L'écriture subjective
Publié le 01/03/2023
Extrait du document
«
Dans toutes les littératures, les auteurs subjectifs ont été nombreux.
Et c’est une vérité
élémentaire de dire qu’en un sens tout écrivain est subjectif, quels que puissent être ses efforts
pour éliminer le coefficient personnel dans la peinture qu’il fait des choses et de l’homme.
(Jules Romains, Les Nouvelles littéraires, jeudi 27 janvier 1949).
Commentez en empruntant
vos exemples à l’histoire de la littérature.
Constat + thèse = les écrivains subjectifs sont nombreux partout et en tout temps + tout
écrivain est forcément subjectif, il ne peut pas éliminer le « coefficient personnel »
Nuance = mais la littérature nous montre aussi des exemples d’œuvres qui semble réduire ce
« coefficient personnel », cette subjectivité au minimum
Synthèse = la littérature s’inspire de la vie et est notamment liée à celle de l’auteur, mais elle
la dépasse infiniment et ne se réduit pas à cela
La notion de subjectivité, et sa relation avec les œuvres d’art, apparaît comme un élément
caractéristique de la modernité.
Au Moyen Âge, cela est bien connu, bien d’œuvres littéraires
restaient dans l’anonymat et la personnalité de l’auteur était le plus souvent inconnue.
En
revanche, au cours de la Renaissance, jusqu’à l’apothéose romantique, le « moi » de l’auteur
commence à s’imposer comme élément central de l’œuvre d’art.
Ceux-ci deviennent
indissociables au point qu’aujourd’hui un grand intérêt médiatique est réservé à tous ces
auteurs qui se cachent derrière un pseudonyme.
Si la biographie de George Sand a suscité et
suscite encore aujourd’hui une grande curiosité, les auteurs contemporains qui emploient une
fausse identité, tels Elena Ferrante, font l’objet de toute une série des recherches pour en
révéler la véritable identité.
Pour une bonne partie du lectorat, l’œuvre d’art apparaît ainsi
comme la transposition de la vie de l’auteur.
Dans un article des Nouvelles littéraires paru en
1949, Jules Romains constate que toute œuvre détient une part de subjectivité, c’est-à-dire
qu’elle est profondément liée à la personne de l’auteur, à ce qu’il a vécu et expérimenté.
Mais
si toute œuvre est forcément subjective et se présente comme le témoignage particulier d’un
individu, comment peut-elle intéresser le lecteur ? Le but de l’œuvre d’art ne serait-ce pas, en
revanche, d’atteindre une valeur universelle, une vérité générale, dans laquelle tout public
pourrait s’identifier ? Certes, il semble impossible de séparer totalement de la personnalité de
l’auteur et son œuvre et beaucoup d’œuvres littéraires témoignent de cette fusion entre auteur
et création.
Néanmoins, cette façon de lire l’œuvre littéraire semble réduire l’œuvre littéraire à
un simple miroir de la vie de l’auteur, sans tenir compte du fait que le texte est fait autant
d’expérience vécue que de fiction, comme le montrent des nombreuses œuvres où la part
personnelle est réduite au minimum.
En définitive, si la littérature s’inspire certainement du
vécu de l’auteur, elle le dépasse infiniment du moment qu’il semble impossible de raconter ce
qu’il y a de plus intime en nous sans l’altérer ou le rêver.
I.
Certes, toute la littérature contient un certain degré de subjectivité
1.
L’utilisation directe du Moi
Directement : à partir des Essais de Montaigne, la littérature française pullule
d’œuvres qui mettent au centre de l’intérêt la vie de l’auteur.
Ces œuvres se
concentrent sur les faits qui ont jalonné la vie de l’écrivain et se caractérisent le
plus souvent pour la valeur de vérité et de témoignage qu’elles revêtent.
S’il y a
souvent des raisons personnelles derrière les motivations qui poussent l’écrivain à
écrire, cela n’empêche que ces œuvres se veulent aussi comme des œuvres visant à
instruire le lecteur, à lui donner des éléments de réflexion sur la nature humaine.
Exemple Rousseau : se justifier, se disculper mais en même temps témoignage
universel des sentiments, profondeur psychologique qui nous fait avancer sur notre
connaissance de l’esprit humain
-
-
Valeur de témoignage : pas de mensonge, vie réelle
Gagner la confiance du lecteur (au XVIII siècle, les auteurs écrivaient souvent
des fausses Mémoires ou des fausses lettres : l’authenticité était un gage de
succès auprès du public, aujourd’hui encore, nous voyons que des nombreux
films s’appuient sur des histoires vraies pour attirer l’attention du public)
Néanmoins, valeur universelle de ces témoignages qui dévoilent la nature
humaine : Rousseau -> avancée dans les études psychologiques, place de
l’enfant
2.
L’utilisation indirecte du moi
Les romans romantiques sont souvent des romans autobiographiques cachés.
Derrière
l’ « ennui » et le mal d’être qui accable Réné, nous pouvons voir les maux de
Chateaubriand lui-même.
Beaucoup d’œuvres romantiques se basent en réalité sur la
vie de l’auteur : il suffit de penser à Adolphe de Constant ou Corinne de Mme de Staël.
Même au XX siècle la mode du « roman autobiographique » ou de l’ « auto-fiction »
est très répandue.
-
-
Le subjectif même dans des ouvrages qui ne s’affichent pas comme
authentique : moyen d’exprimer les sentiments, rôle thérapeutique de l’art
Romantisme : époque où l’individualité et la subjectivité sont exaltées ->
causes historiques : Révolution française, perte de repères, effondrement du
système monarchique, affirmation de l’individu dans la démocratie, centralité
du moi : à cette époque on voit une prolifération des journaux intimes
(Benjamin Constant, Amiel) : souvent ceux qui écrivent leur journal sont aussi
des romanciers
Aujourd’hui rôle de l’auto-fiction : ancrer le roman dans une histoire
contemporaine : façon d’approcher le roman à la vie des lecteurs : permettre
l’identification entre auteur et lecteur
3.
Le moi dans toute œuvre littéraire
Si des nombreux écrivains emploient volontairement des événements de leur vie pour
enrichir leurs écrits, ce que semble affirmer Jules Romain est que tout œuvre littéraire
contient une part de moi.
On pourrait penser que certaines œuvres littéraires ne
révèlent rien à propos de l’auteur.
Par exemple, Les Fables de la Fontaine se
présentent comme des récits, ayant comme personnages des animaux, et qui visent à
donner des leçons de morale aux hommes.
Néanmoins, même dans ces apologues
didactiques l’auteur se dévoile malgré lui : dans la moralité finale il sort de son rôle de
narrateur pour endosser celui de moraliste et, ce faisant, il dévoile au lecteur des traits
de sa propre personnalité.
De même à l’époque des Lumières, l’Encyclopédie peut
apparaître comme l’œuvre la plus objective qu’on ait essayé de réaliser puisque son
but est des fournir des connaissances objectives et scientifiques sur le monde.
Pourtant, ces articles sont aussi imbus des théories de leurs auteurs, de leur propre
vision du monde : ces auteurs étaient, on le sait, à la fois des écrivains et des
philosophes.
-
II.
Même les écrits apparemment plus objectifs portent la trace de leurs auteurs :
apparition du « je » de la Fontaine dans les Fables, la vision du monde des
philosophes à l’époque des Lumières
Idée reçue selon laquelle on ne peut pas parler de quelque chose dont on n’a
pas fait l’expérience Du Bellay dans les Regrets : « Je n’écris point d’amour
n’étant point amoureux »
Néanmoins, l’œuvre est aussi faite de fiction
1.
Certains genres semblent plus imperméables que d’autres à la
subjectivité
- Si la poésie est par excellence le genre de l’expression du moi, le théâtre, en
revanche, y semble plutôt imperméable peut-être parce que son but est
justement celui d’endosser un rôle différent du sien.
D’ailleurs la polyphonie
qui caractérise ce genre (présence des plusieurs personnages, donc des
plusieurs voix) se heurte à l’idée....
»
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