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LECTURE ANALYTIQUE SUPPLEMENT AU VOYAGE DE BOUGAINVILLE , DIDEROT

Publié le 23/01/2013

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LECTURE ANALYTIQUE SUPPLEMENT AU VOYAGE DE BOUGAINVILLE , DIDEROT ( 1772) Au XVIIIème siècle, de nombreux voyages sont organisés par des explorateurs ou des scientifiques qui rendent compte de ce qu'ils ont vu , dans des récits à l'intention d'un public lettré. Parmi ces voyageurs, Bougainville est une figure très connue ( lire p 512 manuel). Son ouvrage Voyage autour du monde est un récit de voyage à Tahiti en 1771. Ce livre va inspirer Diderot ( philosophe des Lumières) qui va écrire , en 1772, Supplément au voyage de Bougainville, ?uvre de fiction où il donne la parole aux « sauvages ». Le vieillard dont il est question dans l'extrait proposé à notre analyse était présent dans le récit de Bougainville qui relatait l'attitude inamicale d'un vieil homme s'opposant à l'enthousiasme de son peuple. Diderot lui fait prononcer cette harangue ( = discours solennel prononcé devant une assemblée, un haut personnage) au moment des adieux à Bougainville : face aux Tahitiens qui se lamentent du départ de Bougainville, le vieillard souhaite les mettre en garde ; ils ont tort de pleurer celui qui n'apportera que malheur et désolation sur leur terre. Nous nous demanderons comment le philosophe Diderot s'y prend pour faire prendre conscience de la barbarie des Européens colonisateurs. En premier lieu, nous étudierons le réquisitoire contre le colonialisme puis en second lieu, nous montrerons que ce discours donne une vision idéalisée de la vie des Tahitiens. Le vieillard se donne le rôle de porte-parole du peuple sauvage. A cet effet, il utilise rarement la première personne du singulier. Nous relevons une seule occurrence « je ne sais ». Il préfère s'associer à la communauté tahitienne en préférant le « nous » et ses dérivés « notre, nos » , dont les occurrences émaillent l'ensemble du texte. Il interpelle Bougainville en le tutoyant « tu, ton, tes » et en l'assimilant aux Européens à travers les « vos , vous, votre ». Dans ce jeu de pronoms « je/nous ; tu/vous », s'opposent déjà deux civilisations antithétiques. Dans son réquisitoire, l'indigène met l'accent sur les méfaits de la colonisation européenne qui a introduit le vice et la corruption dans le coeur des Tahitiens. Leur arrivée est synonyme de bouleversements des m?urs paisibles des autochtones . La négation restrictive « ne ...que » dans l'expression « tu ne peux que nuire » insiste sur le caractère inévitablement nuisible de l'intrusion des Européens à Tahiti. Plus précisément, il donne à entendre l'opposition entre un idéal naturel où les hommes vivent libres et insensibles à toute forme de passions destructrices , et un idéal prôné par les peuples civilisés qui repose sur un esprit de conquête et d'appropriation du bien d'autrui. L'exemple de la possession des femmes est éloquent. En effet, les Européens se sont comportés comme des êtres violents , comme le montre le champ lexical de la violence et de la haine, progressant par gradation : « ils ont allumé en elles des fureurs inconnues », ils ont rendu « folles » les femmes, ils sont devenus « féroces », « elles ont commencé à se haïr » ; parce qu'ils ont voulu la possession exclusive et jalouse des Tahitiennes, ils se sont « égorgés pour elles », et les ont « teintes de leur sang ». Cette derni&e...
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« la possession exclusive et jalouse des Tahitiennes, ils se sont «   égorg és     pour elles   », et les   ont   «   teintes   de   leur   sang   ».

  Cette   derni ère   m étaphore   hyperbolique   indique   bien   que   la   violence est contagieuse.    Hormis la violence pour la possession des femmes, la colonisation est d énonc ée comme un   vol. Les Europ éens sont des   «   brigands   »,  voleurs de terre et qui profitent d’ être les plus forts   «   tu   es   le   plus   fort   »,   ce   qui   prouve   au   passage,   que   la   colonisation   n’a   rien   à  voir   avec   la   civilisation.  Les p ériphrases  qui d ésignent la colonisation la d énoncent comme un vol   » tu as   enfoui   dans notre terre le titre de notre futur esclavage   » ( Bougainville avait   en effet enfoui   un acte de prise de possession inscrit sur une planche de ch êne dans une bouteille scell ée),   «   tu   as     projet é  dans   le   fond   de   ton   cœur   le   vol   de   toute   une   contr ée   »,   «   tu   veux   nous   asservir   »,   «   ils   ont   écrit   sur   cette   lame   de   m étal   ce   pays   est   à   nous   ».

  Il   les   accuse   de   s’arroger   les   droits   qu’ils   n’ont   pas   ,   de   commettre   des   actes   ill égitimes   qu’ils   trouveraient   impensables   de   la   part   des   Tahitiens,   s’approprier   une   terre,   r éduire   ses   habitants   en   esclavage .

  La   subordonn ée   hypoth étique   suivie   du   conditionnel   »   si   un   Tahitien   d ébarquait…   qu’en   penserais   tu   ?   »,   permet   de   r éaliser   le   caract ère   ill égitime   de   toute   colonisation. Pour mieux marquer l’in équit é , le vieillard  établit une   antith èse   avec le vol des   «   m éprisables   bagatelles   dont   ton   b âtiment   (   navire)   est   rempli   »   et   les   r éactions   disproportionn ées   à  ce   vol   «   tu   t’es     r écri é,   tu   t’es   veng é   ».

    La   vengeance   est   oppos ée     à   l’id ée   de   civilisation   et   cet   exemple   permet   de   mesurer   l’ampleur   du   vol     de   la   terre   des   Tahitiens.

  Le  registre  pol émique   est marqu é   par des   parall élismes   de   construction   qui   opposent   le   mode   de   vie     tahitien   et   les   actions   n éfastes   des   Europ éens.

  A   chaque   fois,   le   vieillard  évoque d’abord le bonheur de la soci été tahitienne dont le pronom «   nous   » souligne   l’union   puis   les   actes   de   destruction   et   de   domination   des   Europ éens   :   «   nous   sommes   innocents, nous sommes heureux, nous suivons le pur instinct de la nature   » / «    et tu ne peux   nuire   qu’ à  notre   bonheur,   et   tu   as   tent é  d’effacer   de   nos   âmes   ce   caract ère   ».

  L’expression   «   et   tu   «   est   r épétée   à  quatre   reprise   et   vient   accuser   Bougainville   mais   aussi   ,   par   synecdoque , l’ensemble des Europ éens.   Le discours du Tahitien est  éloquent  étant donn é qu’il est construit de mani ère  à  convaincre   Bougainville   et   le   lecteur   ,   des   m éfaits   de   la   colonisation.

  Les   modes   verbaux   les   plus   fr équents   sont   l’indicatif   et   l’imp ératif .

  L’indig ène   énonce   un   certain   nombre   de   v érités   ,   assertions   à  l’indicatif   pr ésent   «   nous   sommes   heureux,   nous   sommes   libres,   nous   sommes   innocents,   «   tu   n’es   pas   esclave   »   et   adresse   à  Bougainville   plusieurs   injonctions   (ordres)   à  l’imp ératif   pr ésent   «   é carte   promptement   ton   vaisseau   (navire),   va   dans   ta   contr ée, laisse nous nos mœurs   ».

 L’indicatif  est le mode de la v érité et de la certitude ce qui   montre   l’assurance   du   vieillard   et   sa   fermet é  face   à  Bougainville.

  L’emploi   de   l’imp ératif   sugg ère   que   le   vieil   homme   n’a   que   m épris   pour   l’explorateur.

  Diderot   a   choisi   de   rendre  . »

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