L'enfance: monde de cruauté ou paradis ?

« ment ceux qui nous aiment, condamner leurs maladresses, un temps où l'essentiel est de toute façon assuré parautrui. Comme cette enfance serait belle si elle était vécue par tous ! Si elle a servi de modèle privilégié aux comédiesmusicales américaines où un jeune prodige, beau et intelligent, est adulé de tous, elle ne peut cependant longtempsmasquer cette autre enfance, l'enfance de la rue, de la pauvreté ou plus simplement de la cruauté. Il aura fallu attendre le xix` siècle pour que des auteurs rapportent les effroyables conditions de travail des enfantsouvriers.

En Angleterre, mais aussi en France, des enfants travaillaient dans les mines, les filatures, jusqu'à quinzeheures par jour.

Révolu ce temps-là ? Certainement pas : en Inde, et dans tous les pays en voie de développement,l'enfant est une marchandise qui se négocie ou un travailleur qui doit subvenir à ses propres besoins.

Dès le lever dusoleil, il chevauche son vélo, convoie d'énormes ballots de cotonnade, se bat pour être le premier à toucher sonsalaire.

Ailleurs, il s'installe devant son métier à tisser : ses doigts agiles nouent la laine ou la soie à une vitessevertigineuse.

Et lorsqu'arrive le soir, épuisé, il engloutit quelques bouchées de riz et s'endort pour digérer toute lalaine qu'il a avalée.

Ces enfants ont-ils droit à l'enfance ? Rappelleront-ils à leur mémoire en miettes la beauté d'unciel qu'ils n'ont pas vu ? Bien sûr, dira-t-on, ces malheurs se passent loin de nous ! Ouvrons alors notre journal.

Que découvrons-nous dansla rubrique des faits divers ? Tant d'horreurs dont l'enfance martyre est le maître mot.

Un père enferme ses enfantsà la cave, les prive du nécessaire, les bat.

Un inconnu kidnappe une petite fille.

Un enfant, victime d'un racketépouvantable à la sortie de son école, veut se donner la mort.

Et d'autres histoires aussi sordides. Oui, l'enfance peut être un calvaire aussi.

Pour le Petit Chose d'Alphonse Daudet, pour le malheureux élève de BruceLowery dans La Cicatrice, ce n'est qu'un vain mot, synonyme d'impuissance devant un monde injuste et méchant. Démuni devant les adultes, l'enfant est aussi la victime de ses camarades qui, du rire complice à la persécutiondécidée, savent aussi organiser un supplice.

Un tel n'a pas la couleur qu'il faut, tel autre a un accent, celui-ci estpauvre, celui-là est trop grand.

Tout est bon pour détruire, pour se moquer, pour faire mal. À qui la faute ? Sans doute à l'éducation que l'on a reçue ou plutôt à cette pseudo-éducation où tout est permis,où l'on n'apprend plus le respect de la personne humaine, où l'on n'a plus aucun souci de l'humanité, lui préférantson plaisir immédiat. CONCLUSION N'y aurait-il donc pas plusieurs mondes jumeaux qu'on appellerait commodément « l'enfance » : l'enfance-paradis,l'enfance-cruauté, l'enfance-mar-tyre ? S'ignoreraient-elles aussi, ces enfances parallèles ? On peut le craindre.Quoi qu'il en soit, et quelle que soit la conscience des sociétés humaines, la plupart des enfants n'ont pas l'enfancequ'ils méritent.

On les assassine à coups de mauvais traitements, en leur infligeant des conditions de vie très duresou au contraire en les éduquant sans éducation, sans limites, sans interdits.

Et si les enfants sont parfois cruels, nele doivent-ils pas à la société qui les forme ? Ne serait-ce pas alors une bonne idée que de rajouter en tête de laDéclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ces simples mots, essentiels cependant : « Chaque enfant a droit àune belle enfance » ? L'aurore de la vie conditionne en effet toute vision future du monde, toute promesse debonheur.. »