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LES SOURCES DES ORATEURS DE LA REVOLUTION FRANÇAISE

Publié le 10/09/2018

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n'était plus à la mode et apparaissait comme un divertissement digne seulement d'un âge plus frivole : on n'en trouve à peu près aucune trace dans les discours les plus solides, de la Constituante jusqu'à la Convention. La critique aristocratique de Voltaire, trop chargée de rancunes personnelles, trop limitée dans sa portée, trop superficielle dans son esprit, réapparaît plutôt dans la bouche des aristocrates libéraux en 1789, et bientôt repentis et réactionnaires, que chez les artisans de l'œuvre révolutionnaire.

 

Par contre, l'inspiration maîtresse de l'œuvre des philosophes se dégage dans toute sa force et son unité.

 

S'il nous est impossible d'analyser ici, dans le détail, l'apport de chaque penseur aux différents orateurs, nous pouvons du moins, très schématiquement, déterminer des aires d'influence. Nous avons distingué (voir p. 31) trois moments principaux dans le développement de la Révolution depuis le 5 mai 1789 jusqu'au 9 thermidor de l'an II, suivant la classe sociale qui détient l'hégémonie : la noblesse libérale, la grande bourgeoisie industrielle et commerçante, la démocratie populaire. À chacune de ces principales phases correspond l'apogée de l'influence des trois plus grands maîtres de la philosophie du XVIIIe siècle : Montesquieu, Diderot, Rousseau.

 

L'âge de Montesquieu

 

Montesquieu, dont le témoignage fut si souvent invoqué dans les premiers temps de la Révolution, apparut à ses disciples comme le réformateur idéal. L'avant garde de la noblesse n'avait pas ménagé ses applaudissements aux rationalistes de l'Encyclopédie. Elle attendait en effet de la révolution technique du XVIIIe siècle un accroissement de la rentabilité de la terre. Aussi voyait elle sans déplaisir appliquer aux problèmes politiques et sociaux les méthodes de la science bienfaisante qu'elle encourageait de ses sympathies. Non seulement aimait elle le style frondeur et spirituel des Lettres persanes, mais elle goûtait fort la prudence de l'auteur de l'Esprit des lois. Il ne

L'évolution philosophique de l'éloquence révolutionnaire

 

Le caractère primordial de la pensée dans le siècle des Lumières, est très proche de celui des meilleures œuvres de la Renaissance : un foisonnement intellectuel prodigieux ; des œuvres d'une richesse étonnante et parfois monstrueuse par la multiplicité des directions divergentes et souvent contradictoires de sa recherche.

 

Comme chez Rabelais, comme chez Montaigne, il serait aisé de trouver dans Montesquieu ou Rousseau des justifications pour des lignes d'action extrêmement différentes. Le diversité des interprétations de ces écrivains, suivant les préférences du critique ou les circonstances momentanées, constituerait déjà une preuve suffisante.

 

Dans l'action révolutionnaire et dans l'inspiration oratoire des tribuns, un triage d'idées s'effectue, de plus en plus rigoureux, et tendant toujours davantage à ne dégager d'un auteur que ce que le peuple, prenant en main ses propres destinées, découvrait en lui de plus fraternel. On n'hésite pas, cependant, à marier dans la rapidité d'une synthèse oratoire parfois peu rigoureuse les héritages conceptuels les plus divers, voire les plus antagonistes au départ.

 

Dès que les problèmes de la France nouvelle se posèrent devant les constructeurs révolutionnaires, tout ce qui, dans les productions du siècle, n'était que critique destructive, perdit toute influence. L'universel scepticisme de Bayle (1647 1706)

s'agissait là que de rajeunir, en l'adaptant aux conditions nouvelles de la vie, la vieille monarchie féodale.

 

Le \"gouvernement gothique\", celui de la France médiévale, était excellent aux yeux de Montesquieu : c'était le plus « tempéré » qui se puisse concevoir. Un roi qui commande, des corps intermédiaires, comme la noblesse et les parlements, capables de le contrôler, un pouvoir judiciaire indépendant qui ait le dépôt des lois, telle est l'idée de Montesquieu. Il ne fallait pas pour cela bouleverser le régime jusqu'en ses fondements, mais simplement éliminer le despotisme introduit dans la monarchie française par les mauvais génies du dernier siècle : Richelieu, Louis XIV, Louvois.

 

Dès que la Révolution dépassa les limites où la noblesse libérale des « monarchiens » voulait la contenir, l'influence de Montesquieu diminua. La grande bourgeoisie, avec ses intel lectuels et ses capitalistes, lui savait encore gré d'avoir considéré la fortune comme une garantie pour exercer les principales fonctions sociales, celles de la magistrature en particulier, et d'avoir insisté sur la nécessité d'une démocratie limitée à ceux qui possédaient l'éducation.

 

Montesquieu n'avait déjà plus un rôle positif : il était une arme d'opposition contre les progrès de la démocratie pure. Cette démocratie restait, chez Montesquieu, très théorique et limitée aux grands modèles de l'Antiquité. Et sa théorie de la séparation des pouvoirs, après avoir été une arme contre le centralisme monarchique, fut tournée, plus vigoureusement encore, contre la dictature jacobine. D'ailleurs, l'équilibre laborieux du gouvernement mixte dont rêvait Montesquieu, où se mêlaient subtilement une monarchie sans despotisme, une aristocratie sans égoïsme de caste, une démocratie sans démagogie anarchique, n'était point une formule des temps d'orage. Et Montesquieu ne fut bien vite autre chose, pour ceux qui l'invoquaient, que le symbole même de la lutte contre le despotisme.

« n'était plus à la mode et apparaissait comme un divertissement digne seulement d'un âge plus frivole : on n'en trouve à peu près aucune trace dans les discours les plus solides, de la Constituante jusqu'à la Convention.

La critique aristocratique de Voltaire, trop chargée de rancunes personnelles, trop limitée dans sa portée, trop superficielle dans son esprit, réapparaît plutôt dans la bouche des aristocrates libéraux en 1789, et bientôt repentis et réactionnaires, que chez les artisans de l'œuvre révolutionnaire.

Par contre, l'inspiration maîtresse de l'œuvre des philosophes se dégage dans toute sa force et son unité.

S'il nous est impossible d'analyser ici, dans le détail, l'apport de chaque penseur aux différents orateurs, nous pouvons du moins, très schématiquement, déterminer des aires d'influence.

Nous avons distingué (voir p.

31) trois moments principaux dans le développement de la Révolution depuis le 5 mai 1789 jusqu'au 9 thermidor de l'an II, suivant la classe sociale qui détient l'hégémonie : la noblesse libérale, la grande bourgeoisie industrielle et commerçante, la démocratie populaire.

À chacune de ces principales phases correspond l'apogée de l'influence des trois plus grands maîtres de la philosophie du XVIII" siècle : Montesquieu, Diderot, Rousseau.

L'âge de Montesquieu Montesquieu, dont le témoignage fut si souvent invoqué dans les premiers temps de la Révolution, apparut à ses disciples comme le réformateur idéal.

L'avant garde de la noblesse n'avait pas ménagé ses applaudissements aux rationalistes de l'Encyclo pédie.

Elle attendait en effet de la révolution technique du XVIII" siècle un accroissement de la rentabilité de la terre.

Aussi voyait elle sans déplaisir appliquer aux problèmes politiques et sociaux les méthodes de la science bienfaisante qu'elle encourageait de ses sympathies.

Non seulement aimait elle le style frondeur et spirituel des Lettres persanes, mais elle goûtait fort la prudence de l'auteur de l'Esprit des lois.

Il ne. »

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