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Lecture Analytique De Ma Boheme

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

 

Le plan détaillé du commentaire :

I. L’expression d’un idéal poétique

 

A. Liberté et révolte

La liberté présentée comme une fuite en avant :

 

Titre : Dès le départ, inscription dans la thématique du voyage, topos du peuple voyageur, symbole de l’errance et de la liberté.

 

Mise en relief du mouvement en avant du poète les verbes de mouvement : « Je m’en allais «/ « J’allais « et le lexique : « course «/ « routes « que rapproche une parenté phonique [ou].

 

La liberté du poète se manifeste aussi par le fait qu’il semble se dissoudre pour ne plus être qu’une instance réceptrice, et ne devient plus que le lieu d’une sensation : « je les écoutais «, « je sentais «.

 

L’idée de révolte est suggérée par la présence de ses « poings dans [s]es poches crevées « et par la référence implicite à la fugue même si Rimbaud refuse l’aspect biographique et ne fait par de référence directe à ses propres fugues.

 

B. Un dépouillement volontaire

La progression du poète s’accompagne d’une disparition, presque d’une dissolution de ses vêtements : « poches crevées «, « Mon paletot devenait idéal «, « Mon unique culotte avait un large trou «.

 

L’emploi du singulier va également dans ce sens.

 

Il utilise également la métaphore du Petit Poucet, autre représentation de la pauvreté.

 

Euphémisme : « Mon auberge était à la Grande-Ourse « montre que pour le poète le dénuement n’est pas une souffrance et qu’il est sublimé, ce que suggère également la comparaison « des gouttes de rosées « à « un vin de vigueur «. Ce rapprochement est resserré par le choix du chiasme : « auberge « [protection], « Grande-Ourse « [ciel]/ « étoiles « [ciel], « frou-frou « [protection : jupon maternel].

 

Le fait de ne pas être protégé de la nature est vu comme une richesse car la perte matérielle s’inverse en richesse cosmique.

 

C. La richesse cosmique

 

Si le poète s’appauvrit matériellement, en même temps il s’approprie le monde, la nature et le cosmos, cela est visible par l’utilisation de déterminants possessifs et du glissement qui s’opère des possessions réelles et matérielles à l’appropriation spirituelle : « mes poches «, « mon paletot «, mon unique culotte «/ « mon auberge «/ « mes étoiles «. « mes souliers « semble être un retour à la matérialité mais cette impression est démentie par la polysémie du mot « pied « qui signifie une partie du corps mais aussi une syllabe en poésie latine, ce que suggère le mot « lyre « (instrument de musique, symbole de l’inspiration artistique) à proximité. Peu à peu l’âme du poète et celle du monde semblent se confondre. De même que la trivialité est sublimée par l’inspiration poétique puisque les « élastiques « de ses souliers deviennent des « lyres «. Il se fond même dans la nature puisqu’il reçoit des « gouttes de rosée « sur son front.

 

De même, au singulier de la pauvreté initiale se substitueront les pluriels de la nature généreuse et de la fécondité poétique : « mon paletot «, « mon unique culotte «, « mon auberge «/ « amours splendides «, « des rimes «, « mes étoiles «, « des gouttes «, « des ombres fantastiques «, « des lyres «.

 

II. Critique de l’art poétique

 

A. L’inscription dans une tradition

 

L’inscription dans une forme classique semble primer dans ce poème : il s’agit, en effet, d’un sonnet, composé de 2 quatrains et de deux tercets, en alexandrin, composé de rimes embrassées (2 quatrains) puis de rimes plates et croisées (2 tercets). Les rimes sont suffisantes et riches (crevées, rêvées (C+V) ; trou, frou-frou (C+V)/ idéal, féal (V+V+C) ; course, Ourse (V+C+C). Il respecte également l’alternance de rimes féminines et masculines.

 

Cette volonté semble s’accompagner du choix d’un lexique courtois et vieilli : « féal « qui signifie son attachement à la muse qui est sa Dame.

 

La mise en valeur de l’inspiration avec les références à la « muse « qui est convoquée de façon impérative et impatiente dans une apostrophe exclamative, et sa familiarité avec elle est soulignée par le tutoiement : « j’étais ton féal « ; ainsi que l’omniprésence du lexique de la poésie : « muse «, « rimes «, « rimant «, « lyres «, « pied «.

 

B. Légèreté et « fantaisie «

 

Mais s’il choisit une forme classique, il n’hésite pourtant pas à y introduire un renouveau à travers la légèreté et la dimension enfantine qu’il lui insuffle, grâce à l’exclamation « oh ! là ! là ! « et à la phrase exclamative : « que d’amours splendides j’ai rêvées ! «, qui marquent son émerveillement mais aussi grâce à l’insertion de l’imagerie du conte pour enfant avec la figure du Petit-Poucet auquel il se compare implicitement par le biais d’une métaphore in absentia. De même, la forte présence du lexique de l’imaginaire va dans ce sens : « fantaisie «, « j’ai rêvées «, « rêveur «, « fantastique «.

 

Les déterminants possessifs renforcent cette impression d’enfance dans le poème en donnant une dimension hypocoristique souvent associée à l’enfance (mon petit canard, mon amour….).

 

C. Vers le renouvellement

 

Derrière cette apparente naïveté se cache une réécriture parodique : le thème de la bohème est un topos de l’époque et nombreux sont les poètes qui l’ont évoqué dans leurs poèmes. Il semble faire allusion, notamment à Théodore de Banville, poète du parnasse, qui a écrit, par exemple : Voyage de la fantaisie et La Sainte Bohème. Il va d’ailleurs reprendre des mots du maître Banville pour indiquer sa parenté et le fait qu’il s’agit d’une réécrite parodique.

 

Cette lecture est induite par le choix du sous-titre « fantaisie « qui invite à choisir une interprétation en lien avec un registre léger.

 

On trouve aussi déjà quelques irrégularités qui vont ouvrir la voie au renouvellement formel que Rimbaud va opérer dans les années à venir, comme par exemple la présence d’enjambements et de rejets. On peut lire de la même façon l’inscription d’un lexique trivial : « poches, paletot, culotte, trou, frou-frou, élastiques, souliers «, lexique qui s’imposera dans certains poèmes comme Le cœur du pitre.

 

Le texte :

Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;

Mon paletot aussi devenait idéal ;

J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;

Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.

- Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course

Des rimes. Mon auberge était à la Grande Ourse.

- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les écoutais, assis au bord des routes,

Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes

De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,

Comme des lyres, je tirais les élastiques

De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !

 

Arthur Rimbaud, « Ma Bohême «, Poésies.

 

« Ma Bohème 1 59 SITUATION DU TEXTE Ce poème clôt l'ensemble écrit ou recopié à Douai en octobre 1870 et fait partie, comme «Le Dormeur du val», du recueil adressé à Paul Demcny dans l'espoir d'être imprimé à Paris.

Il figure, pour la première fois, dans La Revue indépendante Uanvier-février 1889) avec trois autres poèmes encore inédits : «Le Mal», «A la musique», «Sen­ sation», en illustration d'une étude de Rodolphe Darzens qui avait su récupérer le fameux Cahier de Douai.

S'il est lié à l'expérience personnelle par son thème, il est aussi inscrit dans un débat poétique qui oppose Rimbaud, petit provincial certain d'être poète, frondeur ct critique, à ceux qui furent ses modèles comme Théodore de Banville; le sous-titre «Fantaisie» peut ainsi conduire à lire ce texte comme une réécriture parodique.

THÈME PRINCIPAL DU TEXTE «Ma Bohème», comme «La Matine» ou «Au cabaret vert, cinq heures du soir», évoque les fugues et la liberté adoles­ cente toute fraîche, mais à la différence des poèmes cités, l'image des choses vues est tenue à distance, subordonnée au jeu sur les échos et les polysémies, et à une allégorie du Poète-enfant, ivre d'idéal, porté par son étoile, délibérément en marge.

(Lire aussi «Sensation».) DES BOHÉMIENS À LA BOHÈME Le thème des bohémiens, des saltimbanques, du voyage marginal nourrit bien des œuvres romantiques et Rimbaud dans «Sensation», lorsqu'il évoque magnifiquement l'errance, rencontre déjà la figure du «bohémien».

Le xxc siècle, avec Apollinaire, Reverdy, Picasso, hérite de ce topos.

Les petits comédiens de «Enfance» (III) dans les Illuminations, les forains de «Parade>> appartiennent à la même famille.

Rejeton de 1 'homme sauvage du Moyen Age, le « bohé-. »

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