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LES PREMIÈRES PIÈCES DE MOLIERE : L'Étourdi — Dépit amoureux

Publié le 26/06/2011

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moliere

 

Quand Molière arriva de province à Paris, il apportait peut-être quelques farces dont il était l'auteur (il est loin d'être prouvé que la jalousie du Barbouillé et le Médecin volant soient de lui) et deux comédies : l'Etourdi, joué à Lyon, vraisemblablement en 1655 ; Dépit amoureux, joué aux Etats du Languedoc, à Béziers, en 1656. L'Etourdi est une adaptation de l'Inavertito overo Scappino disturbato e Memetino travagliato (Le malavisé ou Scapin déconcerté et Mezzetin tourmenté) de Nicolo Barbieri dit Beltrame (imprimé en 1629). Le Dépit amoureux est une autre adaptation de l'Interesse (la Cupidité) de Nicolo Secchi (imprimé en 1585). Il nous faut donc tout d'abord étudier la question des sources de Molière ou plutôt nous en débarrasser.

moliere

« Il compose une comédie d'intrigue, à la manière de Rotrou, Boisrobert, Scarron et tous les autres, chargéed'événements et de surprises.

Mais il veut divertir et divertir des Français.

Il supprime donc, transpose, ajoute pourmieux plaire à des Lyonnais.

Surtout il ajoute à l'esprit, à la verve, au style comique de l'Italien son esprit, sa verve,son style qui sont d'une autre qualité et déjà d'une qualité de génie.

Il en est tout de même pour Dépit amoureux.Là aussi il reste fidèle au goût de l'intrigue singulière et compliquée qui est celui de son modèle et celui de sescontemporains.

Comme pour l'Etourdi il supprime et transpose.

Il ajoute aussi et il crée le couple pittoresque deGros-René et de Marinette, ombre et écho d'Eraste et de Lucile ; et le personnage du pédant Métaphraste, plusdivertissant et plus vrai que les traditionnels pédants et docteurs de la comédie française ou de la comédieitalienne.

Là enfin, comme dans l'Etourdi, la verve et la qualité du style font souvent oublier les invraisemblances etles maladresses de l'intrigue.

Il est parfois certain, assez souvent probable, plus souvent simplement possible quenombre de détails ajoutés par Molière à ses modèles soient des souvenirs conscients ou plutôt inconscients decomédies italiennes, de Noél du Fail, du Parasite de Tristan l'Hermite, de Rotrou, du Pédant joué, de Gilles de laTessonnerie, de Plaute, de Térence, etc...Enfin dans Dom Garde de Navarre ou le prince jaloux, Molière a suivi, et cette fois bien trop fidèlement, un modèleitalien : l'Heureuse Jalousie du prince Rodrigue de Cicognini.

Non seulement il a pris le thème général d'aventuresromanesques mais il l'a compliqué jusqu'à l'absurde par des rencontres ou des situations encore plus invraisemblables: par exemple le frère, entraîné par la voix du sang, aimera tendrement celle dont il ignore qu'elle est sa soeur et secroira infidèle à celle qu'il avait d'abord aimée.

A quoi s'ajouteront, d'acte en acte, pour embellir Cigognini, dessituations qui permettront d'étaler des grandeurs d'âme cornéliennes, des délicatesses du pays de Tendre et des"questions d'amour", des complications psychologiques propres à ravir les Saphos et les Uranies ou même les Cathoset les Madelons.

La pièce a pour modèle direct Cicognini ; mais elle se conforme en réalité à l'idéal que traduisent lestragi-comédies et les tragédies de Thomas Corneille et de Quinault: des situations singulières qui permettent d'étalernon plus de grands desseins et des énergies héroïques mais les esclavages, scrupules et tourments des amants et la« science du cœur s.

On sait que la pièce ne vaut rien, qu'elle échoua, que Molière se rendit compte de samédiocrité et renonça désormais au théâtre sentimental et pathétique.

Le thème de Dom Juan n'est pas plusoriginal.

Il était même devenu le sujet dramatique le plus rebattu.

Il avait été porté à la scène par Tirso de Molinadans le Trompeur de Séville et le convié de pierre, repris par deux auteurs italiens, Cicognini et de Solofra.

Solofra etCicognini surtout avaient fourni aux comédiens italiens de Paris un scénario comique qui devint célèbre sous le nomde le Festin de Pierre.

Le succès prodigieux de ce Festin de Pierre (ou de pierre, puisque dom Juan invite à dîner unestatue de pierre) inspira à Dorimon un Festin de Pierre ou le fils criminel, joué à Lyon en 1659, et à de Villiers, sousle même titre, une autre tragi-comédie jouée en 1661.

Molière connaissait le théâtre de Cicognini puisqu'il lui avaitemprunté le sujet de dom Garde ; il ne pouvait pas ignorer les pièces de Dorimon et de Villiers qui avaient eu, ellesaussi, un succès retentissant.

Il a fait incontestablement à ses trois modèles des emprunts ; et il a fait deschangements qui ne peuvent s'expliquer ni par un souci de cohérence et de logique, ni par le respect des règles, nipar celui plus général des bienséances.

Il faut, pour expliquer la pièce, comprendre les desseins de sa sagesse et lesformes de son imagination, et nous le ferons un peu plus loin.

Si nous ajoutons que le sujet de la Princesse d'Elideest tiré, selon les mêmes méthodes que l'Étourdi, Dépit amoureux, Dom Garcie de Navarre, d'une pièce de Moreto,Dédain pour dédain, et qu'Amphitryon s'inspire de Plaute et des Deux Sosies de Rotrou, nous aurons fait le tour despièces de Molière qui sont, plus ou moins, des adaptations continues.

On voit que, parmi ces pièces, deux sont desoeuvres de début, deux des comédies sérieuses et des tragi-comédies plus que des comédies, que Dom Juan estune « pièce à machines » plus qu'une comédie et que Molière, à la différence des contemporains, avait assez peu degoût pour les adaptations.Mais il y a, d'une façon constante, à travers l'oeuvre tout entière des imitations de détail dont certaines semblentirrécusables.

Par exemple, dans les Fourberies de Scapin, il n'a pas pu ne pas se souvenir que, dans son illustrePédant joué, Cyrano avait imaginé de faire demander à un père trop soucieux de sa bourse l'argent nécessaire pourracheter son fils soi-disant prisonnier sur une galère et que le père, dans son désespoir, répétait interminablement :" Que diable aller faire dans la galère d'un Turc ? " Dans sa Belle plaideuse, Boisrobert: avait montré un fils prodiguequi négocie, par intermédiaire, avec un usurier et qui se trouve, quand ils se rencontrent, en présence de son père ;ou dans le même Pédant joué l'usurier qui paye, en partie, ce qu'il prête en singes, perroquets et canons.

Il estévident que Molière s'en est souvenu dans l'Avare en imaginant la même situation entre le fils Cléante, en mald'argent, et l'usurier qui se trouvera être son père ou en énumérant ce que l'usurier compte donner enmarchandises, depuis le lit de quatre pieds à bandes en point de Bologne jusqu'à la peau de lézard de trois pieds etdemi, remplie de foin, curiosité agréable pour pendre au plancher d'une chambre.

Moins évidemment, mais presquecertainement le e sans dots est emprunté à la Rosélie de Dorimon où le Père Carlos persiste à vouloir marier sa fille àun prétendant ridicule qu'il croit riche et répète sept fois comme argument " Vingt mille écus de rentes ! ".

S'agit-ildes Femmes savantes, Molière connaît les Visionnaires de Desmarets de Saint-Sorlin et l'Académie des femmes deChappuzeau et le Roman bourgeois de Furetière.

Ce n'est assurément pas par hasard que la prude et revêche Bélisequi croit amoureux d'elle tous les hommes qui l'approchent ressemble à la visionnaire Hespérie ; que Philamintechasse la pauvre servante Martine parce qu'elle pèche contre la grammaire comme la savante Emilie renvoie saservante pour raison d'ignorance ; ou que, dans le Roman bourgeois, un bon bourgeois demande au libraire unouvrage, pourvu qu'il soit gros, afin de mettre en presse ses rabats, tout comme Chrysale n'apprécie de tous leslivres de Philaminte qu'un gros Plutarque pour mettre en presse ses rabats.Il est donc certain que Molière a souvent pris son bien où il le trouvait, en usant de la liberté grande que l'esprit dutemps donnait aux écrivains.

Mais il me paraît non moins évident que Molière a eu recours constamment à une sortede fonds commun qui était à tout le monde et à personne ; qu'il a puisé non pas dans telle oeuvre déterminée maisdans le trésor d'une mémoire où s'entassaient et se triaient anonymement des souvenirs de ses lectures ; ou mêmequ'il a pu réinventer ce qu'une demi-douzaine d'écrivains qui n'avaient ni sa perspicacité ni son esprit avaientinventé avant lui.

Quel est le thème de l'Ecole des Maris et de l'Ecole des femmes ? c'est que la vertu des femmesne doit pas être une vertu de nécessité et que le meilleur moyen d'avoir une femme fidèle est de s'en faire aimer et. »

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