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LES ROMANS BRETONS

Publié le 31/05/2012

Extrait du document

Nos aïeux faisaient une prodigieuse consommation de littérature romanesque. Ces bonnes gens, vrais enfants, qui ne savaient rien et ne pensaient guère, n'aimaient rien tant que de se faire conter des histoires. Ils en voulaient et toujours plus et toujours d'autres. Au reste ils ne tenaient pas plus aux sujets nationaux qu'à d'autres, maintenant qu'ils n'y prenaient plus qu'un intérèt de curiosité. On estimait seulement les chansons de geste plus vraies : mais on accueillait tout ce qui amusait : en sorte que, du xw siècle au XIVe, une intense fabrication jeta dans la circulation une masse énorme de récits de toute nature et de toute provenance....

« LES ROMANS BRETONS.

43 reciter devant les nobles et les bourgeois, que celle où tous les exploits de Godefroy de Bouillon seraient relatés au vrai : il com­ pila dans les chroniques latines la Chan.~on d'Antioche, quelque vingt- cinq ans après les événements.

Un autre la continua, et fit.

la chanson de Jérusalem, d'après la tradition orale qui s'était étn.blie dans l'armée même des croisés.

Le succès de ces émou­ vantes histoires en fit le noyau d'un cycle qui se développa selon les procédés qu'on a indiqués plus haut : le récit de la croisade se prolongea à travers toute sorte d'inventions romanesques, du plus vulgaire et souvent du plus grossier caractère, tandjs que le héros central de la geste, le grand Godefroy de Bouillon, était doté d'une généalogie fabuleuse où s'insérait la merveilleuse légende du chevalier au Cy gue 1 • Puis apparut ce qu'on a appelé le cycle de l'antiquité 2 : des poètes savants, qui lisaient les livres latins, y remarquèrent mille choses merveilleuses qui pouvaient se mettre en clair français à la grande joie du public illettré.

L'un ilt une chanson de geste de la vie d'Alexandre, telle que le faux Callisthène l'avait racontée, et la chevauchée du roi macédonien à travers l'immense Asie et l'Inde prodigieuse, le caractère du héros, type accompli de vaillance et de largesse chevaleresques, eurent le succès le plus populaire.

Un , autre mit en roman le siège de Troie, non d'après Homère sans doute, ce témoin mal informé : mais il lisait les mémoires du Crétois Dictys, un des assiégeants, ceux surtout du Phrygien Darès, qui fut dans la ville assiégée; et c'était là de bons témoins, qui n'ignoraient rien et ne laissaient rien ignorer.

Virgile y passa ensuite, puis Stace, puis Lucain, puis Ovide : Enée, Œdipe, César, tous les personnages des 1l1étnm01·phoses défilèrent sous les yeux de nos Français émerveillés.

Cependant d'autres poètes avaient écouté les harpeur~ bretons et -~-llois, et tout le m?nde celtique, _Tr~stan et Y seult~ ~rthu~ et Gemevre, Lancelot, Yvam, Perceval, faisaient leur apparitiOn, heros plus étranges, plus captivants que tous les héros anciens par l'imprévu des aventures et la nouveauté des sentiments.

Ce n'était pas tout encore : selon le hasard.

qui présidait à la vie des écrivains, selon le livre qui leur tombait entre les mains, le voyageur ou le croisé qu'ils avaient entendu, selon enfin rJu'eux­ mêmes avaient été promener leur curiosité en telle province ou en 1.

Légende identique à celle qui fait le sujet de Lohengrin.

2.

Éditions : Roman de Troie, éd.

Joly, 1870, in-4.

Roman de Thèbes, éd.

Con­ stans, 2 vol., in-8 (Soc.

des anc.

textes, 1890).

Roman d'Eneas {Bibl.

Normunnica, t.

IV, Halle, in-8, 1891).- A consulter : P.

Meyer, Alexandre le Grand dans/a: lit­ tératm·e française au moyen âge, 2 vol., 1886; Joly, Benoit de Sainte-More et le Romrzn de Troie.. »

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