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Les lieux et les époques dans l'odyssée d'Homère

Publié le 06/10/2018

Extrait du document

Les repères géographiques réels ont donc pour fonction d’ancrer le récit dans un réel qui est celui du monde grec antique. Ils créent un « effet de réel », participe à une forme d’illusion référentielle (tout comme le lexique maritime par exemple).

 

Il n’en demeure pas moins qu’Ulysse quitte le monde des hommes pour retourner au monde des hommes : d’Ithaque à Ithaque en passant par Troie, Ulysse part et revient dans le monde des « mangeurs de pains ».

 

2. Une géographie mythique.

 

A côté des lieux réels, on trouve des références à des lieux qui relèvent absolument du mythe : les enfers, par exemple, auxquels il est fait plusieurs fois référence : Styx (89), chez Hadès (100), lors de la Nékuia (174), l’Erèbe (178). On trouve aussi mention des lieux de résidence des dieux : Eges, le palais sous-marin de Poséidon (92), l’Olympe où a lieu l’assemblée des dieux et que le texte cite plusieurs fois (101, 168, 187, 207), la Trinacrie qui est l’île du dieu Hélios mais qui par son nom est liée à Poséidon.

 

L’Olympe est un lieu intéressant puisqu’il est à la fois un lieu réel et un lieu mythique. Il n’est pas ici question d’illusion référentielle comme dans le roman moderne, mais de croyance religieuse. Comme le sanctuaire de Delphes qu’Homère appelle Pytho (cf. le mythe d’Apollon), l’Olympe est un lien entre les monde des hommes et le monde des dieux.

 

L’inconnu , l’ailleurs géographique, répond d’ailleurs à des croyances d’ordre mythologique : ainsi, on a trace dans l’Odyssée de la représentation du monde que se faisait les Anciens (cf.les cartes) : ainsi lors de la Nekuia, Ulysse arrive aux confins du monde, au bord de l’Océan qui entoure les terres : « «il parvint aux confins du profond cours de l’Océan » (XI, 13, p. 178) et « on longea les eaux de l’Océan » (même page, v. 21).

 

Mais ce monde là, Ulysse n’y pénètre pas. Il reste à la porte des Enfers. Le monde dans lequel il se perd est encore une autre monde, un lieu entre celui des hommes et des dieux.

 

3. Le lointain ailleurs.

 

Le monde des « aventures merveilleuses » est, comme les Enfers, un monde des confins, un monde de l’éloignement : la ville des Lestrygons « la citadelle de Lamos/Télépyle des Lestrygons » porte cet éloignement dans son nom même (télé= loin ; pyle=la porte), tout comme l’île d’Aiaié, l’île de Circé dont l’étymologie n’est pas évident mais qui se rapproche de aia équivalent de gaia chez Homère, cad la terre redoublée, comme lorsqu’une vigie crie à bord d’une bateau ; Aiaié, c’est également la terre lointaine : « l’île d’Aiaié où l’aube, fille de matin,/a ses demeures, son séjour, où le soleil se lève » (XII, 4 et 5, p.

 

198).

 

Mais il en va de même pour tous les lieux explorés : les lieux sont loin physiquement ou symboliquement ; chez les Lotophages, l’oubli éloigne d’Ithaque ; les Lestrygons et les Cyclopes sont des mangeurs d’hommes, loin de la civilisation des « mangeurs de pain » et au pays des Lestrygons, le soleil ne se couche jamais, semble-t-il (cf. p. 162, X, 80 à 86) ; l’île d’Eolie est coupé de tout contact avec le reste du monde au point qu’on s’y marie, comme chez les dieux, entre frères et sœurs ; Charybde et Scylla sont nommées les « Roches Planctes » ce qui signifie « les Roches Errantes » (XII, 62, p. 200) or leur fixité engage à penser que ce sont des Roches qui font errer, qui perdent les marins ; Calypso quant à elle porte dans son nom l’idée de dissimulation, et le nom de son île Ogygie est proche d’un adjectif qui signifie « primitif ».

 

Ajouté à cela qu’Ulysse avec ou sans ses compagnons aborde en ces lieux lointain sans savoir exactement comment. L’île des Cyclopes qui est l’entrée dans cet ailleurs merveilleux se fait dans les ténèbres et le brouillard (cf. IX, 142 à 148, p. 146).

 

4. L’archipel imaginaire.

 

Le lieu où se perd Ulysse, c’est avant tout la mer, une mer dangereuse qu’on reprend « avec tristesse », selon la formule répétées dans les chants au programme. L’espace des « aventures

« Et le temps dans l’Odyssée est bien envisagé de façon cyclique : au Chant XI, 294 -295, il est fait mention du cycle des saisons, qui fait écho aux vers 16 et 17 du Chant I : le cercle des années.

Le voyage d’Ulysse n’est d’ailleurs rien d’autre qu’une boucle, en train de se refermer dans les chants qui nous occupent.

Ulysse revient à son point de départ Ithaque… peu étonnant donc que le texte s’ouvre à Ithaque avec les aventures de Télémaque pour s’achever à Ithaque. Ce retour, c’est le retour dans le monde réel.

Un monde dans lequel le temps s’écoule inexorablement, de façon impeccable.

Le retour au monde des mortels. 2.

Le temps de l’errance ou le temps de la circonvolution. C’est en une gigantesque analepse des chants IX à XII, qu’Ulysse raconte ses errances : c’est la première analepse de la littérature occidentale. Dans le récit des « aventures merveilleuses », ce qui frappe par comparaison au reste du récit, c’est que la chronologie, si elle existe, est vague, trouble, difficile à reconstituer.

Certes les épisodes se succèdent et les indications temporelles sont présentes. Mais, le temps ne s’y écoule pas aussi impeccablement que dans le monde réel.

Seul son caractère cyclique est mis en avant : la répétition des formules pour le matin et pour le soir, la similarité de certaines durées (X, 81 et XII, 399 ou IX, 82 et X,29 et XII, 247), l’épisode récurrent de la tempête (IX, 67 à 71 ; 81-82 ; XII, 312 et 325) donne une idée du temps mais pas d’une chronologie. Il demeure un mois chez Eole (X), un an chez Circé (X, 469), sept ans chez Calypso, un mois en Trinacrie… des durées plus symboliques que réellement efficiente à construire une chronologie.

Difficile de reconstruire les dix ans de l’errance avec ces indication alors qu’on peut le faire facilement pour le reste du récit.

De plus, on peut noter que les termes qui servent à dire les durées de l’errance sont vagues : V, 223 « longtemps », VII, 152 « car trop longtemps j’ai souffert loin des miens », début du chant VIII : « l’étranger […] ayant beaucoup erré »… La structure des « aventures merveilleuses » est cyclique.

Comment alors ne pas penser au nom même du monstre à cause duquel Ulysse erre : le Cyclope, Kuklops, celui qui possède un œil « rond », un cercle au milieu du visage. Le Cyclope marque la véritable entrée dans les « aventures merveilleuses » et l’entrée dans un espace où le temps n’est plus le même.

Car, ce temps c’est le temps du mythe, le temps des Dieux, le temps de l’immortalité de l’île de Calypso : celui de l’éternel retour du même.

C’est bien ce que semble dire la structure, et c’est de ce temps qu’Ulysse veut s’enfuir.

Ce dont il souffre chez Calypso, c’est bien d’ennui.

Le temps y est trop long, comme le dit le « longtemps » employé à plusieurs reprise pour dire l’éloignement d’Ulysse.

Ulysse est un homme, non un dieu, il ne peut vivre l’éternité dans laquelle il se retrouve prisonnier. 3.

D’un cycle à l’autre. Ce temps légendaire c celui qu’il vivait sur l’île de Calypso.

Celui qu’il refuse de vivre, celui de l’immortalité (cf.

v.

201 à 224, Chant V). Pourquoi ce refus d’Ulysse? Parce qu’à vivre dans le non -temps, il a perdu son identité.

Si les dix années de guerre l’ont inscrit dans la mémoire des hommes comme le prouve les récits de Démodocos, les dix années d’errance l’en ont effacé.

Si Ulysse ne décline son identité qu’au début de son récit, au chant IX, c’est qu’il va combler le vide de l’absence, qu’il va redevenir quelqu’un alors qu’il n’était plus personne… le nom qu’il donne à Polyphème au début de son errance, le début du cycle du non -temps ! Ulysse veut retourner dans le temps, redevenir mortel après avoir fait l’épreuve de l’oubli… Et puis, Ulysse est homme, il s’ennuie, on l’a déjà dit… même lorsqu’il se couche aux côtés de Calypso.

Il faut l’horizon du départ pour renouveler l’ardeur sexuelle : V, 154 -155 et 226 -227. Ainsi, Ulysse ne cherche pas seulement le chemin d’Ithaque, mais aussi le chemin vers lui -même.

Car, Ulysse s’est perdu et s’est perdu lui -même.

Il n’a pas toujours eu le désir du retour semble-t -il… Par deux fois, il s’endort au moment où tout semble gagné : chez Eole et en Trinacrie ? Il s’attarde par curiosité chez les cyclopes, doit se faire rappeler l’urgence du retour par ses compagnons chez Circé (X, 472 -474).

A l’inverse, les épisodes des Lotophages et d’Eole tendent à montrer qu’il veut rentrer au plus vite.. »

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