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Les contes de fées: utilité ou gratuité ?

Publié le 02/09/2012

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Il est question ici de permettre aux enfants d’acquérir un patrimoine culturel commun, mais aussi pour les enseignants d’utiliser le conte comme outil pédagogique pour l’acquisition du langage oral, du langage écrit et également pour favoriser l’accès à l’imaginaire. Le conte peut être également un support littéraire privilégié pour travailler avec les enfants en grande difficulté scolaire. Serge Boimare a beaucoup écrit à ce sujet et dans son ouvrage L’enfant et la peur d’apprendre il nous explique que le gage essentiel de réussite en matière de réduction de l'échec scolaire repose sur la médiation culturelle. Il croit beaucoup à l'apport de la médiation et en particulier à l’apport de la littérature. Le principe repose sur le « nourrissage culturel « qui passe par la lecture de mythes et de contes. Ce « nourrissage « traite de préoccupations capitales pour ces enfants, donne une forme, une image à leur pensée. Ils peuvent alors s’appuyer sur leur monde interne pour commencer à penser. On trouve alors le moyen de les intéresser en répondant à leur curiosité primaire. C’est sur cet entraînement aux fonctionnements intellectuels, à travers l'utilisation de la parole, que repose la possibilité de relancer la machine à penser des enfants présentant des troubles des apprentissages. Selon lui, grâce à la culture, « il faut les aider à mettre de l'universel et du général dans ce qui est trop individuel ou catégoriel. « Deux expériences ont été menées récemment dans un établissement accueillant des enfants présentant des troubles du langage écrit, âgés de 11 à 14 ans. Pour un groupe il s’agissait de découvrir un certain nombre de contes classiques et modernes, d’abord pour trouver ou retrouver le goût et le plaisir d’entendre des histoires pour ensuite leur permettre de se lancer eux-mêmes dans l’écriture d’un conte.

« généralement que la littérature d’enfance et de jeunesse débute avec la publication des Histoires ou contes du temps passé avec moralités de Charles Perrault en 1697».

Pourtant Charles Perrault s’inscrit très clairement dans la querelle entre les Anciens et les Modernes, nous pouvons alors peut-être considérer que son objectifd’écriture est avant tout politique.

En effet, nous pouvons lire dans la Présentation par Annie Collognat et Marie-Charlotte Delmas in Les contes de Perrault dans tousleurs états, qu’ « On croit connaître Perrault, en effet.

On l’imagine réservé aux enfants.

Cependant si on prend la peine de lire ses contes, tels qu’il les a écrits, ondécouvre un univers où l’humour l’emporte souvent sur le merveilleux.

Où les fées ne font que de très brèves apparitions.

Où la morale n’est pas très morale.

» Quantà Perrault, il s’en défendra comme nous pouvons le découvrir dans ses préfaces (toujours dans le même ouvrage) en écrivant « Ils (les gens de bon goût) ont été bienaises de remarquer que ces bagatelles n’étaient pas de pures bagatelles, qu’elles renfermaient une morale utile, et que le récit enjoué dont elles étaient enveloppéesn’avaient été choisi que pour les faire entrer (les enfants) plus agréablement dans l’esprit et d’une manière qui instruisît et divertît tout ensemble.

» Ces récits serviraient donc à instruire la jeunesse tout en veillant à préserver le bon goût et la bienséance.

Ils s’achèvent en effet le plus souvent par sur une morale,comme dans les fables.

Si nous nous reportons aux propos de Denise Escarpit, il s’agirait là plutôt d’une manipulation de trois ordres : « manipulation qui sert unepolitique culturelle personnelle, manipulation d’ordre sociale qui présente une certaine image de la société, manipulation moralisatrice qui obéit au code de la moralebourgeoise du XVIIe vieillissant.

» Selon elle « C’est cette possibilité de multiples manipulations qui font la force du conte » puisque les auteurs répondent ainsi aux« impératifs 4 sociaux et culturels du moment.

» Ce constat est rejoint par Jack Zippes qui dans son ouvrage Les contes de fées ou l’art de la subversion présente le conte lettrécomme un « discours littéraire, nourri des mœurs pratiques et valeurs de cette époque, en vue d’obtenir que les enfants entrent plus facilement dans la civilisationrégie par les codes sociaux en vigueur.

Par contre, il nuance la notion de manipulation et parle davantage de « discours institutionnalisé » proposé au public enfantin. La question de « l’utilité » du conte peut alors être posée.

Le conte est utile, assurément, mais qui sert-il ? Nous ne pouvons avoir aucun doute sur le fait qu’il ait serviles auteurs des XVIIe et XVIIe siècles, comme nous l’explique Jean-Paul Sermain « les conteurs et conteuses ont contribué à l’essor des Modernes à une époque quiva de la révocation de l’Edit de Nantes (1685) à, la mort de Louis XIV (1715) ».

Considéré utile également aux enfants de cette même époque comme nous avons pule voir dans le Prospectus du Cabinet des fées ou dans les préfaces de Charles Perrault, puisque selon les auteurs il était nécessaire d’instruire les enfants considérésen ce temps-là comme des êtres ignorants à modeler.

Il nous semble que la notion de plaisir et de divertissement n’est pas à négliger non plus.

Que le conte soitdestiné à un public adulte ou à des enfants, la dimension de plaisir est extrêmement importante, car elle contribue à l’épanouissement personnel de chacun et en cela,nous pouvons encore confirmer l’utilité de ce genre littéraire.

Il faudra attendre le XXe siècle pour qu’un nouveau regard se pose sur l’impact possible de cettelittérature.

Le genre intéresse différents champs de recherche comme la psychanalyse ou la pédagogie et ces recherches ont permis de mettre en évidence la trèsgrande portée et l’utilité que peut avoir le conte sur et pour la jeunesse.

Si nous nous intéressons à l’approche psychanalytique du conte, Maria Tatar dans son articleDes monstres et des magies, nous explique que « depuis quelques dizaines d’années, les pédopsychiatres voient dans les contes de fées un formidable moyenthérapeutique susceptible d’aider enfants et adultes à résoudre leurs difficultés en réfléchissant sur les conflits incarnés dans ces histoires.

» Bruno Bettelheim estcertainement l’auteur le plus connu ayant écrit sur le sujet (même s’il s’est concentré sur des recherches portant sur un public d’enfants).

Dans son ouvragePsychanalyse des contes de fées, il explique que ces récits exercent une fonction thérapeutique sur l'enfant, qu’ils répondent de façon précise à ses angoisses.

Ainsi,le Roi et la Reine seraient une image inconsciente des bons parents et la marâtre, l’ogre ou la sorcière, une image des parents méchants et frustrants.

Il insisteégalement sur l’impact que peut avoir sur le jeune enfant la découverte de contes lus par 5 l’adulte, dans son désir d’acquérir les techniques de lecture puisque ces récits ajoutent quelque chose d’important à la vie de l’enfant : « rien ne peut être plusenrichissant et plus satisfaisant dans toute la littérature enfantine que les contes de fées puisés dans le folklore.» Un impact donc sur l’entrée de l’enfant dans lesapprentissages scolaires mais un impact également au niveau de la construction de soi et de la découverte du monde dans lequel il vit car « l’enfant, parce que la vielui semble souvent déroutante, a le plus grand besoin qu’on lui donne une chance de se comprendre mieux au sein du monde complexe qui l’entoure.» L'enfanttraverse des épreuves : déceptions, rivalités fraternelles, confrontation au monde extérieur, prise de responsabilités…Face à ces épreuves l’enfant peut se sentir seulet angoissé.

Certains pensent qu’il vaut mieux éviter d’offrir aux enfants des récits jugés (par l’adulte lui-même) trop durs, trop violents, voire cruels afin de lesprotéger, de les préserver et en leur proposant de préférence une image du monde idéale.

Cela n’apaise pas les enfants car ils se rendent bien compte qu’autour d’euxtout ne se passe pas de cette manière et que la vie ne réserve pas que de bonnes surprises.

Offrir la lecture de contes aux enfants, même très jeunes, permet d’apaiserleurs angoisses et les encouragent à s’engager dans la vie, car ils leur offrent la possibilité de comprendre « qu’il existe des solutions momentanées ou permanentesaux difficultés psychologiques les plus pressantes.

» Les enfants se fient aux contes de fées car ils s'adressent à eux sous une forme magique.

Jusqu’à la puberté,l’enfant reste en grande partie animiste (Piaget) dans son monde à lui, où la frontière entre vivant et inanimé, hommes et animaux, imaginaire et réalité est encorefloue.

Ainsi, dans l’univers des contes, en étant transporté dans un autre temps et dans un autre espace, décalé de son quotidien, l’enfant est rassuré car selon BrunoBettelheim « le conte de fées rassure, donne de l’espoir pour l’avenir et contient la promesse d’une fin heureuse.

» La force des contes est alors de proposer auxenfants une multitude de personnages auxquels il est possible de s’identifier, personnages qui personnifient également leurs désirs car « ce n’est pas le triomphe finalde la vertu qui assure la moralité du conte mais le fait que l’enfant, séduit par le héros, s’identifie avec lui à travers toutes ses épreuves (…) Les luttes intérieures etextérieures du héros impriment en lui le sens moral.

» Selon Bettelheim, les impacts du conte se font à un niveau inconscient et il insiste fortement sur le fait qu’il nefaut pas expliquer le récit aux enfants, ni pourquoi il leur plaît, moins encore à quel besoin ou questionnement il répond et il explique au lecteur que « Les contes defées enrichissent la vie de l’enfant et lui donnent une qualité d’enchantement uniquement parce qu’il ne sait pas très bien comment les contes ont pu exercer sur luileur charme.

» Il est rejoint sur ce point par François Flahaut qui dans son ouvrage La pensée des contes écrit que « Le conte, encore une fois, n’agit pas sur nouscomme une parabole débouchant sur une leçon.

En fait, comme tous les récits de fiction, il 6 exerce une action ambiguë : il apporte une expression aux désirs excessifs ou destructeurs qui nous habitent, et en même temps nous invite à nous contenter d’unsemblant de cette démesure […].

» Ces auteurs nous démontrent ici très clairement l’utilité, la fonction thérapeutique des contes.

Si nous regardons du côté de lapédagogie, nous nous rendons compte que depuis fort longtemps le conte est considéré comme instructif, ayant des vertus éducatives.

Aujourd’hui, les instructionsofficielles de l’Education Nationale préconisent la découverte des contes à tous les niveaux du parcours élémentaire et les contes dits « classiques » (conte de CharlesPerrault, Andersen, les frères Grimm, Madame d’Aulnoy, Madame Leprince de Beaumont) apparaissent dans les listes officielles conseillées en littérature.

Il estquestion ici de permettre aux enfants d’acquérir un patrimoine culturel commun, mais aussi pour les enseignants d’utiliser le conte comme outil pédagogique pourl’acquisition du langage oral, du langage écrit et également pour favoriser l’accès à l’imaginaire.

Le conte peut être également un support littéraire privilégié pourtravailler avec les enfants en grande difficulté scolaire.

Serge Boimare a beaucoup écrit à ce sujet et dans son ouvrage L’enfant et la peur d’apprendre il nousexplique que le gage essentiel de réussite en matière de réduction de l'échec scolaire repose sur la médiation culturelle.

Il croit beaucoup à l'apport de la médiation eten particulier à l’apport de la littérature.

Le principe repose sur le « nourrissage culturel » qui passe par la lecture de mythes et de contes.

Ce « nourrissage » traite depréoccupations capitales pour ces enfants, donne une forme, une image à leur pensée.

Ils peuvent alors s’appuyer sur leur monde interne pour commencer à penser.On trouve alors le moyen de les intéresser en répondant à leur curiosité primaire.

C’est sur cet entraînement aux fonctionnements intellectuels, à travers l'utilisation dela parole, que repose la possibilité de relancer la machine à penser des enfants présentant des troubles des apprentissages.

Selon lui, grâce à la culture, « il faut lesaider à mettre de l'universel et du général dans ce qui est trop individuel ou catégoriel.

» Deux expériences ont été menées récemment dans un établissementaccueillant des enfants présentant des troubles du langage écrit, âgés de 11 à 14 ans.

Pour un groupe il s’agissait de découvrir un certain nombre de contes classiqueset modernes, d’abord pour trouver ou retrouver le goût et le plaisir d’entendre des histoires pour ensuite leur permettre de se lancer eux-mêmes dans l’écriture d’unconte.

Un deuxième groupe d’enfants, de la même tranche d’âge a également découvert différents contes pour ensuite se focaliser sur le conte Les habits neufs del’Empereur d’Andersen afin de travailler à sa mise en scène avec l’aide d’un metteur en scène professionnel.

Pour chacun des groupes nous avons pu constater queles élèves prenaient beaucoup de plaisir à 7 découvrir les contes et que la plupart ne les connaissaient pas, ou uniquement sous forme de dessins animés.

Nous avons vu naître au fil des semaines une curiositépour ce genre littéraire et une envie de lire et d’écrire.

Les élèves ont globalement tous gagné en confiance dans leur vie d’ « apprentilecteurs » et la théâtralisation duconte a véritablement permis à certains de grandir et d’affronter leur peur du langage (écrit ou oral) et la peur du regard des autres.. »

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