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Le temps et la mémoire - Plotin, Ennéades, IV, III, 32. « Comment a lieu le souvenir de nos amis, de nos enfants, de notre femme ? »

Publié le 01/04/2012

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temps

 

Texte à commenter

« Comment a lieu le souvenir de nos amis, de nos enfants, de notre femme ? Et celui de notre patrie, et de tout ce qu'un honnête homme peut se rappeler raisonnablement ? L'âme inférieure en a un souvenir accompagné d'émotion ; mais l'homme peut s'en souvenir sans éprouver d'émotion. Car au début, sans doute, l'homme ressent des émotions, et l'âme supérieure ellemême ressent les plus nobles de ces émotions, parce qu'elle a quelque rapport avec l'âme inférieure. Mais il convient que l'âme inférieure désire agir comme l'âme supérieure et se souvenir comme elle, surtout lorsque, elle aussi, est honnête ; car l'on devient meilleur par l'éducation que l'on reçoit d'un être supérieur. Mais il faut que l'âme supérieure oublie volontiers ce qui lui vient de l'âme inférieure ; car, si elle est honnête, elle peut contenir de force l'âme de nature inférieure. Plus elle s'efforce vers l'intelligible, plus elle oublie les choses d'ici-bas, à moins que toute sa vie, même sur terre, ne soit remplie des seuls souvenirs des choses les meilleures ; car il est beau, ici-bas, de se soustraire aux soucis des hommes ; et par conséquent il est nécessaire de se soustraire aux souvenirs de ces soucis ; aussi, en ce sens, on peut dire avec raison que l'âme bonne est oublieuse. Elle s'enfuit hors de ces choses multiples ; réduisant le multiple à l'un, elle quitte l'indéterminé. Elle ne prend pas avec elle la masse de souvenirs terrestres : mais elle est légère et toute seule. «

Plotin, Ennéades, IV, III, 32.

 

D’un côté, le pouvoir de la mémoire consiste à préserver le passé, mais de l’autre, son devoir consiste à oublier. C’est ce qu’affirme Plotin : une « âme bonne est oublieuse «, faisant ainsi de l'oubli la vertu morale qui définit « l'honnête homme «. Ce paradoxe résulte d'une recherche non pas psychologique, mais métaphysique sur le rôle de la mémoire en tant que faculté du souvenir, mais aussi en tant que faculté par laquelle l'homme doit savoir oublier. Comment donc l'homme se souvent-il et doit-il apprendre à oublier pour que l'âme puisse être dite bonne ?

Plan

Introduction

I. Les souvenirs de l’âme

a) Les objets du souvenir

b) Les souvenirs émus

c) Les souvenirs purifiés de l’émotion

II. Du devoir moral de l’homme

a) « Des plus nobles émotions de l’âme supérieure «

b) Le désir de l’âme inférieure

c) De l'oubli de ce qui est inférieur

III. « L’âme bonne et oublieuse «

a) L’effort vers l’intelligible

b) L’oubli comme vertu de l’âme

c) La légèreté de l’âme

Conclusion

temps

« Introduction D’un côté, le pouvoir de la mémoire consiste à préserver le passé, mais de l’autre, son devoir consiste à oublier.

C’est ce qu’affirme Plotin : une « âme bonne est oublieuse », faisant ainsi de l'oubli la vertu morale qui défini t « l'honnête homme ».

Ce paradoxe résulte d'une recherche non pas psychologique, mais métaphy sique sur le rôle de la mémoire en tant que faculté du souvenir, mais aussi en tant qu e faculté par laquelle l'homme doit savoir oublier.

Comment donc l'homme se souvent-il et doit -il apprendre à oublier pour que l'âme puisse être dite bonne ? I.

Les souvenirs de l’âme a) Les objets du souvenir En qualité de faculté de la réminiscence, la mémoir e doit évoquer non pas indifféremment mon passé, mais seulement certains o bjets de ce passé : « nos amis », « nos enfants », « notre femme », puis « notre patrie ».

En tant que faculté de discernement et de choix, la mémoire opère une sélection dans ses souv enirs, sélection qui est subordonnée à un principe d'ordre moral, celui de l'honnêteté ou du raisonnable.

Ainsi, la mémoire sélective n'évoquera que des souvenirs des êtres ch ers auxquels l'homme a été lié par la sympathie, l'affection et l'amour.

De plus, l'« hon nêteté », vertu morale que Plotin érige en un principe de sélection, porte la mémoire vers le raisonnable ou « les choses les meilleures », au nombre desquelles on comptera l'amour de la p atrie.

Le concept de patrie (du latin, Pater , père) pourrait alors se comprendre en un sens mor al plus que politique, désignant le lieu ou le pays de notre père.

Cette hypothèse pour rait trouver confirmation dans la conformité de la patrie, entendue comme le pays du père, aux autres objets du souvenir : « amis »; «enfants », « femme », ces objets définissa nt une communauté d'ordre affectif et familial.

b) Les souvenirs émus Les objets du souvenir, étant délimités, comment se souvient-on ? Nous passons là du sens descriptif de la question à son sens dynami que qui porte très précisément sur l'opération de la mémoire.

Plotin distingue deux mo dalités du souvenir qu'il attribue à deux âmes distinctes et dont la différence serait de deg ré ou de valeur, l'une étant « inférieure », l'autre « supérieure ».

Deux indices permettent d'identifier le sens de ces deux âmes.

Premièrement, l'âme inférieure est liée à l'émotion, tandis que l'âme s upérieure est détachée de cet affect.

Deuxièmement, l'âme supérieure s'élève vers « l'int elligible », concept opposé à « la terre » ou à « l'ici-bas » auquel s'attache l'âme inférieur e.

Cette distinction entre les âmes recouperait d'abord une distinction spatiale et sta tique, d'ordre métaphysique, entre le monde intelligible où l'âme est affranchie de toute émotion et le monde d'ici-bas dans lequel l'âme fait l'expérience sensible des affections et des « soucis ».

L'homme serait d'une nature duelle comprenant en lui deux âmes, l'une inférieur e qui lui ferait ressentir toutes les sensations et les émotions et l'autre supérieure qu i lui permettrait de se libérer de l'emprise de toute affection.. »

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