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Le valet dans la tradition comique

Publié le 17/01/2022

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Quel que soit le génie singulier des auteurs du XVIIIe siècle, leurs créations se nourrissent de principes que leurs prédécesseurs ont élaborés. Nous distinguerons deux traditions (celle italienne de la commedia dell'arte, et celle établie par Molière) qui imposent sur la scène comique la figure décisive du « valet de comédie ».

« comique repose généralement sur une totale inefficacité (Alain et Georgette dans L'Ecole des Femmes) et, pour certains d'entre eux, sur un langage singulier: ils parlent une sorte de patois indéterminé, pseudo langue paysanneavec des déformations, des jurons bizarres, des images absurdes. Sganarelle.

Le modèle accompli du valet balourd chez Molière, c'est Sganarelle dans Dom Juan.

Serviteur d'un maître « libertin » — individu hors-norme qui défie toutes les autorités — Sganarelle est un personnage soumis,inconséquent et grotesque : il est à la fois malicieux, stupide, superstitieux, sans courage, inefficace et glouton.

Ilest incapable de tenir tête à son maître; face à celui-ci il est comme un spectateur fasciné devant une réalité qu'iladmire autant qu'elle lui fait horreur. Une certaine tonalité comique.

Le valet balourd, même quand il tient un rôle secondaire, n'est pas un personnage négligeable.

Sganarelle est, lui, omniprésent sur la scène (Molière interprétait lui-même le rôle).

Il assure toute ladimension triviale de la comédie en mettant en valeur l'extraordinaire scandale que sont la personnalité, les idées etle comportement de Dom Juan.

Cette fonction d'homme faire-valoir qui faire rire le public à ses dépens, l'apparente àl'Arlequin de la commedia dell'arte: au-delà de leurs différences (Sganarelle n'a pas l'agilité physique d'Arlequin), ils assurent sur scène la présence d'une certaine tonalité comique, burlesque, grossière et font rire le public à leursdépens. Les servantes gardiennes du bon sens et de la maison.

Parmi les personnages de valet de la comédie de Molière, certains personnages — secondaires et féminins — se signalent par le sens de l'observation, le franc-parler,l'esprit pratique ; remplies de bon sens, elles ne se laissent pas envahir par les manies et les extravagances de leursmaîtres (Tomette dans Le Malade imaginaire), elles savent leur tenir tête et moquer leurs ridicules (Nicole dans Le Bourgeois gentilhomme) ; fines observatrices et perspicaces, elles savent déceler, derrière les apparences trompeuses, les mauvaises intentions, les dangers qui troublent provisoirement l'ordre harmonieux de la famille(Dorme dans Tartuffe).

Elles amusent parce que, premières spectatrices des ridicules que Molière veut dénoncer, elles nous entraînent dans leur propre rire. Valets français, valets italiens On retrouve dans la comédie du XVIIIe siècle une bonne partie des types de valet élaborés auparavant par lesItaliens et par Molière.

On a pris l'habitude de les distinguer en parlant de valets « français » pour les intrigants, etde valets « italiens » pour les valets grossiers et acrobates. Les avatars d'Arlequin.

Comiques, risibles, parfois inquiétants, utiles pour assurer une certaine couleur comique par leurs gesticulations, leur niaiserie, les valets « italiens » se résument pratiquement à la seule figure d'Arlequin :omniprésent sur la scène comique au début du XVIIIe siècle, dans les pièces de Lesage destinées aux théâtres de laFoire et dans beaucoup d'oeuvres de Marivaux destinées à la Comédie-Italienne.

Marivaux reprend sescaractéristiques principales: accessoires (la bouteille de vin avant tout), agilité physique, appétit glouton,grossièreté des gestes, trivialité du langage.

Mais il fait évoluer le personnage, le soumet à des épreuves (celle del'amour dans Arlequin poli par l'amour, celle du pouvoir dans L'Ile des esclaves), à des déguisements, à des changements d'identité (Le Jeu de l'amour et du hasard) qui civilisent Arlequin et lui font perdre aussi une partie de sa force comique. Arlequin s'efface.

Peu à peu son rôle chez Marivaux perd en importance, et disparaît au profit des valets intrigants et spirituels: dans Les Fausses Confidences le devant de la scène est occupée par le valet Dubois tandis que la présence d'Arlequin est très discrète.

Dans le théâtre comique du XVIIIe siècle où le brillant de l'esprit tend àoccuper une place considérable, Arlequin n'est pas de taille à résister longtemps avec l'autre valet, l'intrigant, qui ale génie du verbe et le sens de la répartie, qui a réponse à tout et à qui le dernier mot revient toujours. Les héritiers de Scapin.

L'autre grande lignée, ce sont les valets « français » : habiles, hommes à la tête froide, calculateurs, rusés, beaux parleurs, imaginatifs.

Ce sont des valets évolués, très civilisés, capables de donner laréplique à des gens de condition noble, de leur tenir tête.

Certains sont entièrement dévoués à autrui (Figaro dansLe Barbier de Séville, Dubois dans Les Fausses Confidences); d'autres, plus inquiétants, ne travaillent que pour eux- mêmes (Crispin et Frontin dans les comédies de Lesage).

Chez tous, une qualité dominante : la vivacité d'esprit. Figaro: le valet s'embourgeoise.

À la fin du XVIIIe siècle, Figaro marque l'aboutissement de la figure du valet intrigant; il est aussi plus que cela: avec lui le valet de comédie, figure conventionnelle, fait place à l'hommed'action, porte-parole des valeurs de la bourgeoisie montante.

Dans Le Barbier de Séville, il représente l'intrigant accompli; dans Le Mariage de Figaro, sa capacité à mener des stratagèmes est moins convaincante ; mais ce qu'il perd en toute-puissance, il le gagne sur le plan de la revendication politique et sociale, et sa fragilité le rend plushumain, plus émouvant.. »

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