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Léon Poliakov, Le racisme. Commentaire.

Publié le 05/10/2017

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ANALYSE

En magnifiant la science, l’homme commet un péché d’orgueil. Et pourtant, cette science ne lui offre que le reflet de sa propre dimension : n’est-il pas, en effet, prétentieux de crier victoire pour un misérable saut de puce dans les étoiles alors même que 1 ’univers ne nous est concevable que par une succession astronomique de zéros ?...

 

Mais dira-t-on, cette science à 1 ’échelle humaine fait du moins progresser. Voire! Dans le même temps qu’il domine les éléments, l’homme ne songe qu’à dompter son semblable: la science entre alors au service du plus fort. Ainsi, loin de concourir à unifier le globe, la science, détournée de son but initial, vient au secours des idéologies opposées, renforce les divisions. Comment s’étonner, d’ailleurs, que ces « réussites » scientifiques, fruit souvent du hasard, n’aient fréquemment des effets néfastes ?

 

Cela ne signifie nullement qu’il faille désespérer de la science ni la réduire à n’être qu’une utopique et vénéneuse substance de récits de fiction. Mais que dire d’une science qui n’aurait d’autre finalité qu’elle-même sans se soucier du bonheur de l’humanité ?

 

ne sont, bien sûr, que de mauvais alibis. On reproche, par exemple, aux Arabes de venir prendre le travail des Français. Ou bien alors, on les accuse d'être sales et de vivre entre eux comme des animaux. Alibis qu'il est facile de démonter : la France a besoin de l'immigration pour que les tâches que les Français ne veulent plus faire - les tâches manuelles les plus pénibles et les moins rémunérées -soient tout de même accomplies. Sans doute est-ce anormal - mais ce n'est manifestement pas à cause de l'immigration qu'il y a du sous-emploi en France, bien au contraire. Si, d'autre part, les immigrés vivent « entre eux», c'est que les Français ne font rien pourl es accueillir, et finalement les forcent à se replier dans des sortes de ghettos (les bidonvilles). Même les travailleurs français - du moins ceux qui se laissent influencer par une propagande habile mais mensongère - sont hostiles à l'émancipation syndicale et politique des immigrés. Enfin, les Français condamnent les immigrés à une misère si scandaleuse qu'eux-mêmes éprouvent le besoin de s'en disculper, en affirmant l'inhumanité de ceux qui en sont les victimes : mécanisme de projection assez classique sur lequel nous aurons l'occasion de revenir plus longuement.

 

Ainsi le racisme n'est-il pas mort - mais peut-être est-il mieux caché qu'autrefois. On n'ose plus se dire raciste, mais on persiste à l'être, d'une façon sourde et d'autant plus dangereuse qu'elle demeure inconsciente. Ce racisme caché derrière l'antiracisme officiel, il peut être repéré à tous les niveaux de l'idéologie. Dans le discours populaire, où subsistent des expressions stéréotypées telles que « voleur comme un Juif » ou « cruel comme un Jaune ». Dans le discours « scientifique » ou « sérieux », par exemple dans les définitions de certains dictionnaires réédités sans discernement, qui font de l'homme de race blanche le modèle idéal pour toute l'humanité. Dans la publicité, où les Noirs sont présentés comme de bons sauvages parlant mal le français (« Y’a bon Banania » ...). Dans la bande dessinée, où les « méchants » sont souvent représentés par des hommes de couleurs — l'Arabe jouant ici également un rôle de choix, comme d'ailleurs dans de nombreux romans d'espionnage. Dans le western classique américain, où l'Indien devait toujours être vaincu par le« bon» blanc - et tué, s'il résistait à la percée vigoureuse de la « civilisation »...

 

Bref, on n'en finirait pas d'énumérer les exemples de ce racisme confus dans lequel nous baignons - et que, pour cette raison, nous avons tendance à sous-estimer. C'est pourquoi revenir, une nouvelle fois, sur la question des races, pour rappeler lafaçon dont les sciences aujourd'hui la posent, ne saurait être inutile. Quant à demander depuis quand, pourquoi et comment les hommes sont devenus racistes, c'est une question indispensable, si l'on ne veut pas sombrer dans la résignation de ceux qui croient que « le racisme est aussi vieux que le monde » et qui ne tentent même pas d'en limiter les dégâts.

 

Léon Poliakov, Le racisme.

2. Argumentation du discours raciste.

 

Devant les exagérations odieuses du racisme institutionalisé par le nazisme, le racisme s’est transformé : 1 ’antisémitisme a reculé tout à la fois en raison des exactions nazies et du conflit israélo-arabe. Plus subtilement, le discours raciste, sans abandonner certains arguments battus en brèche par l’ethnologie (en particulier 1 ’inaptitude des noirs à être civilisés!) a aujourd'hui recours à une idéologie en apparence plus « scientifique » qui cache sous des raisonnements simplistes — qualifiés de « bon sens » — la même attitude viscérale qu’autrefois. On trouve ainsi :

 

l'argument réflexif : pourquoi ne serions-nous plus racistes

« ne sont, bien sûr, que de mauvais alibis.

On reproche, par exemple, aux Arabes de venir prendr e le trava il des Français.

Ou bien alors, on les acc use d'ê tre sales et de vivr e entr e eux comme des ani maux.

Alibis qu'il est facile de dém onter : la France a besoin de l'immigra­ tion pour que les tâches que les Franç ais ne veulent plus faire - les tâches manuelles les plus pénible s et les moins rému nérées - soient tout de même accomplies.

Sans doute est-ce anormal -mais ce n'est man ifestement pas à cause de l'immigr ation qu'il y a du sous ­ emploi en France, bien au contrair e.

Si, d'autre part, les immi grés vivent « entr e eux », c'est que les Franç ais ne font rien pour les accueil­ lir, et finalemen t les forcent à se replier dans des sortes de ghe ttos (les bidon villes).

Même les travailleur s français -du moins ceux qui se laissent influencer par une prop agande habile mais menson­ gèr e - sont hostiles à l'émancip ation syndic ale et poli tique des immi­ gr és.

Enfin, les Français condamnent les immi grés à une misèr e si scandaleuse qu'eux-mêmes éprouvent le besoin de s'en disculp er, en affirmant l'inhum anité de ceux qui en sont les victime s : méca ­ nisme de projec tion assez classique sur lequel nous aurons l' occa­ sion de revenir plus longuement.

Ainsi le racisme n'est -il pas mort - mais peut-être est-il mieux caché qu'autr efo is.

On n'ose plus se dire rac iste, mais on persiste à l' être , d'une façon sour de et d'autant plus danger euse qu'elle demeur e in cons ciente.

Ce racisme caché derrière l'an tirac isme officiel, il peu t être repéré à tous les ni veaux de l'idéologie.

Dans le dis cours populair e, où subsistent des expre ssions stéréotypées telles que « voleur comme un Juif » ou « cruel comme un Jaune ».

Dans le discour s « scient ifique » ou « sérieux », par exemple dans les défi­ nit ions de certains dict ionn aires rééd ités sans discernemen t, qui font de l'homme de race blanche le modèle idéal pour to ute l'hum a­ ni té.

Dans la publ icité, où les Noirs sont prése ntés comme de bons sauvages parlant mal le français (« Y'a bon Banania » ...

).

Dans la bande dessinée, où les « méchan ts » sont souvent représent és par des hommes de cou leur s - l'Arabe jouant ici également un rôle de choix, comme d'ailleurs dans de nom breux romans d'espion nage.

Dans le weste rn clas sique américain, où l'Indien devait toujour s être va incu par le« bon » blanc -et tué, s'il résistait à la pe rcée vigoureuse de la « civi lisati on » ...

Bref, on n'en finir ait pas d'énu mérer les exemples de ce racisme confus dans lequel nous baignons -et que, pour cette ra ison, nous avo ns tendance à sous -estimer .

C' est pourquoi revenir, une nouvelle fo is, sur la que stion des races, pour rappeler la façon dont les sciences aujour d'hui la posent, ne saur ait être inutile.

Quant à demander depuis quand, pourquoi et commen t les homm es sont dev enus racistes, c'est une question indispensable, si l'on ne veut pas som­ brer dans la résig nati on de ceux qui croien t que « le raci sme est aussi vieux que le monde » et qui ne tentent même pas d'en limiter les dégâts.

Léon Poliak ov, Le racisme.

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