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LES DERNIÈRES ANNÉES ET LES DERNIÈRES OEUVRES DE LAMARTINE

Publié le 30/06/2011

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lamartine

Comme la vieillesse de Chateaubriand commence au mois d'août 1830, lorsqu'il se dépouille de la pairie, de même celle de Lamartine s'ouvre en décembre 1851, lorsque le coup d'Etat survient et le rejette définitivement aux seuls drames de sa vie privée. On peut même dire que pour Lamartine la vieillesse avait commencé dès sa chute du pouvoir, en juin 1848. Ceux qui venaient le voir en juillet, dans sa villa de Madrid, au bois de Boulogne, le trouvaient terriblement changé, d'une maigreur extrême, avec les cheveux, en quelques semaines, devenus gris. Ces « dernières années « de Lamartine dont on parle à la hâte dans les biographies du poète, elles occupent cependant près du quart de sa vie. Ce grand destin, à l'envisager d'un regard, se découpe de lui-même, se répartit, s'ordonne en trois moments bien distincts : trente ans pour l'enfance et la jeunesse, 1790-1820 ; vingt-neuf ans de vie publique et de gloire, 1820-1849 ; vingt années de solitude, enfin, un interminable crépuscule, 1849-1869.

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« C'avait été d'abord, en 1849, l'édition, chez Didot, des Œuvres choisies, admirablement imprimée et enrichie d'inédits: pièces de vers postérieurs aux Recueillements, commentaires aux Méditations et aux Harmonies, nouvellespréfaces ; l'édition avait été lancée à grand bruit, par souscription ; elle rapporta peu.

Le Conseiller du Peuple,mensuel, bientôt grossi des Foyers du Peuple, se vendait bien ; Le Pays assurait aussi une rente à Lamartine.

Toutcela fut jeté à terre par le coup d'Etat.

Cédant à une requête (en date du 24 avril 1849), le Sultan avait concédé àLamartine un vaste domaine tout près de Smyrne, à Burgas-Owa.

En juillet 1850, Lamartine était allé visiter ce qu'ilnommait magnifiquement sa « principauté ».

Il en était revenu persuadé qu'il tirerait de là d'immenses ressources ; ilfallait seulement trouver des capitaux pour la mise en valeur et l'exploitation du terrain.

Lamartine se rendit àLondres, à l'automne, pour chercher de l'argent.

La Porte s'inquiéta et fit savoir que cette donation était toutepersonnelle et ne conférait point au poète le droit d'introduire des capitalistes étrangers sur un territoire quidemeurait propriété politique de la Turquie.

Ce beau dessein s'écroulait donc, lui aussi.

Lamartine renonça à Burgas-Owa ; en échange le Sultan acceptait de lui verser 100.000 piastres annuellement — soit environ 20.000 francs(Cette rente lui fut effectivement payée jusqu'à sa mort, quoique à des échéances assez irrégulières, les dernièresannées.)En 1852, Lamartine remplace le Conseiller du Peuple par le Civilisateur, série de biographies édifiantes qui nerencontre auprès du public qu'un assez médiocre succès.

En 1853 se constitue, par actions, une SociétéPropriétaire de ses œuvres, qui doit lui fournir un revenu sérieux ; sa dette, cependant, ne cesse de s'accroître.

Le9 octobre 1854, Marianne écrit à un ami (le général Collier) : « Mon mari ne se soutient que par un travailsurhumain, mais c'est toujours à recommencer, car les intérêts se payent par ce qui devrait payer les capitaux ».Depuis 1853, on a quitté, pour toujours, le bel appartement de la rue' de l'Université où Lamartine était entré vingtans plus tôt, en décembre 1833.

« J'ai pris un misérable repaire, écrit Lamartine à Boussin (23.3.53).

Je voudraisloger bien plus bas, à dix pieds sous terre...

».

On a vendu des chevaux, des meubles ; bientôt ce sera le tour dubuste sculpté jadis par David d'Angers, puis du beau manuscrit de Jocelyn que le poète avait offert à sa femme, le1er janvier 1836.

« Alphonse a vendu, en fait de curiosités et antiquités, tout ce que nous possédions.

Cela produitpeu et prive beaucoup.

Mais que faire ! »(Mme de Lamartine à Chamborant, décembre 1852).

Il poursuit son «travail d'araignée qui refait sa toile autant de fois qu'on la lui brise » (9.11.53) ; mais c'est un labeur écrasant, etqui use les nerfs.

En octobre 1855, Lamartine se laisse voir, devant Dargaud, « las de la lutte et de la vie ; espéreret désespérer est pire qu'un simple désespoir ; j'en suis là» (19.10.55).

L'adversité pourtant n'est pas encore prèsde contraindre à demander grâce le vieil athlète ravagé, mais debout.

Le 15 janvier 1856, il écrit à Charles Rolland :« Trois catastrophes de fortune viennent de me frapper en trois semaines.

Je secoue l'oreille et je vais lutter,comme Hercule, malgré les dieux et contre les dieux.

» En mars, il lance son Cours familier de Littérature : « Il fautque cela vive ou que je meure ! » Cela vit ; les abonnés se font nombreux.

Serait-ce le salut ? Lamartine est pleinde fièvre et d'espoir ; mais il voit trop grand ; il envoie aux Etats-Unis un agent trop zélé, Desplace, dont le voyagelui coûte 30.000 francs et qui rapporte vingt abonnements...

Après la confiance joyeuse, l'enivrement presque, duprintemps, le voici, dès novembre, retombé à ses tourments : « La fatigue du travail sans fruit et le dégoût de la vieme saisissent.

Certes, le néant tant calomnié est une belle chose quand on a connu l'être î II faut cependantvégéter encore et travailler toujours » (à Vaugelas).Dix-huit mois plus tard, il est au bord de la faillite.

Alors il se résigne à ce parti que des amis aveugles luiconseillaient depuis des années : il va s'adresser à la France, laisser s'ouvrir une souscription nationale.

Il sait ceque le pays luidoit, les possédants surtout.

Il consentira à leur demander l'aumône ; il n'est pas seul en cause, du reste ; s'ilsombre, périront avec lui tous ces petits prêteurs, ces paysans, ces vignerons qui lui ont fait confiance et qui nesavent pas, parce qu'ils le voient dans ses châteaux, à quel point il est près de sa perte.

La souscription nationalefut un échec abominable.

Des bordées de sifflets l'accueillirent.

Au printemps de 1859 Lamartine, ulcéré, dissout leComité : « Cette souscription, dit-il dans sa lettre, sera nommée la souscription de l'injure...

».

A peu près seuls ontdonné leur obole de petites gens inconnus.

« La France est atroce », écrit Lamartine, celle des « riches, nobles oubourgeois » ; « vous ne savez pas combien je suis malheureux » (à Miss Blake, 28.7.58 ; à Dargaud, 10.10.58).Déjà, l'année précédente, le 24 juin 1857, il disait à Charles Rolland : « Quelle coupe de lie à boire ! Mais j'en ai tantbu ! » A la fin de cette affreuse année 1858, il a jeté, dans une lettre à Philoxène Boyer, ces mots qui ouvrent unefaille ardente sur les profondeurs de son âme : « Comme un volcan qui n'a point de bouche, je dévore ma propreécume et je me brûle à mon propre feu.

»En 1858 et 1859, Lamartine est cependant parvenu à payer un million et demi, «sur ma seule sueur, dit-il ; mais jesuis à bout de forces » (à Joanne, 15.9.59).

Que la France l'ait « renié » comme elle l'a fait, c'est cela qui lui est leplus dur ; « l'échafaud politique m'aurait paru bien plus doux que le long supplice auquel on me fait succomber » ; iln'en peut plus ; il n'a plus la force d'endurer « cette maladie incurable et mortelle du chagrin trop prolongé ».Valette (un professeur de philosophie) voudrait causer avec lui, à propos de tel de ses Entretiens ; mais Lamartineest accablé d'une lassitude sans nom : « Mes idées, lui dit-il, ne valent pas la peine d'être discutées ; cela n'est bonque quand on a du temps à remplir ; le mien est plein d'angoisse.

Je songe à payer et à mourir » (19.11.59).

Maistelle est l'énergie de cet homme — qui entre, en octobre 1859, dans sa soixante-dixième année —, telle estl'extraordinaire puissance de redressement, de rebondissement, au fond de ce cœur réputé débile, telle est latrempe de cette volonté héroïque, que Lamartine se relève encore et reprend, d'une secousse, sa triste tâcheexténuante.

« Le courage est au fond des choses désespérées », avait-il écrit, naguère, à Henry de Lacretelle(7.12.49).Il imagine, cette fois, de publier lui-même, en se faisant son propre éditeur, toutes ses œuvres, déjà connues ouencore inédites ; quarante volumes qui seront le monument de sa vie, car il y joindra des Mémoires politiques à larédaction desquels il va se mettre, sur-le-champ.

Il prépare des prospectus, les fait répandre partout, n'écrit pasune lettre sans y joindre quelques-uns de ces feuillets publicitaires.

De nouveau l'espoir revient en lui ; mais il reçoitplus de promesses que d'argent frais.

Sa nièce Alix de Montfort, dont le mari est son créancier, doit lui rappeler, enavril 1860, une échéance ; il ne peut y faire face : « Je suis en retard de 400.000 francs, depuis trois mois...

Je. »

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