le vrai roman
Publié le 29/01/2013
Extrait du document
«
Le changement s’opère car “les vieux mythes de la profondeur ” n’existent plus.
Les romanciers de Mme
de La Fayette à Gide en passant par Balzac, cherchaient à creuser l’intériorité humaine : l’écrivain était un
“spéléologue” qui sondait les gouffres des passions humaines.
“Le mot fonctionnait ainsi comme un piège où
l’écrivain enfermait l’univers pour le livrer à la société”.
Mais dans le roman de la nouveauté, le monde n’est plus
considéré comme une propriété et le romancier ne peut plus et ne veut plus être ce “spéléologue”.
Sur quelques notions périmées :
Dénonciation de la critique traditionnelle de la terminologie littéraire courante.
- Le personnage :
Il est qualifié de “momie” que le XIX ème
siècle avait placé sur un piédestal et qui permettait à la critique
traditionnelle de reconnaître le vrai romancier c’est-à-dire celui qui “crée des personnages”.
Elle le définit comme
devant posséder un nom, une hérédité, une profession, des possessions, un “caractère”, “un visage qui le reflète, un
passé qui a modelé celui-là”, qui guide ses actions ; il doit être unique et appartenir à une catégorie : c’est un
“fantoche”.
Au contraire dans les œuvres contemporaines, c’est un “numéro de matricule” : “le destin du monde a
cessé […] de s’identifier à l’ascension ou à la chute de quelques hommes, de quelques familles”.
- L’histoire :
Le roman traditionnel “raconte une histoire” cohérente qui ménage au lecteur “des attentes et des
surprises”.
1°/ La critique traditionnelle ne considère pas l’écriture : elle privilégie le fond à la forme.
2°/ Il existe
“une convention tacite entre le lecteur et l’auteur” : faire semblant de croire à ce qui est écrit.
Il y a nécessité d’une
ressemblance de l’écrit à l’idée de réalité que se fait le lecteur.
3°/ L’auteur doit apparaître comme omniscient,
ayant une connaissance sans limite de l’histoire.
Au contraire pour Robbe-Grillet le romancier est “celui qui invente en toute liberté, sans modèle”.
De
plus, si les récits prônés par la critique académique représentent un ordre, dès Flaubert tout vacille, et cent ans plus
tard le système est dépassé : “raconter est devenu proprement impossible”.
Cependant “la recherche de nouvelles
structures du récit” n’est pas la suppression de tout événement, mais la prédominance de l’écriture sur l’histoire.
- L’engagement :
Certains romanciers pensent “raconter pour enseigner”.
Les formes artistiques nous paraissent liées à la
société dans laquelle elles ont été conçues (ex : développement tragédie racinienne // hégémonie de l’aristocratie –
roman balzacien // essor de la bourgeoisie).
Il se crée alors un “schéma idyllique” qui associe systématiquement
Art et Révolution.
Mais “l’art ne peut être réduit à l’état de moyen au service d’une cause qui le dépasserait […] l’artiste ne
met rien au-dessus de son travail, et il s’aperçoit vite qu’il ne peut créer que pour rien ”.
Il ne peut travailler dans un
souci didactique ou politique car “l’instant de création ne peut que le ramener aux seuls problèmes de son art”.
Il
est auto-référentiel.
Si l’art sert une cause, il n’est “rien, s’il existe en tant qu’art seulement, il est “la chose la plus
importante”.
Il faut donc “cesser de craindre “l’art pour l’art” car dès qu’apparaît le souci de signifier quelque
chose, la littérature commence à reculer, à disparaître”.
L’engagement en littérature, c’est avoir “la pleine conscience des problèmes de son propre langage, la
conviction de leur extrême importance, la volonté de les résoudre de l’intérieur”.
- La forme et le contenu :
“Ce vieux bateau crevé – l’opposition scolaire de la forme et du fond – n’a donc pas encore fait
naufrage ?” “L’œuvre d’art, comme le monde, est une forme vivante : elle est , elle n’a pas besoin de justification”
car “c’est dans [sa] réalité, […] [son] sens, [sa] signification profonde”.
Un écrivain qui veut faire un roman
recherche d’abord une écriture : “des mouvements de phrase, des architectures, un vocabulaire, des constructions
grammaticales”.
C’est cette écriture qui marque le lecteur en faisant pleinement sens 1
.
L’écriture est “responsable” de l’art romanesque, et séparer le contenu de l’œuvre de la manière dont il est
présenté est inacceptable.
Robbe-Grillet affirme même la prédominance de la forme en déclarant que “le véritable
écrivain n’a rien à dire.
Il a seulement une manière de dire.
Il doit créer un monde mais à partir de rien” et imposer
son œuvre comme “nécessaire pour rien ” ce qui n’est pas une évidence pour le genre romanesque du fait de
“l’aliénation de la littérature au monde moderne”.
De plus, la forme doit être une invention et non une “recette” qui serait utilisée par certains auteurs trop
soucieux de leur contenu et qui ne voudraient pas se risquer à une écriture qui pourrait déplaire.
Ils adoptent donc
une forme qui a fait ses preuves alors que depuis 100 ans, les œuvres qui ont survécues sont celles des romanciers
qui ont inventé une écriture.
Temps et description dans le récit d’aujourd’hui :
1
D’où les problèmes de roman dit “engagé” qui met l’accent sur le message et non sur la manière de le délivrer.
Cf.
le chapitre intitulé L’engagement..
»
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