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« Les grands mythes sont là, croyons-nous, pour aider [l'homme] à dire non à une organisation étouffante. »

Publié le 20/02/2011

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mythes

Osera-t-on considérer les héros mythiques représentant la révolte humaine comme cathartiques donc ouvrant les voies de l'intégration sociale ? C'est le contraire. Voir toujours en eux des symboles d'adaptation est une simplification des scientifiques et analystes. Or le domaine moral ou spirituel ne se cloisonne pas aisément. L'homme résiste. Les héros qu'il imagine deviennent modèles d'insoumission à la loi établie. Disposant de mille possibilités coercitives, la société risque le totalitarisme, donc l'étouffement des créativités indépendantes, sans même compensation d'un rendement intéressant ; car la passivité est l'arme de l'esclave, de tout homme que l'on aliène. Chaque mythe représente à sa façon, une résistance à la domination.

mythes

« tous les ressorts de l'homme favorisent son intégration au corps social », par le poids d'exemple, de vertu, demodèle que les héros portent en eux.

C'est le sens commun de l'adj.

« héroïque ». II.

Les héros de la Révolte. • Cependant cette grandeur même les isole.

Cf.

Moïse (A.

de Vigny) :« Hélas ! je suis, Seigneur, puissant et solitaire,Laissez-moi m'endormir du sommeil de la terre »,et les mettant hors du commun les place aussi hors d'une morale courante et quotidienne.Cf.

Félix dans le Polyeucte de Corneille qui oppose toujours une humanité moyenne au monde des héros.• Le héros de ce fait se trouve posséder « cette sorte d'amoralité fabuleuse qui appartient à la foudre qui frappecomme aux bouillonnements d'un mascaret déchaîné » (A.

Artaud).• D'autre part, le héros pousse jusqu'au bout ses actes, alors que dans la vie courante l'homme ordinaire l'oserarement.Tel est le Renart du Roman du Renart, à l'intense vitalité, et que le vieux texte médiéval présente avec l'utilisationde l'acte répétitif (il trompe et vole tout le monde), si bien que certaine signification du personnage devient trait decaractère toujours conduit jusqu'au bout de sa tendance : la ruse et la fourberie.

C'est d'ailleurs pourquoi le nomcommun : goupil (Renart est son prénom) a disparu au profit d'un prénom devenu symbole si parfait qu'il est passéau stade représentatif de toute l'espèce et s'est fixé en « renard », nom qui désigne depuis l'animal.• Voici donc deux raisons qui permettent de voir en bien des héros, pour certains l'orgueil, pour d'autres la grandeurde l'homme, mais toujours l'aspect de celui qui sait dire non et ceci jusqu'au bout.• Exemple : Don Juan.

Le Don Giovanni de Mozart, qui reprend la conception de Molière d'un Don Juan libre penseur,insiste plus encore que chez le grand classique, sur ce non prononcé jusqu'à la mort et l'éternité infernale.

Saisi parla statue, sommé de se repentir, Don Giovanni crie « non » sans faillir en s'effondrant en Enfer.• Le héros est donc un être « conflictuel », son « âme incandescente ne peut que s'opposer à l'être mesquin » (P.Sellier).• « Comme le prophète, [il] tend à être asocial, à échapper aux lois » (idem).• Ainsi peut-il être conçu comme symbole de révolte en général, car toute une part de l'homme est fascinée par lesatanisme, conception humaine d'un mal qui serait Dieu-Homme, coupable de fautes, « déchu par son orgueil », dece fait pour certains grandiose, admirable presque.

Sens que l'on trouve dans le prénom Lucifer.

En latin, lux =lumière, cet ange révolté qui expie son crime en Enfer (cf.

A.

de Vigny : Eloa).• C'est cet aspect de Don Juan qui séduit les romantiques et Baudelaire ; il représente l'insurrection, le blasphème,manifestation du mal, de l'esprit satanique, mais par là le révolté, l'homme fort, le héros dressé contre les lois de lasociété, qui même dans la barque de Charon (Baudelaire : Don Juan aux Enfers, Poème XV des Fleurs du mal), mêmevaincu, garde sa hauteur et son dédain.• Car la première révolte dont ces héros seraient les symboles est la révolte contre le Destin, contre ce qui limitel'homme, contraint ses désirs, borne ses tentations qu'il veut pouvoir suivre et exécuter, son instinct d'accomplir ceque la morale appelle le Mal et ceci en toute impunité, son ambition d'égaler le pouvoir des dieux.• Non seulement Don Juan en est représentatif mais aussi Faust — pacte avec Méphisto — deux mythes surgis duchristianisme : si Faust accepte le pacte avec le Diable, c'est d'abord pour obtenir une possibilité qui n'est pashumaine, celle de rajeunir, donc de revenir en arrière, de vaincre l'irréversibilité temporelle, marque caractéristiquede la condition humaine.• Cette révolte métaphysique apparaît déjà dans le mythe de Caïn qui tue son frère presque par défît contre Dieu.• Mais n'est-ce pas aussi « l'humanité prenant en main ses destinées » (Albouy) ? Car le héros révolté ne secontente pas de se dresser en disant « non », il veut assumer cette attitude, espérant ainsi ouvrir aux hommes desvoies de liberté.• Tels sont Antigone et Don Quichotte.• Ils ne disent pas seulement « non » au destin, ou aux dieux, ou plus encore dans leur cas à la société qui n'a pascompris les grands idéaux, ils disent « oui » à ces idéaux — pour bâtir mieux ?— Antigone, dans Sophocle, oppose aux décrets de la cité la loi non écrite = les décrets de la conscience, unesorte de noblesse humaine :«Je ne pense pas que tes décrets soient assez forts, — dit-elle à Créon, régenteur de l'ordre établi —, pour que toi,mortel, tu puisses passer outre aux lois non écrites et immuables aux dieux.

Elles n'existent ni d'aujourd'hui ni d'hiermais de toujours ; personne ne sait quand elles sont apparues ;— idem : Don Quichotte se battant utopiquement contre les moulins à vent, lutte pour un idéal de société bonne,compréhensive, juste, une sorte de monde nouveau (xvie siècle).• C'est alors que les héros mythiques représentent un courant dont les conséquences peuvent être doubles etopposées.• Car s'ils réclament autre chose que les oukases — des dieux ou des hommes — auxquels ils disent « non », ilspeuvent — avec l'espoir d'obtenir transformation, progrès—, permettre l'intégration à l'humanité ou au « corps social », soit en ayant débarrassé l'humanité de sessoubresauts (catharsis), soit en améliorant ce corps social par leur action (valeur exemplaire, progrès).• Ainsi Prométhée vole-t-il le Feu à Zeus ; c'est donc un révolté ; mais c'est pour le donner aux hommes, donc pourleur bien.

Héros libérateur, s'attaquant à l'injustice et l'arbitraire divins, voulant la reconnaissance des droitshumains.

(Cf.

Goethe, Shelley, puis A.

Gide et A.

Camus.)• Cependant une telle attitude pousse les héros à se dresser contre l'ordre établi et c'est là que M.

Tournier les voitcomme un « rappel au désordre », « fourni[ssant] des armes contre [...

les] « raisons d'État ».. »

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