LECTURE LINÉAIRE I ● Montaigne, Les essais, De l’institution des enfants, 1580-1588.chapitre 26.
Publié le 14/03/2023
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LECTURE LINÉAIRE I
● Montaigne, Les essais, De l’institution des enfants, 1580-1588.chapitre 26.
Texte:
[...]Ayant plutôt envie d'en tirer un habile homme qu'un homme savant, je voudrais aussi
qu'on soit soigneux de lui choisir un conducteur qui ait plutôt la tête bien faite que bien pleine, et
qu'on lui demande ces deux qualités mais plus les moeurs et l'entendement que la science; et qu'il se
conduise dans sa charge d'une nouvelle manière
On ne cesse de criailler à nos oreilles, comme quelqu'un qui verserait dans un entonnoir, et
notre charge n'est que de redire ce qu'on nous a dit.
Je voudrais qu'il corrige cette partie, et que, tout
de suite, selon la portée de l'âme qu'il a en main, il commence à la mettre sur la montre, en lui faisant
goûter les choses, les choisir et discerner d'elle-même : quelquefois lui ouvrant le chemin, quelquefois
le lui laissant ouvrir.
Je ne veux pas qu'il invente et parle seul, je veux qu'il écoute son disciple parler à
son tour.
Socrate faisait premièrement parler ses disciples, et puis il leur parlait à eux.
“L’autorité de
ceux qui enseignent nuit le plus souvent à ceux qui apprennent.”
Il est bon qu'il le fasse trotter devant lui pour juger de son train, et juger jusqu'à quel point il doit se
rabaisser pour s'accommoder à sa force.
Par manque de cette mesure nous gâtons tout, et savoir la
choisir, le faire correctement, est l'une des besognes les plus ardues que je connaisse.
C'est la preuve
d'une haute âme et bien forte, que de savoir condescendre à ces allures puériles et les guider.
Je
marche plus sûrement et plus ferme vers le mont que vers la vallée.[...]
Qu'il ne lui demande pas seulement compte des mots de sa leçon, mais du sens et de la substance,
et qu'il juge du profit qu'il aura fait, non par le témoignage de sa mémoire, mais de sa vie.
Que ce qu'il
viendra d'apprendre, il le lui fasse mettre en cent visages et appliquer à autant de divers sujets, pour
voir s'il l'a encore bien appris et bien fait sien, en prenant comme modèle d'instruction les
enseignements de Platon.
INTRO:
1) Montaigne est né en 1533 en Dordogne, dans le château familial.
Il fait des études de
droit et devient magistrat.
Il rencontre Etienne de la Boétie avec lequel il noue une profonde
amitié.
En 1571, il se retire dans le château familial et quitte la magistrature, il va alors se
consacrer à la lecture et à l’écriture.
C’est là qu’il entame la rédaction des Essais en 1572
dont il publie les deux premiers livres en 1580.
Dans cette œuvre polymorphe, il développe
les principes de tolérance, de philosophie humaniste et de sagesse morale.
Il n'en
consacre pas moins une partie à une introspection plus personnelle.
2)Montaigne adresse le chapitre 26 de ses Essais à Diane de Foix, comtesse de Gurson qui
attend un enfant.
Il réfléchit à la manière dont il convient de choisir un précepteur pour un
enfant de la noblesse.
Il s’agit donc du choix d’un maître pour un seul élève.
Derrière les
conseils adressés à Diane de Foix, c’est un véritable traité d’éducation humaniste que
propose Montaigne.
LECTURE DU TEXTE
3) Comment Montaigne dresse-t-il le portrait du précepteur idéal tout en décrivant une
démarche pédagogique novatrice?
4) Le texte comporte quatre mouvements, tout d’abord Montaigne dresse le portrait du
précepteur parfait, ensuite, il explique clairement la méthode d’apprentissage que celui-ci
devra adopter, pour finir, il va donner des exemples de mise en application.
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I- La présentation du précepteur parfait selon Montaigne, un homme sachant
raisonner.
Le précepteur idéal doit être avant tout capable de réfléchir, Montaigne rejette dans
ce paragraphe les modèles d’éducation moyen-âgeux qui consistaient à apprendre
par cœur sans réfléchir.
Deux parallélismes de construction viennent marquer son
propos et le rendre efficace.
Dans le premier, le chiasme vient opposer “habile” à
“savant” derrière ces mots se masque l’érudition par opposition à l' intelligence.
Il
vaut mieux savoir mobiliser ses savoirs plutôt que de simplement les emmagasiner.
● Cette idée est reprise dans l'opposition “la tête bien faite que bien pleine”.
● La reprise nominale permettant de désigner le maître “un conducteur” n’est pas
choisie au hasard, elle met en avant l’idée que le précepteur devra orienter l’élève
sans lui imposer un savoir venu du haut.
● Les valeurs humanistes de Montaigne se font déjà entendre dès ce premier
paragraphe dans les qualités requises pour le précepteur “les mœurs" et
“l’entendement” plutôt que “la science”.
Il prend ici l'opposition entre une érudition
stérile et l'intelligence.
Les “moeurs” évoquent la vertu dont doit faire preuve un
enseignant, il dénigre ainsi l’éducation du Moyen-âge prodiguée par des moines
souvent peu soucieux des bonnes mœurs.
Voir dans Gargantua, les sophistes qui
instruisent Gargantua.
● Dans ce paragraphe, Montaigne se veut clair et adopte un registre didactique.
Il
emploie ainsi un réseau d’oppositions qui permettront clairement de définir ce qu'est
un bon maître, tout en respectant les valeurs humanistes et en rejetant
l’enseignement scolastique qui consistait à apprendre par cœur.
CC/TR La dernière phrase du paragraphe annonce le suivant, Montaigne y expliquera
comment enseigner “d’une nouvelle manière”.
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II- L’explication d’une méthode d’apprentissage novatrice permettant à l’élève
de réfléchir par lui-même.
Rejet de l’ancienne méthode avec l’emploi du pronom indéfini “On” + idée de
répétition très présente avec la polyptote “redire/dit” image de l’entonnoir (il se veut
didactique et très méprisante vis à vis de l’enseignement qui consiste à gaver des
oies.
Emploi de la première personne du pluriel “notre charge”, “nous”, se met à
place de l’élève comme s’il avait reçu ce genre d’enseignement.
Permet d’impliquer
le lecteur qui peut aussi se reconnaître.
Présentation du souhait de Montaigne avec la répétition de “je voudrais” (déjà
présent dans le 1º paragraphe, au conditionnel + verbe modalisateur....
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