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Les Historiens du XIXe siècle

Publié le 16/05/2011

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I. — LE XIX° SIÈCLE, SIÈCLE DE L'HISTOIRE

La France ne ,compte, avant le xix° siècle, qu'un historien digne de ce nom, Voltaire, et point d'école historique : cela pour des raisons politiques, littéraires, scientifiques. a) La liberté manquait. L'Ancien Régime tenait l'histoire sous le contrôle des théologiens et de l'administration royale. La vérité historique était dangereuse à publier : le dispensateur des pensions veillait, la Bastille menaçait. Voltaire dut se tenir à distance du pouvoir. b) La littérature classique avait pour objet l'Homme, l'homme général, dont elle s'efforçait de fixer les traits permanents, hors des époques et des pays; elle était donc peu favorable à l'histoire, qui s'intéresse à la vie particulière des époques et des pays, aux variations humaines. Bref, le sens historique, c'est-à-dire le sentiment immédiat du passé, la compréhension et l'amour du passé, n'existait pas : il n'a commencé d'exister qu'avec le génie de Voltaire; encore Voltaire nourrit-il des préjugés propres à son temps. c) L'esprit d'exactitude et de documentation à l'égard du passé va de pair avec le sens historique; on s'est longtemps contenté, comme instruments d'investigation, des actes officiels et des mémoires; encore les lisait-on sans méthode. Sur ce point aussi, Voltaire fut un précurseur et un isolé.

« C'est tâche longue et difficile de composer un livre d'histoire; l'historien a des devoirs et des devoirs très exigeants.L'historien a tout d'abord à suivre des règles scientifiques de documentation et de critique. A) L'historien doit se mettre à la recherche de tout ce qui subsiste du passé qu'il étudie : papiers d'archives,chartes et marchés, mémoires et correspondances, oeuvres d'art, monuments, médailles...

Voltaire s'était déjàdocumenté sérieusement, mais cela devint plus encore le souci des historiens du XIXe siècle.

— a) Thierry a bâtison couvre avec les textes des vieilles chroniques publiées par les Bénédictins, avec les romans et chants du MoyenAge.

Il a lu une énorme quantité de livres.

— b) Guizot mettait toute sa conscience à regarder de près aux pluspetits détails; il a recouru aux textes originaux, en tenant compte des variantes et des gloses que présentent lesmanuscrits de ces textes.

— c) Michelet, le premier, a eu le souci de l'inédit et a aimé en découvrir.

Aussi éprouva-t-il une grande joie quand il se vit nommé, en 1831, chef de la section historique des Archives nationales, où l'onpeut dire que dormait tout le passé authentique de la France.

Il le réveilla, il l'entendit lui parler; il a composé auxArchives son Histoire du Moyen Age et son Histoire de la Révolution.

Mais il s'est documenté, en outre, auprès desarchéologues; pour son histoire de la Révolution, il a compulsé des registres de la commune de Paris, étudié lesestampes et les médailles.

— d) Fustel de Coulanges a pratiqué avec constance l'étude des textes dans le plusminutieux détail et leur a montré une stricte fidélité. B) L'historien doit encore vérifier la valeur des documents qu'il assemble, établir leur authenticité, les contrôler lesuns par les autres.

La critique des textes est un de ses premiers devoirs; cette critique exige qu'il sache par quelsmanuscrits les textes sont venus jusqu'à nous et qu'il s'assure du contexte, etc.

C'est ce qu'ont fait Guizot, Fustelde Coulanges; c'est ce qu'a fait longtemps Michelet, c'est ce que n'a pas toujours fait Augustin Thierry. C) L'historien a enfin à classer les faits, à les expliquer, à comprendre le déroulement des événements, à bienconnaître les hommes qui s'y trouvent mêlés.

Il lui faut pour cette tâche une intelligence singulièrement active, quine manquera à aucun des grands historiens du XIXe siècle.6.

L'historien est soumis, en outre, à des règles morales.

— a) L'historien doit se vouer à l'impartialité scientifique,qui lui fera dominer la rivalité des nations et l'opposition des époques.

Les historiens du XIXe siècle y sont-ilsparvenus pour les natrons ? Les plus grands firent de l'histoire un enseignement patriotique.

S'ils ont été impartiauxen intention, ils ne l'ont pas été absolument en fait; ils ont considéré les choses surtout du point de vue de laFrance.

Ou bien, il leur est arrivé de louer une nation étrangère aux dépens de la nôtre, et ç'a été par passionpolitique : ainsi Michelet a pu se montrer à plusieurs reprises partial en faveur de l'Allemagne.

Nos grands historiens,d'autre part, n'ont pas toujours considéré assez objectivement les époques du passé; ils se sont laissé aller àinterpréter le passé selon les besoins et les idées de leur temps; ils ont volontiers cherché dans le passé desarguments pour leurs opinions politiques et sociales, Thierry pour son libéralisme, Guizot pour son dévouement à laclasse moyenne, Michelet pour son ardeur démocratique; et la solidité de leur oeuvre s'en est trouvée compromise,car les siècles nt se ressemblent jamais réellement.

— b) L'historien devrait même pouvoir être de tous les pays etde tous les temps tour à tour, c'est-à-dire sympathiser avec les hommes et les choses qu'il étudie, au point de sesentir une âme française du XVe siècle, une âme anglo-saxonne du XIe.

C'est à quoi sont parvenus assez souventThierry, qui a pour ses personnages des sympathies de romancier, et Michelet, qui se passionne pour les êtres qu'ilmet en action.

Mais c'est à quoi Michelet cependant a manqué, chaque fois que l'a aveuglé sa passion politique.

—c) Bien entendu, l'impassibilité ne saurait être réclamée de l'historien, au contraire I Surtout quand il revit les heurset malheurs de son pays : Michelet n'est jamais si grand que dans sa pathétique histoire de Jeanne d'Arc. L'historien voit enfin venir le moment de mettre en oeuvre sa documentation, ses examens minutieux, sesméditations.

Autrement dit, il lui faut composer et rédiger; l'art lui est alors nécessaire.

— a) Voltaire déjà concevaitun livre d'histoire comme une tragédie, avec exposition, noeud, dénouement, et mise en valeur adroite du principalpersonnage : ainsi a-t-il conçu l'histoire de Charles XII, il nous y intéresse comme à une destinée romanesque, nousen présente les événements comme des péripéties dramatiques, peint les batailles comme des scènes offertes à lacuriosité et tient notre imagination en éveil jusqu'à la catastrophe.

— b) Les historiens du XIXe siècle, surtoutThierry et Michelet, montreront eux aussi autant d'art que de science; ils seront à la fois dramaturges et peintres :chacun d'eux aura sa manière propre, mais tous seront de bons ou même de grands écrivains.

Tant de conditions à remplir font comprendre la difficulté d'écrire l'histoire et qu'il existe peu d'excellents historiens.Et cependant les historiens du me siècle, qui sont les plus grands, sont aussi ceux qui ont trouvé la difficulté à soncomble, qui ont eu à faire le plus vaste dénombrement documentaire, les travaux préparatoires les plus énormes.C'est pourquoi.

d'ailleurs Thiers préparait en une année un volume qui pouvait se rédiger en deux mois; Michelet mitquarante ans à composer son oeuvre et Fustel de Coulanges a dit : « Pour un jour de synthèse, il faut des annéesd'analyse.

» Augustin Thierry fait bien comprendre cette sorte de passion qu'est la vie du véritable historien.

Il y a usé sa santé,il y a perdu les yeux, il est devenu aveugle.

Ce travailleur à l'humeur sereine et à la patience obstinée n'en éprouvad'ailleurs aucun regret.

Homme de coeur, il ne concevait pas la vie sans un objet de culte et de dévouement : cetobjet fut pour lui l'histoire.

Et comme il avait mis l'histoire, la science historique, au nombre des grands intérêts. »

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