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Le violoniste - Main GERBER, Les Jours de vin et de roses

Publié le 05/06/2011

Extrait du document

Certains dimanches ou jours de fête, je boutonne ma meilleure chemise jusqu'en haut, mets le feutre de mon père sur ma tête (il tient grâce à une feuille de papier pliée et glissée entre la coiffe et la protection de cuir) et me rends dans les faubourgs à la brasserie du Cerf couronné. (...) Une fois dans la brasserie, je m'installe tout près de la musique, tournant ma chaise le dos à la salle pour faire face à l'orchestre. De cette façon les serveuses, avec leurs grands rubans rouges qui flottent dans le dos et leurs corsages de dentelle, ont une bonne raison de ne pas me voir. Et comme de bien entendu, il suffit que je fasse cela pour que ce soient elles qui viennent m'importuner alors que je suis en train d'écouter de toutes mes oreilles les airs que joue l'orchestre! Je les adore presque tous, ces morceaux, ils sont si tristes et si joyeux. On dirait que j'aime toutes les musiques du monde, pourvu qu'elles aient un air qu'on retienne. J'aurais pu devenir musicien, qui sait? (...) A la brasserie du Cerf couronné, sur l'estrade, parmi les musiciens portant des gilets de velours vert, avec une double rangée de boutons d'argent, l'un d'eux joue du violon. Il ne le sait pas, mais il a ma préférence; c'est toujours lui que j'écoute avec le plus d'attention. Les airs qui sont gais, il les rend plus gais que ses collègues. Les airs qui sont tristes, il les rend plus tristes. D'ailleurs, tout le monde l'aime bien. On apprécie sa manière de jouer, et la figure qu'il a. Tout en servant les clients, les employées de la maison regardent dans sa direction. Il leur sourit comme il sourit à son violon. « Demoiselle, dit-il parfois sans s'adresser à aucune, si tu m'apportais une liqueur, ma jolie? « Même celles qui se trouvent à la terrasse l'ont entendu. Elles laissent les consommateurs en plan, figurez-vous ! C'est à celle qui courra le plus vite au comptoir pour demander le petit verre. Il arrive qu'on lui en tende trois ou quatre en même temps. Le violoniste ne veut faire de peine à aucune des jeunes filles : il boit un peu dans chaque verre et donne le reste à ses camarades. (...) J'aimerais avoir le toupet de le féliciter, mais je n'ose pas et je reste là, bien droit sur ma chaise, raide comme un piquet, à écouter d'un air solennel. Je n'ai jamais été un garçon déluré.

Main GERBER, Les Jours de vin et de roses

« RÉPONDRE1.

Synonyme : effronté.

Antonyme : respectueux.2.

Audace.

Culot.3.

a) Débit de boissonb) La bière est fabriquée dans une brasserie. C — COMPRÉHENSION (6 points)1.

Relevez au moins quatre expressions qui soulignent l'atmosphère populaire de la brasserie et le ton familier dupassage.2.

En vous référant de façon précise à des passages du texte, vous direz quelle idée le lecteur peut se faire duvioloniste et du jeune narrateur.RÉAGIR— On vous demande de relever des expressions, vous n'avez donc pas à les commenter.— Appuyez-vous sur le vocabulaire et sur ce qui nous est dit des gestes des personnages pour en déduire des traitsde caractère. RÉPONDRE1.

Comme de bien entendu.

Ma jolie.

Elles laissent les consommateurs en plan.

Figurez-vous.2.

Le narrateur n'a pas de grands moyens financiers (il met le feutre de son père, trop grand pour lui ; il évite lesserveuses pour ne pas avoir à commander).

Il aime la musique (« j'aime toutes les musiques du monde »).Le violoniste est populaire (tout le monde l'aime bien), il a du talent (les airs qui sont tristes, il les rend plustristes...), il est sympathique (il ne veut faire de peine à aucune ; il donne le reste de ses verres à ses camarades)et bon vivant (la liqueur). D — COMPOSITION FRANÇAISE (15 points)Vous traiterez, au choix, l'un des deux sujets suivants :1.

Autre point de vue : le violoniste, à son tour, évoque ces mêmes dimanches et jours de fête d'autrefois à labrasserie...

L'atmosphère, le personnel, les clients, et parmi eux, un certain jeune habitué...2.

Parlant du violoniste, « il a ma préférence », dit le narrateur.

Mais les apparences sont souvent trompeuses...Précisez, en ordonnant vos arguments, sur quoi nous pouvons fonder plus justement notre opinion à l'égard d'autrui.Vous vous aiderez de votre expérience personnelle ou de vos lectures pour illustrer votre réflexion. RÉAGIR— Le changement de narrateur implique un changement de point de vue.

Vous vous servez des indications du texteoriginal en essayant de vous mettre à la place du nouveau narrateur.— On vous demande de réfléchir sur ce qui fait que nous apprécions quelqu'un.

Différenciez le premier abord,l'apparence et ce qui permet de mieux connaître les êtres. RÉDIGER Premier sujetJe me souviens des dimanches.

C'étaient des journées importantes.

Nous jouions tout l'après-midi et en soirée, alorsque dans la semaine nous n'avions à assurer que le temps du dîner.

Et puis ces jours-là il y avait foule.

Que c'étaitgai ! Nous nous amusions beaucoup dans le petit orchestre.

Nous n'avions pas l'impression d'être là pour gagnernotre vie, mais pour faire la fête.

Nous avions beaucoup de succès auprès du personnel.

Je dois reconnaître quej'étais le préféré des serveuses.

Elles étaient charmantes, pleines d'attention.

A peine avais-je réclamé à boire, jeles voyais toutes (ou presque) se précipiter vers moi.

J'en tirais un peu de vanité, il faut bien le dire.

Mais tout çan'était pas méchant.

C'était aussi un aspect de la fête.

Il y avait du bruit, les conversations dans la salle faisaientun véritable grondement.

Les verres se choquaient, les joueurs de billard s'apostrophaient...

Oui, on savait s'amuser.Porté par l'ambiance, je crois bien que je jouais mieux ces jours de fête.

Mais surtout je suis sûr que je donnais lemaximum certains après-midi où venait s'asseoir un jeune homme avec un chapeau qui à l'évidence n'était pas lesien.

Il s'asseyait, tournant le dos à la salle, peut-être pour éviter de consommer, et nous regardait et nousécoutait pendant des heures.

Lorsque je jouais ma partie il ne me quittait pas des yeux.

Dans son regard je pouvaislire les émotions que j'avais cherché à transmettre par mon jeu.

Mon violon devenait un mode de communication,plus fort que tous les mots.

D'ailleurs je n'ai jamais parlé à ce garçon.

La musique me semblait suffire.

Il paraissait lasaisir si bien que la parole aurait été fade à côté de ce que je lui faisais ressentir.

Il m'apportait un grand plaisir carje dois bien reconnaître que, pendant toutes ces années, ce fut le seul à être si attentif à mon jeu.

Il me rendaitassez fier de moi ! Pour lui, et grâce à lui, je n'étais plus un petit violoniste de brasserie, j'étais un virtuose, je mesentais pousser des ailes.

Je n'ai jamais su qui il était, mais longtemps après que j'aie quitté la région, je pensais àlui.

Quand je jouais devant des publics indifférents, je me souvenais du jeune homme au chapeau, et pour lui, en sonsouvenir, j'interprétais les morceaux comme j'avais su le faire.

Aujourd'hui ces endroits n'existent plus.

Le publicconsomme de la musique en boîte et se moque des musiciens de brasserie ! Pourtant quelle fête c'était ! Quel plaisirnous partagions !. »

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