Le viseur n'empêche-t-il pas tout simplement, dans une certaine mesure, de voir ?
Publié le 21/04/2020
Extrait du document
Temps limité : 3 heures Le prodigieux développement de la pratique photographique modifie très profondément le voyage, mais également le monde dans lequel se déplace le voyageur. Pourquoi tant de photographies de voyage ? Pourquoi cela devient-il pratiquement un «must», comme le voyage lui-même, d'ailleurs? Pourquoi sommes-nous à tel point obsédés par la «mise en boîte» de nos expériences ? N'aurions-nous pas oublié qu'il faut réserver une part à la disparition, au fugitif, pour pouvoir mieux redécouvrir, et se ressouvenir ? Enfin : le viseur n'empêche-t-il pas tout simplement, dans une certaine mesure, de voir ? La prise de vues de voyage peut apparaître comme une pratique photographique exemplaire. Cette dernière est en effet le plus fréquemment liée à l’extra quotidien. L'inhabituel, le rare méritent davantage d'être consignés, retenus, fixés, d'autant plus qu'interviennent ici, souvent, des satisfactions de prestige social et de valorisation personnelle. Soumis à des contraintes sévères de temps, de dépense, d'effort, etc., de plus éphémère et non-reproductible, le voyage nécessite d'autant plus d'être matériellement conservé. La photo est un morceau de temps fixé, en opposition avec le temps du voyage qui s'écoule, irrémédiablement; elle recherche une sorte de victoire sur cette disparition. Intervient aussi le sentiment de l'appropriation de ce que l'on voit, de ce que l'on vit sécurisation face à l'inconnu, à l'étranger auxquels le voyageur est confronté. Ce qui séduit le photographe, c'est la fierté de montrer de belles choses vues, ou de se montrer soi-même grandi devant des sites ou des monuments exceptionnels; c'est, également, l'attrait du souvenir : qu'il reste une trace du voyage. Rapporter quelque chose devient une habitude, presque un devoir. Dans le même sens, s'il prend des photos (ce qui est fréquent) pour ainsi dire identiques aux cartes postales qu'il peut trouver sur place, ou aux images qu'il a pu voir dans des livres, c'est pour prouver qu'il y est allé en personne. [...]
«
Préparation concours Modules de français
aussi le lot de la carte postale.
La photo a usé le monde, et par là même le voyage.
Elle
fait partie de ces chaînes niveleuses - la standardisation des moyens de transport, les
aéroports et les hôtels « internationaux » partout identiques, les voyages organisés aux
itinéraires invariables, l'exotisme passe-partout des prospectus d'agences...
- qui
uniformisent, appauvrissent et falsifient le monde.
J'ai parlé d'appropriation; de celle-ci, on passe insensiblement à la conquête : on prend
en photo, on braque son appareil comme pour se défendre contre le trop-étranger.
Et même si c'est sans violence, cela ne se fait pas impunément; il existe des régions où
se faire photographier est devenu une véritable industrie.
Roland Abrecht, La mémoire pétrifiée
1.
Résumez efficacement la pensée de l’auteur en 150 mots (± 10%, soit 135-165
mots).
Indiquez sur votre copie [50] tous les 50 mots et inscrivez en bas de page
le nombre exact de mots.
Attention, tout non-respect de ces consignes sera
sanctionné.
2.
A partir du texte précédent, construisez à l’aide de vos connaissances
personnelles et de votre culture générale un commentaire structuré de la pensée
de l’auteur : « L e viseur n'empêche-t-il pas tout simplement, dans une certaine
mesure, de voir ? » L’essai devra avoir une longueur de 2 ou 3 pages
manuscrites (ou 2 pages en fichier texte).
Tout dépassement pourra être
sanctionné..
»
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