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Le vent froid de la nuit. « Poèmes Barbares » de Leconte de Lisle

Publié le 15/02/2012

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de lisle

Le Vent froid de la Nuit.

Le vent froid de la nuit souffle à travers les branches Et casse par moments les rameaux desséchés ; La neige, sur la plaine où les morts sont couchés, Comme un suaire étend au loin ses nappes blanches. En ligne noire, au bord de l’étroit horizon, Un long vol de corbeaux passe en rasant la terre, Et quelques chiens, creusant un tertre solitaire, Entre-choquent les os dans le rude gazon. J’entends gémir les morts sous les herbes froissées. Ô pâles habitants de la nuit sans réveil, Quel amer souvenir, troublant votre sommeil, S’échappe en lourds sanglots de vos lèvres glacées ?

Oubliez, oubliez ! Vos cœurs sont consumés ; De sang et de chaleur vos artères sont vides. Ô morts, morts bienheureux, en proie aux vers avides, Souvenez-vous plutôt de la vie, et dormez ! Ah ! dans vos lits profonds quand je pourrai descendre, Comme un forçat vieilli qui voit tomber ses fers, Que j’aimerai sentir, libre des maux soufferts, Ce qui fut moi rentrer dans la commune cendre ! Mais, ô songe ! Les morts se taisent dans leur nuit. C’est le vent, c’est l’effort des chiens à leur pâture, C’est ton morne soupir, implacable nature ! C’est mon cœur ulcéré qui pleure et qui gémit. Tais-toi. Le ciel est sourd, la terre te dédaigne. À quoi bon tant de pleurs si tu ne peux guérir ? Sois comme un loup blessé qui se tait pour mourir, Et qui mord le couteau, de sa gueule qui saigne. Encore une torture, encore un battement. Puis, rien. La terre s’ouvre, un peu de chair y tombe ; Et l’herbe de l’oubli, cachant bientôt la tombe, Sur tant de vanité croît éternellement.

Chose bien rare : Leconte de Lisle délaisse dans ce poème les sources ordinaires de son inspiration. Aucune réminiscence grecque ou hindoue ne s'y rencontre; aucune légende atroce d'un moyen âge détesté; aucun exotisme rappelant la faune ou la flore tropicales. Pourtant, l'auteur reste identique à lui-même et se révèle à la fois poète-philosophe extrêmement amer, artiste en vers incomparable.

de lisle

« a penser que la vie est de soi un mal, un mal atroce, et que les heureux, ce sont, non pas les vivants, mais les morts.

Et comme it croit les entendre gemir sous les herbes froissees » : 0 molls, marts Fiienheureux, leur crie le poke, en des strophes omises dans le texte officiel, Souvenez-vous plutot ak la vice, et dormez. C'est-h-dire N'ayez point la folie de regretter la vie.

0 morts, c'est vous les heureux, non pas d'avoir trouve supra& de Dieu le bonheur infini, mais d'etre affranchis d'une existence trainee -comme un boulet, d'etre retournes au Ayant de la sorte gourmands les morts, le poke essaye d'etouffer la plainte de son propre cceur.

Mais quelle consolation lui offrir qui ne soit vanite? Ah! tout eels jeturesse, amour, joie et pensee... ...Qu'est-ce que tout vela reest pas &cruel? (L'Illusion supreme.) Voir, entendre, sentir? Vent, Malec et purrssiere. Aimer? La coupe d'ar ne eontient que du fief. (A un poste mort.) Alors, pint& que de plier les genoux devant la Divinite qu'il nie obstine- ment, Leconte de Lisle se r6fttgie d'alsord dans ms sto:Icisine farouche, a la maniere de Vigny : Tais-toi.

Le del est sourd, la terre te dedaigne. A quoi bon tcrill de pfertrs si to ree peux guerie Sois comme loup Hesse qui se fait pour mouth. Et qui mord is ,coutecnr, de sae gueale qui saigne. Nulle part, mieux que dans-cette strophe, Leconte de Lisle Ws reflete plus intensement, assn insu pent.etre, la lessee de son maitre, Vigny. Meme orgueil devant le silence divan : s Tais-poi.

Le 'del est sourd dit Leconte de Lisle.

« Le juste scrim Vigil? ins pen plus tard (1862), ...Ne ,repondra plug que par un frold silence Au silence eternel de la,divinite.

(Le !Want des Oliviers.) M'errie aversion pour l'implacable nature «La terre te dedaigne dit Leconte de Lisle, et Vigny : .Ie route avec dedcdrt sans voir et sans entendre A cote des fourmis, les populations.

(La Meth-on du Berger.) Meme admiration pour le loup stoique qui, selon Vigny, Ref ermant ses Brands geux, meurt sans jeter un cri. Et Leconte de Lisle reprerrant Is meme idee Sois comma net loup Nesse qui :se tail pour mourir. Comme on le yea, c'est dans les deux poetes la meme mentalite, le mere staicisme hlasphernatoire; mais Ie disciple a depasse son maitre.

Mors que Vigny s'en tenait « un desespoir paisible, sans convulsion de colere et sans reproche au dell., declarait la sagesse meme (Journal, 1832), Leconte de Lisle va plus loin : it aspire a Paneantissement.

Son oeuvre entiere est un appel au neant, a la inort; elle en a la hantise Alt! dans vos tits profands quand je pourrai descendre,Comme un forcat milli qui volt tomber ses fers, Que j'aimerai sentir, libre des maux soufferts, Ce qui fut moi rentrer dans la commune cendre! (Strophe omise dans le texte officiel) à penser que la vie est de soi un mal, un mal atroce, et que les heureux, ce sont, non pas les vivants, mais les morts.

Et comme il croit les entendre « gémir sous les herbes froissées » : 0 mort's', morts iffien:lieureux, leur ctie le poète, en des strophes omises dans le texte officiel, Souvenez-vou& pmt~'t flle la vile, et dormez.

C'est-à-dire : N'ayez point la folie de regretter la vie.

0 morts, c'est vous les heureux, non p.as..d'av. »

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