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L’ÉCRITURE AUTOBIOGRAPHIQUE - Enfance - Nathalie Sarraute

Publié le 27/12/2019

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sarraute

Alors, tu vas vraiment faire ça? «Évoquer tes souvenirs d'enfance »... Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas. Mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent.

 Tu veux «évoquer tes souvenirs»... il n'y a pas à tortiller, c'est bien ça.

Oui, je n'y peux rien, ça me tente, je ne sais pas pourquoi...

C'est peut-être... est-ce que ce ne serait pas... on ne  s'en rend parfois pas compte... c'est peut-être que tes

forces déclinent...

Non, je ne crois pas... du moins je ne le sens pas...

Et pourtant ce que tu veux faire... «évoquer tes souvenirs »... est-ce que ce ne serait pas...

— Oh, je t'en prie...

Si, il faut se le demander : est-ce que ce ne serait pas prendre ta retraite? te ranger? quitter ton élément, où jusqu'ici, tant bien que mal...

Oui, comme tu dis, tant bien que mal...

 - Peut-être, mais c'est le seul où tu aies jamais pu vivre... celui...

Oh, à quoi bon? je le connais.

Est-ce vrai? Tu n'as vraiment pas oublié comment c'était là-bas? comme là-bas tout fluctue, se trans forme, s'échappe... tu avances à tâtons, toujours

cherchant, te tendant... vers quoi? qu'est-ce que c'est? ça ne ressemble à rien^.. personne n'en parle... ça se dérobe, tu Vagripppes comme tu peux, tu le pousses... où? n'importe où, pourvu que ça trouve un  milieu propice où ça se développe, où ça parvienne peut-être à vivre... Tiens, rien que d'y penser...

Oui, ça te rend grandiloquent. Je dirai même outrecuidant. Je me demande si ce n'est pas toujours cette même crainte... Souviens-toi comme elle revient

chaque fois que quelque chose d'encore informe se propose... Ce qui nous est resté des anciennes tentatives nous parait toujours avoir l'avantage sur ce qui tremblote quelque part dans les limbes...

Mais justement, ce que je crains,* cette fois, c'est que ça ne tremble pas... pas asse%... que ce soit

fixé une fois pour toutes, du «tout cuit», donné d'avance...

Rassure-toi pour ce qui est d'être donné... c'est encore tout vacillant, aucun mot écrit, aucune parole

ne l'ont encore touché, il me semble que ça palpite faiblement... hors des mots... comme toujours... des petits bouts de quelque chose d'encore vivant... je voudrais, avant qu'ils disparaissent... laisse-moi...

(Nathalie Sarraute, Enfance, Éd. Gallimard, 1983.)

Enfance, (1983)

Dans le récit de sa propre vie, l’écrivain va être amené à s’interroger sur l’acte d’écrire. Parfois cette réflexion, associée au récit de l’enfance, consiste à rechercher, le plus loin possible dans ses souvenirs, les prémices de ce goût pour l’écriture, quitte à s’en amuser, ou à refuser plus radicalement l’idée d’une prédestination artistique. Le récit de la vie d’un écrivain, par ailleurs, fait souvent une part importante à la genèse des œuvres, permettant de suivre, dans le temps, leur ébauche et leur élaboration.

Mais l’autobiographie est surtout le lieu d’une réflexion sur l’écriture autobiographique elle-même. L’écrivain s’interroge sur les raisons qu’il a de se raconter, sur les modalités d’écriture à adopter, sur les difficultés et les limites de l’entreprise. Le «récit de vie» se prête à cette réflexion parce qu’il met en jeu certaines composantes essentielles de l’écriture : le choix du locuteur, le traitement du temps, le rapport du sujet à lui-même, la vérité de la représentation.

Idée directrice

L’écrivain hésite à raconter ses souvenirs. Toutes sortes de raisons s’opposent à ce choix. Mais l’envie, la curiosité, la nécessité intérieure l’emporteront.

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