit souvent de personnages mythiques ou historiques et ils ont diverses fonctions ; ils peuvent apparaître dans une opposition avec le présent (Livre IV, 5) ou au contraire à travers une compa­ raison positive ou satirique (Moïse et le poète; Lacenaire et l'empereur, Livre V, 1) ; ou encore participer à une description (« C'est l'heure où Pythagore, Hésiode, Epicure,/Songeaient »,Livre IV, 10).

La personnification En fait, par le biais de la personnification, c'est l'univers entier qui est perçu comme personnage, les éléments du cosmos (Livre III, 15), comme les caractéris­ tiques morales de ce microcosme qu'est l'homme(« Tout s'en va», Livre V, 4).

La transfiguration Il revient cependant au poète d'être le démiurge de sa création, de métamor­ phoser des assassins en histrions, mais aussi de pratiquer d'autres renversements de valeurs, de réhabiliter le juste, condamné par les hommes, ou de transfigurer le crachat en constellation(« À quatre prisonniers», Livre IV, 12).

Conclusion.

Multiplicité des personnages donc, mais simplicité du sys­ tème d'opposition utilisé par le poète qui semble s'inspirer du paradigme divin et de la vision du Jugement dernier.

,. »