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LES LIAISONS DANGEREUSES: LETTRE 23 (XXIII), COMMENTAIRE COMPOSÉ.

Publié le 27/04/2012

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liaisons dangereuses

Introduction.

Le XVIIIe siècle a vu se développer et s'approfondir le roman psychologique, né avec la littérature précieuse, et dont La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette illustrait déjà toutes les possibilités.

Mais, à côté d'une tradition sentimentale, pathétique, et volontiers édifiante, qui nous a valu la Vie de Marianne de Marivaux, et, surtout, la Nouvelle Héloïse de Rousseau, (publiée en 1761 et qui rencontra tout de suite un immense succès), il existe une autre tradition, celle du roman libertin, spirituel et cynique illustré par Crébillon fils, Diderot, dans ses « Bijoux indiscrets « et qui va trouver sa plus haute expression dans « Les Liaisons Dangereuses «, publiées en 1782 par un capitaine du génie de 40 ans, Choderlos de Laclos.

Ce roman est un roman par lettres, est-ce pour se mesurer à la Nouvelle Héloïse ou simplement parce que ce type de roman, illustré par Montesquieu, Richardson, Rousseau, Goethe, est encore très à la mode à la fin du siècle. Toujours est-il que Laclos joue, avec une extrême virtuosité, des ressources narratives, psychologiques et stylistiques du roman épistolaire ainsi que nous allons le voir en étudiant la partie centrale de la lettre 23.

liaisons dangereuses

« admirateur passionné des Liaisons que fut Stendhal. Cet hypocrite se peint également à nous comme un malfaiteur, un libertin cruel et cynique.

Mais, comme Julien Sorel, ce froid calculateur aura en même temps la faiblesse d'être amoureux, ce que cette lettre nous laisse déjà entrevoir.

Premier axe de lecture: l'auto-portrait d'un hypocrite. Autoportrait d'un hypocrite comme celui que Don Juan brosse devant Sganarelle stupéfait et indigné, à la deuxième scène de l'acte 5.

Qui dit hypocrite dit théâtre et, d'ailleurs, le mot grec originel désigne d'abord l'acteur, celui qui fait semblant, celui qui porte un masque.

De fait, Valmont, comme la Merteuil, est perpétuellement en représentation.

Le mot « projet » revient 3 fois dans ces quelques lignes et on pourrait presque le remplacer par « scénario » et, en acteur expérimenté, Valmont surveille sans cesse l'effet produit par sa comédie et cherche à en profiter de son mieux.

Sa virtuosité d'acteur se traduit par l'adoption d'un langage dévot, qui est celui de la femme qu'il veut séduire et qu'il appelle justement ici « mon aimable prêcheuse ».

Comme Tartuffe à l'acte 3 scène 3 dans sa déclaration à Elmire, il déguise ses désirs les plus crus sous un vocabulaire pieux et moralisant.

Mais sa virtuosité est encore plus grande, car Tartuffe a déjà une longue habitude de cette simulation, tandis que pour Valmont c'est un jeu tout nouveau et il est certain qu'il s'amuse beaucoup à pasticher le langage de l'aimable prêcheuse, dont la lettre 22 vient de nous en donner un exemple.

Il oppose sagement faire le bien à mal faire, rentrant ainsi dans les catégories morales les plus conventionnelles.

Il se dit « entouré de gens sans mœurs », parlant ici comme Mme de Volanges.

Il s'accuse de dissimulation coupable et de « criminelle espérance » au moment où il avoue sa flemme à la Présidente.

Il parle comme elle (avec un clin d'œil complice à l'adresse de Mme de Merteuil), des « infortunés que j'avais si pieusement secourus ».

Mais la preuve la plus évidente de ses intentions parodiques elle est dans la reprise textuelle des propos de sa prêcheuse.

« Quand on est si digne de faire le bien » lui a-t-elle dit, en laissant libre cours à son naïve admiration, et il lui répond (et là on devine son sourire intérieur): « Vous êtes trop digne de ma confiance pour qu'il me soit possible de la refuser ».

Et de fait, il est si sûr de son talent et de la candeur de sa victime qu'il lui fait réellement confiance et lui avoue une grande part de la vérité.

Ici, l'acteur pousse la virtuosité et le goût du jeu jusqu'à une dangereuse limite; sans doute il était nécessaire pour lui d'user, comme Tartuffe avec Elmire, des ambiguïtés du langage amoureux et de ses ressemblances avec celui de la dévotion, se disant d'abord « le faible agent de la Divinité que j'adore » ce qui déjà alarme Mme de Tourvel puisqu'ici elle cherche à l'interrompre, pour lui déclarer ensuite en toute clarté : « Oh, vous que j'adore écoutez-moi, plaignez-moi, secourez-moi » et ce style litanique semble une parodie d'invocation religieuse comme le « Christ audi nos, Christ exaudi nos », ce qui frise le sacrilège.

Mais quel besoin avait-il de lui déclarer: « Eh! peut-être l'action dont vous me louez aujourd'hui perdrait-elle tout son prix à vos yeux, si vous en connaissiez le véritable motif! ».

Cette demi- confidence ne s'explique en effet que par le goût du risque, la griserie du jeu, comme le précise, non sans cabotinage, la parenthèse à Mme de Merteuil et donc au lecteur: « Vous voyez ma belle amie combien j'étais près de la vérité ».

Mais près seulement.

Valmont s'amuse et reste ici parfaitement maître de son jeu.

Il se garde bien de parler du chasseur de Mme de Tourvel, dont il feint toujours d'avoir ignoré l'espionnage. Valmont apparaît donc ici comme un Tartuffe plus subtil et plus virtuose qui aurait plutôt l'élégance désinvolte et le côté joueur et provoquant de Dom Juan.

Comme Tartuffe après l'agression verbale de Damis (acte 3, scène 6), il sait battre sa coulpe pour provoquer la pitié, la compassion, et, donc, la complicité, déjà si proche de l'amour.

Tartuffe gémissait dans les bras d'Oregon: « Oui mon frère, je suis un méchant, un coupable, un malheureux pécheur tout plein d'iniquité! ».

Avec plus de discrétion et de finesse, Valmont s'accuse de son caractère malheureusement trop facile et se pose en victime de ses liaisons dangereuses contre lesquelles Mme de Volanges mettait en garde Mme de Tourvel.

Et comment ne pas rapprocher l'acte de bienfaisance ostentatoire de Tartuffe devant Orgon quand. »

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