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LES OEUVRES EN PROSE DE VERLAINE

Publié le 27/06/2011

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verlaine

Durant toute sa vie d'écrivain, Verlaine a rêvé de composer des ouvrages de prose, romans, nouvelles, études critiques. Il a même songé à faire jouer des pièces de théâtre. Mais de tant de projets, il en est peu qui furent réalisés. Avant 1870, Verlaine a donné, dans plusieurs revues, sur Barbey d'Aurevilly, sur Baudelaire, sur Coppée, des études qui restent, aujourd'hui, importantes. On le sent nourri des admirables proses des Petits poèmes et de l'Art romantique. Il s'est assimilé la doctrine de l'homme qui est alors son maître. Il lui a même pris le ton, le mouvement, le rythme de ses phrases. Lui qui va bientôt se créer une prose savoureuse et raffinée, mais détendue jusqu'à en paraître lâchée, il s'efforce à la densité, à l'allure hautaine et coupante de son modèle.

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« roman intime n.

Il prétendait même que l'oeuvre était toute faite dans sa tête.

Il est mort pourtant sans l'avoirécrite.

Mais il a publié un certain nombre de courtes proses, de signification surtout autobiographique, et le titre qu'illeur a donné, les Mémoires d'un veuf, autorise à chercher en eux la part des confidences et des souvenirs.

Il avait,en 1882, obtenu de collaborer au Réveil.

Il y plaça quatre croquis sous la rubrique de Paris-Vivant qu'avait inauguréeEdmond Lepelletier.

Pour former son volume, il joignit à ces pièces de petits poèmes en prose dans la tradition deBaudelaire, des souvenirs personnels, des réflexions sur l'actualité.

L'ensemble réuni parut sous le titre de Mémoiresd'un veuf en 1886.Ce livre permet de comprendre la situation de Verlaine en face du Naturalisme contemporain.

D'une façon plusauthentique qu'Alphonse Daudet sa bête noire, il donne l'exemple d'un réalisme attendri et gentiment ironique, d'unevérité d'observation qui va de pair avec une sensibilité toujours éveillée.

Il n'est pas brutal ni cruel.Mais il est aussi vrai que le plus exact des réalistes, et l'on a dit avec raison que dans ses évocations de la viequotidienne et populaire, il trouve des notes plus justes, il voit et peint mieux que les meilleurs disciples de Zola.A l'heure où il rassemble les notes de ses Mémoires d'un veuf, à l'exception pourtant des plus récentes, la prose deVerlaine est admirable de subtilité savoureuse, sans qu'elle se perde dans les excès qui vont bientôt y apparaître.L'écrivain adopte une langue d'allure bon enfant, où jaillissent parfois un mot d'argot, une vulgarité voulue, un motdéformé par la prononciation parisienne.

Mais ces dissonances légères, suffisamment rares, n'abaissent pas la tenuede l'ensemble et lui donnent seulement plus de piquant.

Un jeune écrivain belge sut dire, dès 1886, les motsdéfinitifs sur ce curieux volume, mal compris par la critique et trop méconnu aujourd'hui.

Les Mémoires d'un veuf,écrivit alors Emile Verhaeren, ce sont des tableaux délicats et fragiles, où flotte une douceur de résignation.

Il avaitcompris que cette prose nonchalante, flânerie des yeux, des rêves et des pas, comme il disait, c'était encore ettoujours la poésie des Fêtes Galantes et des Romances sans paroles.La même année que les Mémoires d'un veuf, Verlaine publia un recueil de nouvelles, Louise Leclercq, le Poteau,Pierre Duchâtelet.

Ces textes marquent de façon curieuse la difficulté qu'éprouve l'écrivain à donner la vie à, sespersonnages, à les faire agir et parler selon leur caractère propre.

Louise Leclercq est l'histoire d'une jeune fille quis'enfuit de la maison paternelle.

Pas un instant nous ne croyons à cette aventure.

Nous avons l'impression que c'esttoujours de lui-même que parle l'écrivain.

Cette impression n'est peut-être pas juste.

Peut-être Verlaine pense-t-ilmoins à lui qu'il ne semble.

Mais sa personnalité est si présente à son récit que nous ne pouvons un instant l'oublier.Le même défaut se retrouve dans un drame en prose, Madame Aubin, qu'il joignit à son volume.

Le génie de Verlaine,est, comme celui de Baudelaire, trop subjectif pour qu'il puisse créer une oeuvre romanesque ou dramatique vivante.En 1889, Verlaine avait, tout prêt, un recueil de sept nouvelles.

Il prévoyait le titre d'Histoires comme ça, etdestinait le livre à l'éditeur Savine.

Le projet ne fut pas réalisé, et les Histoires comme ça parurent d'abord, dans despériodiques : elles n'ont été réunies qu'après la mort de l'écrivain, dans l'édition des Oeuvres posthumes.

On yobserve les mêmes dons d'observation gouailleuse et sensible que dans les Mémoires d'un Veuf, la mêmeimpossibilité, chez Verlaine, de s'oublier pour donner consistance à une histoire et à des personnages : sa vie, sesmalheurs, ses rêves se lisent par transparence à travers une intrigue sans vigueur et les figures chimériques qu'ilesquisse.

Mais peut-être convient-il d'observer que ces nouvelles, si étrangères à l'inspiration naturaliste, ont lemérite, grâce à cette imprécision où se maintient volontairement l'écrivain, de laisser ouvertes des perspectives demystère, de terreur ou de fantaisie, d'inviter le lecteur à rêver un peu.Au mois de mai 1891, l'Echo de Paris accueillit une série d'articles de Verlaine sur les séjours que depuis cinq ans ilavait faits dans les hôpitaux parisiens.

Ils ne faisaient que développer un travail que le poète avait rédigé à la fin de1890 et qui formait à cette date un cahier de douze pages très serrées.

Après avoir paru dans le journal, ils furentréunis en volume sous un titre qui parodiait gentiment le livre de Silvio Pellico : Verlaine les appela Mes Hôpitaux.Ce livre fit beaucoup pour attirer sur son auteur l'attention du grand public.

On ne peut que répéter à son sujet lesmêmes observations que suggèrent les Mémoires d'un veuf et Histoires comme ça.

Ce sont les mêmes qualités de laphrase, la même atmosphère de bonhomie, de raillerie fine, d'ingénuité malicieuse.

De même que dans les volumesprécédents, la phrase, preste d'allure, variée de ton, elliptique et libre, n'est nullement désarticulée.

Oeuvrecharmante par conséquent.

Mais peut-être fait elle toucher du doigt un aspect du caractère de Verlaine que nousne discernons pas assez aujourd'hui, mais qui frappa certains de ses contemporains : le refus de voir en face letragique de sa propre vie, une sorte d'enfantillage incurable qui lui permet de s'arrêter à quelque détail amusant etcurieux au moment même où il est en train de glisser dans le gouffre.

Le premier chapitre de Mes Hôpitaux offre decette vérité un exemple frappant.

Lorsqu'il en vient à évoquer les affreuses détresses de 1887, bien loin des'attarder, il précipite son récit : « Un entr'acte noir absolument.

Misère et presque corde s.

Ces quelques mots luisuffisent, et il se hâte de passer à des images plus riantes.Si dans Mes Hôpitaux, la langue restait nette et ferme, on pouvait y remarquer pourtant certaines phrases plusalambiquées que subtiles, des raccourcis excessifs, de l'obscurité.

Ces défauts se multiplient dans le volume quedonna l'écrivain en 1892, et qu'il intitula Mes Prisons.

Il n'est pas question de reprocher à ces pages parues dans leChat Noir les inexactitudes dont elles fourmillent : elles s'expliquent le plus souvent par les inévitables confusionsd'une mémoire peu sûre.

Mais ce qui est plus grave, c'est que la phrase se désarticule, devient louche et tortueuse,s'alourdit d'inutiles surcharges.

Ce n'est plus la bonhomie des Mémoires d'un veuf.

Ce sont les fausses malices d'ungoguenard qui vous lance des clins d'oeil et pense vous arracher un sourire complice.

Qu'on lise par exemple cettephrase, semblable à tant d'autres dans ce médiocre recueil : « Je ne saurais naturellement bien les préciser en cemoment de mon âge mûr, déjà ! après tant d'années et tant d'un peu plus sérieux verrous sur ma liberté d'hommepour telles et telles causes au nombre desquelles faut-il compter précisément l'abus de la conjugaison en questionplus haut...

» !Dans les Confessions, publiées en volume en 1895, on ne trouve plus, ou plus guère, cette désarticulation de laphrase, et ces enchevêtrements de pensée.

On y sent, il est vrai, l'intention de tirer à la ligne, de profiter de toutesles occasions pour allonger le récit : elle s'explique trop bien, si elle ne s'excuse pas, lorsqu'on apprend que l'auteurvendit, en juin 1894, à Edouard Dujardin, ses Confessions inédites à raison de cinquante centimes la ligne.

Verlaineemploie trop souvent aussi le tour anglais qui entasse entre l'article et le nom des adjectifs et des adverbes.

Mais. »

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