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Les grands romans sont-ils la chronique des obscurs, des petits, des sans-grade ?

Publié le 22/02/2012

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• Le roman n'est pas le premier moyen d'expression littéraire, et ceci à peu près chez tous les peuples. • Ce sont d'abord la poésie et le théâtre. • On compte quelques grands romans, mais assez peu, dans les siècles passés, jusqu'au XIXe siècle, où le roman va devenir au contraire la forme littéraire privilégiée. • Citons chez les Romains Le Satiricon de PÉTRONE, chronique sur tout un ensemble de Latins moyens, des intellectuels désargentés, des affranchis parvenus richards, une humanité grouillante, celle des l er-II e siècles après Jésus-Christ, sur tout le pourtour méditerranéen. • Par contre les romans du XIIIe siècle français, Les Chevaliers de la table ronde ; ou La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette (XVIIe siècle), s'appuient plutôt sur les hautes classes, rois et seigneurs, domaine de choix des tragédies. • Il faut, à part quelques exemples de seconde zone, attendre le XIXe siècle qui va voir s'épanouir le roman. • BALZAC surtout est le grand maître du roman d'observation (bien qu'il soit aussi visionnaire passionné » BAUDELAIRE). • II part donc de celle de toutes sortes de types d'humanité. Il voulait d'ailleurs établir l'histoire naturelle de l'homme, avec familles et types, classification du même genre que celle de la zoologie. Il va aussi rapidement dominer sa création pour en faire une véritable somme romanesque à laquelle il donne le titre d'ensemble de La Comédie humaine. Il entreprend la description des diverses espèces sociales, les différenciant selon le milieu : Paris, province, campagne ; les professions ; l'évolution ; l'intensité passionnelle ou intellectuelle... Aussi va-t-il répartir ses romans en scènes de la vie privée, de la vie de province, de la vie parisienne, de la vie politique, de la vie militaire, de la vie de campagne.

« • Une solide base documentaire se devine sous ses portraits, par exemple d'un spéculateur, d'un étudiant enmédecine (Bianchon, dans Le Père Goriot), d'un journaliste ou d'un financier politicien (Les Illusions perdues).• Son observation, dit-il, doit être « scrupuleuse et attentive » pour aboutir à la peinture vraie de toute uneépoque.• Or une société est constituée d'une majorité d' « obscurs » et ce sont eux qui deviennent terrain de prédilectiond'un créateur qui désire explorer la vie et nous en faire un rapport complet et véridique. II.

Transfiguration nécessaire des personnages • Mais La Comédie humaine de BALZAC, ou Le Satiricon de PÉTRONE, ou La Chartreuse de Parme de STENDHAL ouLes Rougon Macquart de ZOLA sont-ils exactement la peinture d'une époque et de ses classes, spécialement lesplus humbles ? • C'est plus une fresque qu'une peinture que les grands réalistes et naturalistes vont réaliser.• Certes DAUDET crayonne des silhouettes le long de la Seine dans Jack ou les GONCOURT dessinent des études defaubourgs dans Germinie Lacerteux.• Mais les grands romanciers : BALZAC, FLAUBERT, ZOLA - malgré leurs minutieuses enquêtes — donnent l'illusion duvrai.

Leur réalité est la réalité romanesque.• Excellente illusion certes, mais elle comporte un écart avec celle de tout le monde.• Dans la création du personnage, l'intuition (BALZAC) ou la vision épique (ZOLA) apportent une dimension qui n'estplus celle d'un « obscur ».• Prenant un détail dans tel fait observé, un autre chez tel autre homme moyen, brassant toutes ces observationsbanales en une valeur symbolique, le créateur finit par projeter des scènes ou des types plus vrais que la réalité.• Sans doute le Père Goriot est-il un de ces bourgeois qui ont spéculé sur les blés comme l'explique la duchesse DELANGEAIS et en ont retiré leur fortune, sans doute aussi rencontre-t-on dans la vie bien des parvenus comme lui, etcomme lui des pères passionnés prêts à tout sacrifier pour leur famille...• ...

mais les scènes à faire où le romancier enferme l'essentiel d'une situation, le personnage dont les proportionsdeviennent celles d'un héros, ne sont plus de la réalité quotidienne et le• petit » d'après sa classe d'origine devient une « grande » créature romanesque.• La dramatique agonie de Goriot, l'apostrophe épique de Rastignac : ‘‹ À nous deux, Paris », ne permettent plus, àpropos de Goriot ou de Rastignac, de parler de sans-grade.

Quant à Jean Valjean malgré son humble origine, quelletaille romanesque est la sienne ! (Hugo : Les Misérables)• Ils deviennent au contraire des types, des êtres exemplaires auxquels on prend souvent l'habitude de faireréférence.• C'est notre planète banale qui va se comparer à ce que MAURIAC intitule « la planète Balzac ».• On dit « cet homme est un véritable personnage balzacien », ou « ce gamin est un vrai gavroche », Gavroche cemendiant, que HUGO lui-même qualifie de « petite grande âme• Alors, si le romancier est parti de ce qu'il voyait autour de lui, peignant donc plus de « petits » que de « grands »— ils sont plus nombreux : ainsi PÉTRONE dont l'époque est caractérisée par l'abondance des affranchis, dont il adégagé son personnage Trimalcion —, le pouvoir de son imagination, le brassage qu'il a opéré sur le réel permettentune synthèse de sa propre vie intérieure de créateur et de la vie qui l'entoure...

et le « petit » n'est jamaisuniquement « un petit »,• De là vient qu'un médiocre et obscur vermicelier devient symbole : « le christ de la paternité » dit BALZAC de sonpère Goriot.• Si le roman était « chronique » des petits, des obscurs, le romancier étant simple enregistreur de ce qu'il voit,simple « secrétaire de la société française », il serait une des formes de l'histoire, celle au jour le jour des êtresmoyens dont le grouillement constitue la foule humaine.• Mais précisément l'art du créateur stylise le réel pour en dégager les grands traits, réduit la complexité du sujetpar l'unité dramatique.• Des êtres exceptionnels se dressent alors, meneurs visibles ou occultes de la comédie humaine.

Il leur faut devenirsignificatifs ; ils en deviennent aussi « grands ».• Les GONCOURT « raconteurs du présent » suivent la méthode des historiens « raconteurs du passé » ; leursromans appuyés sur une documentation méthodique sont, eux, une chronique de leur temps.• Mais il leur manque la projection visionnaire.

Leurs basses classes sont comme des animaux en bocal.• CL.

Roy pourrait s'y référer.

Mais leur oeuvre se classe-t-elle dans la catégorie des « grands romans » ?• Vieillie, comportant excès ou systèmes, qui la lit encore, sinon les spécialistes ?• Pour terminer par un exemple net : César Birotteau est un plat petit boutiquier ; or BALZAC raconte lui-même qu'ildésespérait « de pouvoir jamais intéresser qui que ce soit à la figure d'un boutiquier dont les infortunes sontvulgaires ».• Il l'a donc transfiguré et en a fait l'image de la probité.

On est loin là d'un « obscur ».• Aucune figure romanesque valable ne demeure à ce niveau. Conclusion • Ainsi Tristan, Roméo, Othello qui étaient des princes sont rejoints par Birotteau, Vautrin, Jean Valjean.• Salammbô, prêtresse de Tanit n'est pas plus que Cosette ou la Thénardier, dans la revue des personnages deroman, ou la princesse de Clèves plus que le Lantier de Germinal.• Quelle que soit leur origine sociale, ...• ...

quelles que soient les conceptions de l'oeuvre : idéaliste, psychologique, épique ou au contraire réaliste,. »

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