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Les Animaux malades de la peste - Jean de la Fontaine (commentaire)

Publié le 30/05/2012

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Les Animaux malades de la peste - Jean de la Fontaine Situation de la Fable : C'est par Les Animaux malades de la peste que La Fontaine ouvre son second recueil de fables, publié en 1679, onze ans après le premier recueil. La Fontaine nous avait prévenus dans son Avertissement au lecteur : « J'ai jugé à propos de donner à la plupart de celles-ci [ses fables] un air et un tour un peu différent de celui que j'ai donné aux premières, tant à cause de la différence des sujets, que pour remplir de plus de variété mon ouvrage. « Certes, La Fontaine élargit en effet, avec les Animaux, ses sources d'inspiration (une fable de Guéroult (1550), une autre, orientale, tirée du Livre des lumières1 de l'Indien Pilpay, ont pu l'inspirer), mais cette première fable du second recueil frappe surtout le lecteur par son ampleur et son ton : le thème n'en est pas enfantin, le dénouement en est tragique. Nous sommes ici au théâtre, théâtre cruel et violent « dont la scène est l'univers «.
 
I.            Des personnages types
On retrouve dans Les Animaux malades de la peste ceux qui peuplent les fables inspirées du Roman de Renart.
a.           Le lion
Le lion, tout d'abord, incarne, comme le veut la tradition, le Roi des animaux, roi féodal, noble et bon, ayant devoir de protéger ses vassaux. C'est bien la conception qu'il se fait de son rôle quand, face à l'épidémie de la peste, il décide de tenir conseil et considère ses sujets comme ses amis (v. 15). En fait, il ne les consulte pas, mais, fort de ses capacités à interpréter les signes du Ciel, il décrète, avec un ton empreint de fausse modestie tout en étant sans réplique. Ses propos sont en effet ambivalents : le ton donné par le rythme des trois premiers octosyllabes de son discours (v. 16 à 18),

fontaine

« e.

La communauté des animauxSi les interventions du lion, du renard et de l'âne sont au discours direct, celle du loup est d'abord au discours indirect (v.56,57).

C'est qu'il n'est plus temps pour La Fontaine de donner la parole au loup, alors qu'il veut traduire la manière expéditivedont l'âne est jugé.

Le passage au discours indirect libre au vers 58, repris aux vers 60, 61 et 62 rend étonnamment vivante lacurée, permettant à La Fontaine d'élargir à l'ensemble des animaux les propos tenus d'abord par le loup.

Les autres animaux,en effet, pour ne pas être typés individuellement, incarnent une majorité, prompte à suivre celui qui parle haut et fort.

Ilssont d'abord qualifiés de « flatteurs », au vers 43, puis désignés par le pronom indéfini « on » aux vers 44, 55 et 62.

Chaqueanimal se donne en fait bonne conscience, craignant d'accuser de peur de l'être ensuite.Ainsi La Fontaine reprend-il des personnages types de la tradition littéraire en la personne du lion, du renard et du loup, maisen donnant au premier la conduite d'un tartufe, au second celle d'un casuiste, au troisième celle d'un sophiste « quelque peuclerc » (v.

56), il les inscrit aussi dans une typologie reconnaissable par le lecteur de son époque.

II.

La progression de l' actionComme au théâtre, chacun des personnages est donc bien typé, mais la fable est aussi théâtrale par la rigueur avec laquelle LaFontaine conduit l'action.

a.

Le prologueIl décrit tout d'abord en un prologue de quatorze vers les ravages causés par la peste.

Les deux premiers octosyllabes fontrouler, tel un coup de tonnerre, le mot « mal » prolongé dans les deux relatives d'un fracas d'allitérations en [r] querenforcent, à la rime, les termes de « terreur » et de « fureur ».

Ainsi mis en apposition à deux reprises, le mot « mal »annonce celui de « peste » , sur lequel porte l'accent tonique (v.4).

Le rejet du verbe principal traduit l'aspect dévastateur del'épidémie :le lecteur a du mal à reprendre son souffle et le dernier octosyllabe, au vers 6, referme la phrase magistralement ; le complément d'objet direct « la guerre » étant placé après le complément d'objet second (C.O.S.) :« faisait aux animaux la guerre » COS CODAprès cette ouverture, La Fontaine décrit les effets de la peste.

Tout est ici sous le signe de la négation, de la privation.L'alexandrin, au vers 7, exprime en un très beau chiasme l'universalité du malheur et tous les verbes qui suivent sontemployés à la forme négative, si ce n'est le verbe fuir.

Privation de l'appétit, du désir aussi puisque même les tourterelles sefuient.

La régularité des octosyllabes (v.

10, 11, l2), le sentiment de durée exprimé par l'imparfait, font au lecteur la peintured'un monde vide et désolé.

b.

Les interventions des animaux Le premier hémistiche du vers 15 introduit brièvement le discours du lion.

C'est le premier acte du drame.

Nous nereviendrons pas sur le discours du roi, à la fois juge et partie d'un procès truqué, puisque les animaux sont inégaux.

Sonintervention tient en dix-neuf vers.

C'est la plus longue.

Celle du renard tiendra en neuf.

Il est à relever que ce dernier sefaisant l'avocat du roi n'avoue aucun de ses propres crimes et use d'arguments spécieux : être « croqué » (v.

38) par le roidevient un honneur, manger un berger n'est pas un crime, le berger « Étant de ces gens-là qui sur les animaux Se font unchimérique empire » (v.

41-42).La dilution du sentiment de responsabilité est le fait de tous les animaux.

Au vers 43, La Fontaine revient au discours indirect,énumérant les « puissances » (v.

45), « tous les gens querelleurs » (v.

47) dont le procès est vite expédié.

La fable exige ceraccourci de l'action car La Fontaine choisit d'opposer des animaux types.

c.

La confession de l' âneC'est pourquoi l'intervention de l'âne (du vers 49 au vers 54), introduite aussi simplement que celle du lion par le verbe dire,marque un retour au discours direct.

C'est le second acte de la fable.La confession de l'âne s'oppose en effet à celle du lion : l'âne n'a pas porté atteinte à la vie, il n'a brouté qu'un peu d'herbe («la largeur de sa langue » (v.

53)), c'est incidemment qu'il précise la nature du pré, « un pré de moines » (v.

50), sans penserque les « puissances » trouveront ici la cause de la colère divine.

d.

Le jugement iniqueLe vers 55 : « A ces mots on cria haro sur le baudet » marque un tournant dans le drame : le coupable est désigné.

Le vers citétraduit, par le célèbre hiatus « cria haro » et la répétition de mêmes voyelles, « haro » reprenant les voyelles « a » et « o » de« à ces mots », la violence du déchaînement de la foule.Dès lors, l'action se précipite : La Fontaine ne revient pas au discours direct.

Le loup conclut le simulacre de procès.

Il estrévélateur que sa colère s'exprime par la désignation des « défauts » physiques de l'âne dont le poil est ras, défauts toutautant importants que le crime.

Les vers 67 et 62, de manière elliptique, font entrevoir le dénouement tragique :« Rien que la mort n'était capableD'expier son forfait : on le lui fit bien voir » (v.

61-62), dénouement que nous pourrions comparer, au risque d'unanachronisme, à un lynchage.

C'est le dernier acte de la fable que l'évocation « en creux » rend d'autant plus violent.. »

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