Devoir de Philosophie

Le temps dans l'Odyssée

Publié le 06/10/2018

Extrait du document

temps

Dans ce combat contre la part nocturne qu'Ulysse porte en lui, l'accent va être mis sur l'importance des facteurs lumineux :

 

* Il avait été longuement précisé - beaucoup plus longuement qu'il n'eût été nécessaire - que le vin qui allait permettre de plonger Polyphème dans le lourd sommeil de l'ivresse, avait été donné par le prêtre d'Apollon à Ismaros parce qu'Ulysse, dans sa piété, l'avait épargné, ainsi que sa demeure retirée dans le bois sacré (« âÀaoa ») du dieu (v. 195-211). Le vin,

 

« divin », nous est-il indiqué à plusieurs reprises, est donc très précisément lié au solaire Apollon.

 

* C'est dans le feu encore (mentionné plus haut sous un autre angle), art et symbole solaire, qu'Ulysse va faire durcir la pointe de l'olivier pour en faire un épieu, transformant un bâton primitif en arme acérée (v. 328).

 

* C'est le bélier enfin, animal solaire 16, qui lui permettra de s'évader (v. 431-35)

 

Si l'astuce est éminemment mercurielle, les moyens employés seront lumineux 17.

 

Autre point à signaler : le caractère curieusement répétitif du comportement du Cyclope,

 

trait qui appartient au symbolisme des Gémeaux. Tout le récit est rythmé par les gestes automatiques réitérés de Polyphème, de coutume pour ouvrir la porte à ses bêtes.

 

Plus encore, il est possible de distinguer une récurrence de la dualité dans cet épisode :

 

* il y a deux îles côte à côte, et c'en est le seul exemple.

 

* L'ogre mange à chaque fois deux Grecs.

 

* Les Grecs passent deux nuits dans la grotte.

 

* Deux espèces d'arbres se dressent devant l'antre de Polyphème.

 

* Ulysse songe à deux moyens de venir à bout du Cyclope,

 

* Auquel il s'adresse à deux reprises.

 

* Polyphème divise en deux son troupeau (le premier soir du moins)

 

* Et en deux le lait qu'il a trait.

 

* Et il mange la moitié des compagnons d'Ulysse.

 

Il est vrai que certains motifs vont par trois - les rasades de vin, les béliers camouflant les compagnons à la sortie, mais leur nombre est infime au regard des occurrences du \"deux\", si important dans la symbolique des Gémeaux.

 

Enfin, il faut prévoir une objection : les Gémeaux sont un signe d'Air. Il est donc bien curieux de le loger dans une caverne ! Aussi Homère a-t-il pris soin de signaler à plusieurs reprises la localisation aérienne de cette grotte sur un sommet (vers 115, 117 & 400).

temps

« ont mangé du lotus semblent trouver le repos 9 ils n'ont plus de problèmes, ne désirent plus le retour et pleurent d'être arrachés de force par Ulysse à cet état de béatitude (v.

95-96). Remarquons au passage que le « κλαίοντας » du vers 98 ruine l'application directe au texte de l'assimilation au monde de l'Au– delà, bien que certains aient vu dans le pays des Lotophages un symbole du monde des Ombres et de leur fruit l'équivalent du Léthé.

Depuis quand a-t -on vu un personnage homérique se plaindre de retrouver le monde des vivants ? L'au-delà est, le cas échéant dans le poème, présenté sous des couleurs peu enviables. Tous ces éléments s'accordent bien avec le symbolisme du Taureau : grégarité, caractère terrestre, enracinement, tendance à la rumination béate, apathie, connotation printanière, absence de violence, du moins immédiate.

Naturellement ce ne sont que les caractères du Taureau inférieur.

Mais c'est précisément aux côtés destructeurs du signe qu'Ulysse doit échapper.

Et cette nécessité de l'action vigoureuse pour arracher les compagnons à leurs penchants de ruminants convient tout à fait à l'attitude indispensable envers le Taureau en voie d'enlisement. Le troisième épisode, le Cyclope est d'une tout autre proportion et exige une étude très précise, d'autant plus qu'il va se révéler extrêmement complexe.

Ce qui n'est pas surprenant pour un signe aussi insaisissable que celui des Gémeaux.

Nous sommes ici confrontés à une élaboration littéraire très poussée, qui, si elle a assuré une popularité durable à ce conte, a sans doute profondément modifié la qualité mythique initiale.

Aussi faut -il tenir compte de tout un luxe de détails destinés à "faire vrai", qui risqueraient d'égarer l'investigation – sans nous dissimuler qu'il est souvent hasardeux de déterminer ce qui doit être exclus. La démarche la plus sure me paraît être de retrouver la structure essentielle de l'épisode, et, à partir de cette armature, de passer au détail. D'abord une remarque générale : ce que la tradition a conservé de cette aventure – et, pour autant qu'elle n'est pas savante, elle est allée à l'essentiel, du moins l'essentiel apparent – c'est l'astuce d'Ulysse égarant le Cyclope, en particulier la mystification portant sur le nom de Personne.

Ce centre de gravité de l'épisode suffirait déjà à lui donner la signature Gémeaux, signe intellectuel, d'intelligence vive et rapide, empreint d'une nuance de fourberie ; caractérisé en particulier par l'aptitude à la parole facilement trompeuse.

Mais nous pouvons aller plus loin en considérant la valeur symbolique de la description. Ulysse rappelle d'abord un attribut de la terre des Cyclopes qui habitent là où tout pousse : Ils ont dans les Immortels tant de confiance, qu'ils ne font de leurs mains ni plants ni labourage...(IX, 105 sqq.).

De plus, pas d'organisation sociale ou religieuse hiérarchisée : Chez eux, pas d'assemblée qui juge ni délibère...

(v.112).

Mais ce ne sont pas des Barbares, puisqu'ils parlent grec.

Dans sa caverne, chacun au haut de ses grands monts, dicte sa loi à ses enfants et épouses (« ἀλόχων », v.115) ; ce qui n'exclut pas les rapports d'entr'aide : lorsque Polyphème, après avoir été aveuglé, hurle de douleur, les autres cyclopes s'empressent d'accourir pour proposer leur aide.

On s'est penché avec raison sur les étonnants rapports qui unissent ce passage à la description de l'Age d'Or dans Les Travaux et les Jours.

C'est le même état d'abondance où vivent heureusement des hommes irresponsables.

Remarquons cependant que Polyphème fait quelque peu figure d'exception par ses mœurs de célibataire.

Dans cette catégorie de conte dont on connaît maint exemple, l'ogre peut fort bien être père de famille.

Le choix de l'ogre célibataire répond sans doute à une intention ou une nécessité qui ne me semble pas d'ordre astrologique. Toujours est -il qu'Ulysse ne tarit pas d'éloges sur cette terre.

Sans doute l'industrieux Achéen déplore -t -il l'absence totale de technicité chez ce peuple qui ne construit même pas de navires (v.125 sq.).

Cela ne l'empêche pourtant pas d'être fasciné au point de vouloir rester -- alors qu'il est généralement si prudent, lui qui avait voulu battre en retraite après le pillage d'Ismaros -- malgré les prières de ses compagnons qui, illustrant un autre trait qui appartient aux Gémeaux, se seraient contentés d'un traditionnel chapardage (v.

224 -227).

Et pourquoi ont-ils attendu le monstre ? Pour le voir et savoir les présents qu'il nous ferait (v.229).

En somme il est contraint par une intense curiosité qui lui fait oublier les règles élémentaires de sécurité. Polyphème revient, et aussitôt le cauchemar s'installe (v.236).

Epouvantés, les Grecs s'enfuient au fond de la grotte ; et là se. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles