« Les rives s'éloignent. Ma mort approche » ► Montrez ce qui peut justifier le rapprochement de ces trois auteurs, dans leur vision de l’enfance comme dans la démarche qu’ils choisissent pour l’évoquer.
Publié le 09/09/2018
Extrait du document
Documents_
A - Colette, Sido, 1929.
B - Albert Cohen, Le Livre de ma mère, 1954.
C - Simone de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958.
■ Comprendre la question
• « ce qui justifie le rapprochement... »: cette expression suppose la même démarche que celle d’un commentaire littéraire comparé. Mais votre réponse ne doit pas prendre l’ampleur d’un travail d’écriture.
• La consigne vous indique déjà deux pistes pour justifier la constitution du corpus : le thème (« l’enfance ») et la perspective sur ce thème (« vision ») d’une part, l’écriture des textes (« démarche [...] pour l’évoquer ») d’autre part.
• Composez la « définition » des trois textes, l’une en dessous de l’autre : les ressemblances apparaîtront clairement.
Extrait d’autobiographie (genre) qui raconte (type de texte) et évoque des moments de l’enfance du narrateur (thème), lyrique (registre), accumulatif (adjectif), pour célébrer l’enfance et la mère (buts).
«
15 de raie, à mes camarades d'école, qui les séchaient entre les pages de
l'atlas -tout le chaud jardin se nourrissait d'une lumière jaune, à
tremblements rouges et violets, mais je ne pourrais dire si ce rouge,
ce violet dépenda ient, dépendent encore d'un sentimen tal bonheur
ou d'un éblouissement optique.
Étés réverbérés par le gravier jaune
20 et chaud, étés traversant le jonc tressé de mes grands chapeaux, étés
presque sans nuits ...
Car j'aimais tant l'aube, déjà, que ma mère
me l'accordait en récompense.
J'obtenais qu'elle m'éveillât à trois
heures et demie, et je m'en allais, un panier vide à chaque bras, vers
des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la
25 rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues.
À trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel,
humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le
brouillard retenu par son poids baignait d'abord mes jambes, puis
mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres , mes oreilles et mes
30 narines plus sensibles que tout le reste de mon corps ...
J'allais
seule, ce pays mal pensant était sans dangers .
C'e st sur ce chemin,
c'est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d'un état
de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souile
accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son
35 éclosion ...
Ma mère me laissait partir, après m'avoir nommée «Beauté,
Joyau-tout-en -or» ; elle regardait courir et décroître sur la pente
son œuvre, - « chef-d' œuvre » disait-elle.
J'étais peut-être jolie ; ma
mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours
4o d'accord ...
Je l'étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause
des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne
seraient lissés qu'à mon retour, et de ma supériorité d'enfant
éveillée sur les autres enfants endormis.
Je revenais à la cloche de la première messe.
Mais pas avant
45 d'avoir mangé mon saoul\ pas avant d'avoir, dans les bois, décrit
un grand circuit de chien qui chasse seul, et goûté l'eau de deux
sources perdues, que je révér ais.
L'une se haussait hors de la terre
par une convul sion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle
même son lit sableux.
Elle se décourageait aussitôt née et replon-
50 geait sous la terre .
L'autre source, presque invisible, froissait l'herbe
comme un serpent, s'étalait secrète au centre d'un pré où des nar
cisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence.
La première
avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de
jacinth e...
Rien qu'à parler d'elles, je souhaite que leur saveur.
»
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