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Les procédés de brecht

Publié le 29/10/2012

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www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Bertolt BRECHT (Allemagne) (1898-1956) [pic] Au fil de sa biographie s'inscrivent ses ?uvres qui sont résumées et commentées (surtout '' Mère Courage'', pièce étudiée dans un dossier à part). Bonne lecture ! Né à Augsbourg, en Bavière, le 10 février 1898, dans une famille bourgeoise, il était le fils d'un employé dans une fabrique de papier qui en prit la direction en 1914, qui était catholique. Mais il fut élevé dans le protestantisme de sa mère. Il fut élève du «Gymnasium« d'Augsbourg dans la revue duquel, à l'âge de quinze ans, sous le pseudonyme de Bertold Eugen, il publia sa première pièce, ''La Bible''. Puis il entreprit des études de philosophie puis de médecine à l'université de Munich, mais elles furent interrompues par la Première Guerre mondiale, quand il fut, en 1918, mobilisé comme infirmier dans un hôpital militaire à Augsbourg. Cette expérience confirma sa profonde haine de la guerre, lui inspira son très violent poème atirique ''La ballade du soldat mort'', et raviva sa sympathie et sa ferveur pour le socialisme. De cette époque datent sans doute ses premières ballades, dont ''La légende du soldat mort'', ainsi qu'une première version de ''Baal''. Après la guerre, toujours entre Augsbourg et Munich, ce jeune homme, maigre et mal rasé, à la tenue négligée, qui s'exprimait en dialecte souabe, fréquenta le milieu théâtral, s'y liant notamment avec Karl Valentin, qui lui inspira peut-être certaines de ses pièces en un acte, et le milieu révolutionnaire. Il chanta ses poèmes dans les cabarets littéraires (dont celui de Karl Valentin) en s'accompagnant lui-même à la guitare. Il participa activement, à Munich, à la révolution de novembre 1918 qui délivra l'Allemagne du militarisme et de l'impérialisme et vit la formation du Parti communiste allemand. Fin janvier 1919, quelques jours à peine après l'écrasement de l'insurrection spartakiste à Berlin, il entreprit la rédaction d'une pièce qu'il acheva en six semaines : ____________________________________________________________________________ _____ ''Spartakus'' (1919) Drame Un soldat qui revient de guerre retrouve sa fiancée engrossée par un autre, se fait jeter dehors par les riches parents de la demoiselle, fréquente les bistrots et les rues du prolétariat, excite les travailleurs à la révolution et se met à leur tête pour prendre d'assaut le quartier des journaux. Arrivé à ce point, le manuscrit partait dans différentes directions. Plusieurs variantes étaient proposées. Dans l'une d'elles, tout à fait caractéristique, la jeune femme rejoint son soldat en plein combat, et celui-ci, maintenant qu'il l'a récupérée, laisse tomber la révolution, prend avec lui la jeune fille (bien qu'un peu « abîmée «) et s'en va. Il en a jusque-là, la révolution, c'est bon pour les affamés ; maintenant il rentre chez lui, où un grand lit blanc est tout prêt Commentaire Alors que l'expressionnisme était très à la mode, la pièce était plutôt une ballade dramatique lancée d'un seul trait, sous une forme très peu littéraire. Les personnages y parlaient une langue hors des modes, sauvage, puissante, colorée, qui n'était pas puisée dans les livres mais tirée de la bouche du peuple. ____________________________________________________________________________ _____ ''Hans im Glück'' (1919) ''Jean la chance'' Pièce de théâtre Jean est un paysan simple et naïf, qui se laisse (bien) vivre dans sa ferme- auberge avec sa femme. Arrive un homme de la ville qui la séduit. Elle quitte Jean et lui laisse la ferme. Jean échange la ferme contre deux charrettes, une charrette contre l'amitié, la seconde contre un manège, le manège contre une oie, l'oie contre la compagnie des hommes... Il est finalement dépouillé de tout. Commentaire C'est un conte des frères Grimm du même titre qui inspira à Brecht cette pièce qui est très différente de ses autres pièces, car c'est un texte très poétique, où les personnages sont dessinés comme au trait. Dans le conte, Jean est un paysan qui a beaucoup travaillé et qui procède à une série d'échanges : il échange son lingot d'or contre un cheval, puis contre une vache, etc. ; il finit avec une pierre qu'il jette dans le puits et se libère ainsi de toute contrainte, de tout « poids «, matériels. Chez Brecht, Jean, homme bon, naïf, simple, est un être solaire, lumineux, une figure de la résistance. Il est à la fois innocent et coupable : innocent de l'état du monde et coupable de ne pas pouvoir / vouloir le combattre. Jean, au cours de son errance, perd tout ' y trouve-t-il le bonheur? l'achèvement? la nudité originelle? son identité? la mort? Dans sa bonté simple, il est agi. Ce n'est pas du tout pessimiste. Il meurt, mais il n'a cédé sur rien. Il est simplement inapte à ce monde-là. Sous la farce paysanne, on trouve donc une fable profonde et un héros qui annonçait les grandes figures à venir, de Galy Gay à Schweik. Brecht fait d'ailleurs se rapprocher les deux personnages, même s'ils sont comme des doubles inversés. Dans les deux cas, on voit que le monde ne permet pas d'être un homme bon et qu'il faut trouver en soi la force de se défendre contre la brutalité du monde. Jean la Chance peut être considéré comme le chaînon manquant qui permet de mieux comprendre l'?uvre de Brecht. Le conte initiatique hisse haut cette interrogation brechtienne : comment conserver la bonté dans un monde vénal, régi par le mensonge? Le texte était resté inabouti, divisé en plusieurs manuscrits. Dans le manuscrit A, il y a presque tout jusqu'à la scène de la cave. Cette scène, telle quelle, était incompréhensible car non reliée avec le reste. Il y avait ensuite les manuscrits B (B1, B2, ..., B6) qui sont de petits bouts de textes, comme si Brecht avait voulu reprendre des scènes. Cela a servi pour écrire la fin. La mort de Jean n'est ni dans la version A, ni dans la version B. Mais des phrases éparses existantes ont permis de constituer la scène de la fin. « Une masse noire dans l'herbe, comme un sac vide «, par exemple, a bien été écrit par Brecht, qui mettait cette phrase dans la bouche de la mère. La maison d'édition L'Arche retrouva les manuscrits et les fit connaître à quelques personnes. Le Théâtre des Treize Vents, à Montpellier, a uni à la version A des fragments de B. Cet ensemble squelettique a été rapproché des autres pièces de Brecht grâce aux poèmes de Brecht de cette époque qui parlent aussi de Jean la Chance, traitent des mêmes thèmes que ceux qu'on trouve dans ''Jean la Chance'', poèmes mis en musique par Stephen Warbeck, de sorte que la soirée s'organise, comme les grandes oeuvres de Brecht, avec ces « songs « qui interrompent l'action pour lui donner un autre nerf, une autre émotion. Le texte a vraiment l'intelligence rusée et le coup de poing rageur des pièces connues du dramaturge allemand. La pièce, qui n'avait jamais été montée, ni en France, ni à l'étranger, a ainsi été créée en 2006 par le Théâtre des Treize Vents qui a ensuite été invité au Berliner Ensemble, pour le cinquantième anniversaire de la mort de Brecht. ____________________________________________________________________________ _____ Brecht fut marqué par la disparition prématurée de Rosa Luxemburg et de Liebknecht. Tout en poursuivant ses études, il devint, en 1919, «dramaturg« au "Kammerspiele" de Munich, ce qui décida de son orientation future. Il vint à Berlin proposer sa deuxième pièce au metteur en scène Max Rheinhardt : ____________________________________________________________________________ _____ "Baal" (1920) Drame Baal, ivrogne, assassin, homme fou et libre, poète attaché à sa perte, est seul, irrémédiablement seul, même si Jeanne, Émilie, Sophie traversent sa vie, figures de passion et de dévotion, car il n'est habité que par la douleur. Il n'a qu'un seul ami, Ekart, double, diable, frère, qui l'accompagne envers et contre tous. Commentaire Cette superbe pièce de Brecht, restée restée inachevée, était encore plus violente, plus sauvage, que ''Spartakus'', était tout à fait expressionniste. Le coeur bat, les genoux tremblent, l'amour s'y abîme. On y sent vibrer la peau du monde, le beau, le laid, le sale, le pur. Mais Max Reinhardt la refusa. Elle ne fut jouée qu'en 1923. ____________________________________________________________________________ _____ Cet échec humiliant fut cependant, pour Bertolt Brecht, jeune homme efflanqué à la casquette et au manteau de cuir rapé, l'occasion de faire connaissance avec le tourbillon de Berlin. Bien que fasciné par la capitale comme un jeune provincial pouvait l'être, il ne s'y sentait pas tout à fait à l'aise. Berlinois non de coeur, mais de raison, il était convaincu que les grandes cités étaient les foyers de tous les changements fondamentaux du siècle. Mais, mangeant à peine et logeant dans un réduit glacé, la vie misérable qu'il devait mener le fit complètement déchanter : «Il n'y a pas d'air dans cette ville, en ce lieu on ne peut pas vivre.« On le ramassa un jour en pleine rue, évanoui d'inanition. Au printemps 1922, il fut contraint de s'aliter. Des amis le firent conduire d'urgence à l'hôpital de la Charité. Pourtant, la même année, il fut joué pour la première fois sur scène : ____________________________________________________________________________ _____ "Trommeln in der Nacht" (1922) "Tambours dans la nuit" Comédie Une noce est en préparation, la fiancée étant enceinte. C'est alors que surgit Kragler, celui que tout le monde croyait mort, un revenant surgi de sa captivité en Afrique, pour réclamer la main de celle qui lui était promise avant la guerre. Commentaire L'espace de la pièce ne cesse de s'élargir, passant de la scène-salle à manger au cabaret expressionniste, puis aux rues et à tout l'espace de Berlin. Alors les destins individuels des personnages se fondent dans un grand mouvement collectif, dans le flux et, bientôt, le reflux de l'Histoire. Le point sensible de la pièce est sa fin, dont Brecht n'a jamais pu se satisfaire, comme le montre sa préface de 1955, ''En révisant mes premières pièces''. Il y allait du manque de perspectives, de la négativité improductive d'une prise de position, qui sans doute se refuse à la révolution, voudrait bien pactiser avec la condition bourgeoise, mais ne peut le faire qu'avec mauvaise conscience. L'atmosphère est imprégnée d'une ironie lyrique, d'une vitesse énigmatique, d'une poésie et d'une étrangeté qui la rapprochent de ''Baal'' ou de ''Dans la jungle des villes'', et qui doivent beaucoup au Rimbaud d'''Une saison en enfer''. Lion Feuchtwanger à qui Brecht avait fait lire son manuscrit parvint à imposer sa mise en scène, mais le persuada de l'intituler ''Tambours dans la nuit''. Elle allait être plusieurs fois réécrite et remaniée. Elle valut à Brecht le prestigieux prix Kleist. En 1954, il la commenta ainsi : « De mes premières pièces, la comédie ''Tambours dans la nuit'' est la plus à double tranchant. La rébellion contre une convention littéraire condamnable a failli conduire ici à la condamnation d'une grande rébellion sociale. La façon "normale", c'est-à- dire conventionnelle, de conduire la fable aurait, au soldat retour de la guerre qui se rallie à la révolution parce que sa petite amie s'est fiancée ailleurs, soit rendu soit définitivement refusé la jeune fille, mais, dans les deux cas, maintenu le soldat du côté de la révolution. Dans ''Tambours dans la nuit'', le soldat Kragler récupère sa petite amie, quoique "abîmée", et tourne le dos à la révolution. De toutes les variantes possibles, celle-ci paraît vraiment la plus sordide, d'autant plus que, de surcroît, un assentiment de l'écrivain de théâtre peut être entrevu. Je vois aujourd'hui que mon esprit de contradiction (je résiste au désir d'intercaler ici le mot "juvénile", étant donné que j'espère l'avoir à disposition, aujourd'hui encore, intégralement) m'a amené à la limite de l'absurde. « ____________________________________________________________________________ _____ "Im Dickicht der Städte" (1922) "Dans la jungle des villes" Drame À Chicago, Shlink, riche Malais négociant en bois, provoque au combat Georges Garga, petit employé de librairie, jeune homme décidé à devenir un adulte. Dans le match confus qui les met aux prises, sa fragilité ne cesse d'être sensible, bien qu'il soit le nouveau conquérant, alors qyue Shlink est le représentant condamné d'une époque révolue. Commentaire Écrite, de l'aveu même de Brecht, sous des influences hétéroclites (Rimbaud, Schiller, des spectacles forains et sportifs), c'est une ?uvre expérimentale dont le thème est la lutte contre l'idéalisme qui oriente notre comportement à tous dans la société actuelle. On y trouve lyrisme, délire et démesure. Chaque geste porte, chaque réplique est une action. L'opposition est saisissante entre un Shlink impassible et un garga aux mouvements saccadés, tantôt sûr de lui, tantôt faible et ne sachant plus trop où il va ____________________________________________________________________________ _____ En novembre 1923, le putsch de Hitler échoua. Brecht figurait sur la liste des personnes à emprisonner en cas de réussite, car il était devenu célèbre . En 1924, il devint "dramaturg" au "Deutsches Theater" de Max Rheinhardt, à Berlin. On y mit en scène ses pièces ou ses adaptations où il prenait progressivement un recul par rapport aux conventions expressionnistes du théâtre d'avant-garde de son époque : ____________________________________________________________________________ _____ ''Leben Eduards des Zweiten von England'' (1924) "La vie d'Édouard Il d'Angleterre" Drame Édouard II, roi d'Angleterre (1307-1327), n'a de passion que pour son favori, Galveston, un Français que son père avait banni. Son premier acte souverain à la mort de son père est de rapatrier son amant, malgré son épouse, l'aimante Isabelle de France. On constate l'ampleur de cet amour, sa subversion et l'hostilité à laquelle il doit se heurter. Faible, trop soumis à ses désirs et à ceux de son favori, il est incapable de gouverner convenablement. Il ignore les menaces de ses pairs et du puissant Mortimer, s'indigne de leur rébellion, sans prendre conscience de sa propre responsabilité et de la guerre que fomente l'aristocratie contre lui. Il sape ainsi les fondements de son propre pouvoir. Contre Édouard se liguent enfin son frère, le pacifique comte de Kent, l'orgueilleux Mortimer et l'amoureuse Isabelle qui mettront fin au chaos qui secouait tout le pays. Mettant à profit cette tendance morbide, ils le contraignent à abdiquer en faveur de son fils. Le roi déchu est assassiné dans sa prison. Commentaire C'est une adaptation du drame historique de Marlowe, "The troublesome raigne and lamentable death of Edward the second, king of England" (1592) qui est un drame de l'impuissance et de la misère humaine. ____________________________________________________________________________ _____ "Mann ist Mann" (1926) "Homme pour homme" Drame Livreur d'une petite épicerie, Galy Gay sort de chez lui un matin pour aller acheter du poisson. Croisant trois soldats, il se trouve embrigadé sous l'uniforme d'une grande armée de colonisation, parce qu'il manquait précisément quelqu'un sur les listes ce jour-là. Commentaire N'importe quel homme peut-il donc en remplacer un autre? Même et surtout lorsqu'il n'est que de la chair à canon? Comment se tenir debout et penser par soi-même alors qu'on se trouve pris dans un engrenage dépersonnalisant? Que vaut un individu face à la masse anonyme des soldats pris dans l'engrenage de la machine militaire? Qu'est-ce qu'un être humain? Ces questions longtemps travaillèrent Bertolt Brecht, qui y répondit de façon contrastée, logique et passionnante, avec aussi un humour corrosif, dans cette farce tragique ou parodie dramatique. Elle se déroule dans un Orient de rêve, un monde à transformations où les identités les mieux tranchées s'inversent au gré de simples changements atmosphériques, où l'imaginaire le plus débridé se mêle à la réalité crue et comique d'une humanité où personne ne semble irremplaçable. Brecht qui voulait que le jeu théâtral procure du plaisir a doté cette pièce- manifeste, où sont posés les fondements du théâtre épique, d'une belle part de mystère et de métamorphoses savoureuses. Homme paisible qui ne sait pas dire non, Galy Gay suit toujours celui qui lui fait miroiter la meilleure affaire, le berne ou le trompe le mieux. Sous la pression du contexte et des gens auxquels il est exposé, il devient interchangeable, son individualité s'éteint. Les conséquences de son aveuglement offriraient sans doute un spectacle franchement comique, s'il était possible de ne pas voir que ce ballot si bien roulé a quelque chose qui nous ressemble. Il se trouve manipulé, démonté, puis reconstruit comme sur une chaîne de montage. On assiste à la mort de «l'homme de caractère« et du libre-arbitre. Pour Brecht, «le problème de la pièce est la mauvaise collectivité (la bande) et son pouvoir de séduction«. Il dénonça la manipulation de l'être humain, en particulier dans l'armée, machine bien huilée à laquelle l'individu est assujetti, étant dépouillé de toutes ses particularités par la discipline militaire et la logique qui l'accompagne, transformé en machine de combat. Il développa une réflexion sur l'identité et la valeur d'un être humain en période de guerre. Il démontra l'absurdité des guerres qui ne profitent qu'à ceux qui savent en exploiter les possibilités d'affaires. Il fustigea la standardisation de la pensée, l'abrutissement collectif, la perte de l'identité et des points de vue personnels. ____________________________________________________________________________ _____ ''Die Kleinbürgerhochzeit'' (1926) "La noce chez les petits-bourgeois" Drame en un acte Sont réunies autour de la table du banquet deux générations (la troisième est en route, mais personne n'est censé le savoir) et toutes les variétés de l'état-civil, du veuf jusqu'à la fille à marier en passant par le vieux couple et l'ami célibataire. À mesure que la soirée avance, ses participants renoncent peu à peu à ce qui leur reste de bonnes manières et en profitent pour se dire leurs quatre vérités : tandis que le père cherche à tout prix à placer ses anecdotes, la meilleure amie de la mariée multiplie les allusions blessantes, et les autres convives ne valent guère mieux. Autour d'eux et sous leur poids, les meubles dont le marié était si fier pour les avoir construits de ses propres mains se déglinguent les uns après les autres - et la pièce s'achève après le départ des derniers invités sur le craquement bruyant du lit conjugal qui s'effondre à son tour. Commentaire D'après le témoignage d'un ami de Brecht qui le fréquentait à Augsbourg, il aurait composé dès l'automne 1919 une pièce intitulée ''La noce''. Mais elle ne sortit de ses tiroirs qu'en 1926, à l'occasion de sa création à Francfort. Une correction manuscrite de Brecht, remontant probablement à la deuxième moitié des années 20, compléta son titre, qui fut désormais ''La noce chez les petits-bourgeois''. Le texte, que Brecht n'a semble-t-il jamais révisé par la suite, ne fit l'objet d'une première publication, posthume, qu'en 1961. D'emblée, nous savons que va se déployer devant nous l'histoire d'une catastrophe. À peine le rideau est-il levé que nous comprenons les règles du jeu et pressentons qu'elles seront bafouées. Car ce jeu étriqué est celui de la prétention, de la convention et des apparences. Et il se joue dans un monde intemporel et sans issue, réduit aux quelques pièces d'un appartement qui ne pourra même pas être visité, l'action ne quittant à aucun moment le salon qui sombre grotesquement sous nos yeux. Aucune date, aucune allusion à un monde plus vaste, à un événement qui serait marquant. Tout au plus peut-on relever, de la part du plus jeune invité, une tentative de lancer la conversation sur une pièce de théâtre contemporaine, mais il s'agit de ''Baal'', comme si les malheureux convives, en cherchant à s'évader hors de leur huis clos brechtien pour rejoindre leur temps, ne pouvaient que retomber sur une autre oeuvre de Brecht et donc battre en retraite avec horreur. De toute façon cette tentative d'évasion était vouée à l'échec. Car nul ne sait comment, de quoi, à qui parler. Le père est un raseur, l'amie une langue de vipère, et si son mari est atteint de « marasme «, le jeune homme n'a que trop bonne mémoire pour réciter des platitudes de circonstance, tandis que l'ami ne chante que trop bien une chanson très mal choisie... Avec une sécheresse et une brièveté toute clinique, ''La noce'' constitue ainsi comme un petit catalogue de différentes formes pathologiques de discours creux ou aliéné. Les plats (qui à défaut des invités alimentent au moins leur conversation) rythment d'abord la marche vers le désastre, puis laissent la place aux meubles qui se fracassent l'un après l'autre, tandis que les convives, sous l'empire de l'alcool, se laissent chacun glisser sur sa propre pente fatale qui conduit au silence ou à l'injure. Certaines étapes de la soirée font partie d'un programme que les participants s'évertuent à respecter et qu'ils énoncent soigneusement comme pour combler le vide. On peut y voir, déjà, une sorte d'effet de distanciation à l'état sauvage, non encore théorisé : maintenant c'est le gâteau, maintenant il faut faire un discours, maintenant on danse... Ces étapes se multiplient, leur succession s'accélère jusqu'à devenir secrètement oppressante. D'autres sont involontaires, maladresses, malentendus et malfaçons qui parasitent et sabotent le déroulement de la cérémonie, semant le trouble et la discorde. Ces deux lignes, celle du menu et celle des imprévus, finissent par se<...
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« Né à Augsbourg , en Bavière, le 10 février 1898, dans une famille bourgeoise, il était le fils d’un employé dans une fabrique de papier qui en prit la direction en 1914, qui était catholique.

Mais il fut élevé dans le protestantisme de sa mère.

Il fut élève du « Gymnasium » d’Augsbourg dans la revue duquel, à l’âge de quinze ans, sous le pseudonyme de Bertold Eugen, il publia sa première pièce, ‘ ’La Bible’’ .

Puis il entreprit des études de philosophie puis de médecine à l’université de Munich, mais elles furent interrompues par la Première Guerre mondiale, quand il fut, en 1918, mobilisé comme infirmier dans un hôpital militaire à Augsbourg.

Cette expérience confirma sa profonde haine de la guerre, lui inspira son très violent poème atirique ‘ ’La ballade du soldat mort’’ , et raviva sa sympathie et sa ferveur pour le socialisme.

De cette époque datent sans doute ses premières ballades, dont ‘ ’La légende du soldat mort ’’, ainsi qu'une première version de ‘’ Baal ’’.

Après la guerre, toujours entre Augsbourg et Munich, ce jeune homme, maigre et mal rasé, à la tenue négligée, qui s'exprimait en dialecte souabe, fréquenta le milieu théâtral, s’y liant notamment avec Karl Valentin, qui lui inspira peut-être certaines de ses pièces en un acte, et le milieu révolutionnaire.

Il chanta ses poèmes dans les cabarets littéraires (dont celui de Karl Valentin) en s'accompagnant lui-même à la guitare.

Il participa activement, à Munich, à la révolution de novembre 1918 qui délivra l’Allemagne du militarisme et de l’impérialisme et vit la formation du Parti communiste allemand.

Fin janvier 1919, quelques jours à peine après l'écrasement de l'insurrection spartakiste à Berlin, il entreprit la rédaction d'une pièce qu'il acheva en six semaines : __________________________________________________________________________ _______ ‘’ Spartakus ’’ (1919) Drame U n soldat qui revient de guerre retrouve sa fiancée engrossée par un autre, se fait jeter dehors par les riches parents de la demoiselle, fréquente les bistrots et les rues du prolétariat, excite les travailleurs à la révolution et se met à leur tête pour prendre d'assaut le quartier des journaux.

Arrivé à ce point, le manuscrit partait dans différentes directions.

Plusieurs variantes étaient proposées.

Dans l'une d'elles, tout à fait caractéristique, la jeune femme rejoint son soldat en plein combat, et celui-ci, maintenant qu'il l'a récupérée, laisse tomber la révolution, prend avec lui la jeune fille (bien qu'un peu « abîmée ») et s'en va.

Il en a jusque-là, la révolution, c'est bon pour les affamés ; maintenant il rentre chez lui, où un grand lit blanc est tout prêt Commentaire Alors que l'expressionnisme était très à la mode, la pièce était plutôt une ballade dramatique lancée d'un seul trait, sous une forme très peu littéraire.

Les personnages y parlaient une langue hors des modes, sauvage, puissante, colorée, qui n'était pas puisée dans les livres mais tirée de la bouche du peuple.

__________________________________________________________________________ _______ ‘ ’Hans im Glück’’ (1919) ‘ ’Jean la chance’’ Pièce de théâtre Jean est un paysan simple et naïf, qui se laisse (bien) vivre dans sa ferme-auberge avec sa femme.

Arrive un homme de la ville qui la séduit.

Elle quitte Jean et lui laisse la ferme.

Jean échange la ferme contre deux charrettes, une charrette contre l’amitié, la seconde contre un manège, le manège contre une oie, l’oie contre la compagnie des hommes… Il est finalement dépouillé de tout.

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