Les Mémoires de Guerre, exemplaire de la construction d'un mythe

« Salut.

Trois types d'images maintiennent la dimension mythique de la France comme des images pathétiques, des images profanes, des images divines.

Les images pathétiques se rapportent au corps blessé « le corps bouleversé de la France », à la captivité « la France reparaissait libre et vivante », « on la regardait encore comme une captive énigmatique », à la femme offensée « vous avez outragé la France [ ...

] Cela ne peut être oublié ».

Les images profanes montrent une France qui fascine les regards « Vers la France libérée tous les États portaient leurs regards ».

Elle est comme une vedette mondiale « Long live France! ».

Les images divines sont celles où la France apparaît en mère et souveraine universelle «France qui reste la France pour ses enfants et pour le monde ».

Ainsi se construit le mythe d'un être idéal, comme une madone, qui embrasse l'universel.

Ces trois types d'images sont rassemblés dans l'invocation finale « Vieille France, accablée d' Histoire, meurtrie de guerres et de révolutions, allant et venant sans relâche de la grandeur au déclin, mais redressée, de siècle en siècle, par le génie du renouveau! ». Deux types d'images développent la figure mythique du Sauveur: celle du chef providentiel et celle du prophète en mission.

L'image du chef providentiel est la première image que façonne le texte.

Les capacités exceptionnelles de Charles de Gaulle pour gouverner la France sont illustrées d'abord dans ses inventaires très complets en matière de reconstruction, de redressement et de réformes.

Ensuite, dans sa possessivité de l'adhésion populaire, tant pour faire triompher un grand emprunt d'État, dès novembre 1944, que pour lever une armée capable d'assurer, aux côtés des forces alliées.

L'image du prophète en mission se construit dans les innombrables références à une action politique ou militaire menée pour restaurer la France dans la transcendance d'une nation phare de l'humanité.

La foi en la grandeur de la France nourrit la résolution du général de Gaulle « de demeurer le champion d'une République ordonnée et vigoureuse et l'adversaire de la confusion qui avait mené la France au gouffre ».

Mais, comme doté d'un pouvoir visionnaire de prophète, il perçoit aussi en pleine victoire, devant la France « vivante, respectée ». Le Salut, et les Mémoires de guerre plus globalement, s'inscrivent dans une grille de compréhension des événements.

De Gaulle écrit Le Salut en 1958 quand il revient au pouvoir.

C’est le 1 er président de la Vème République.

Ce 3ème tome, c’est donc entre autres pour professer sa foi en lui et en la France, sa France, et faire comprendre à ses concitoyens que pour la 2 nde fois, le temps est venu de le laisser instaurer des principes institutionnels qui garantissent la grandeur de la France. L'apologue mythique, « La France et son Sauveur », que transmet Le Salut, invite à adhérer à la Constitution de la Ve République, telle que la découvrent les Français en septembre 1958.. »