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Les thèmes dans Antigone d'Anouilh

Publié le 23/01/2020

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antigone

de l’enfance, la possibilité de croire que les choses sont belles, bonnes et durables. Elle ne veut ni attendre ni transiger : il lui faut l’absolu : « Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d’un petit morceau si j’ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd’hui et que cela soit aussi beau que quand j’étais petite - ou mourir. » Dès lors elle n’a rien à faire d’une vie où tout s’use et se monnaye. Tout ou rien. Même Créon semble partager à la fin de la pièce les idées de sa nièce, puisqu’il envie l’innocence et la fraîcheur de son petit page.

CRÉON : ... Ce qu’il faudrait, c’est ne jamais savoir. Il te tarde d’être grand, toi?

le page : Oh oui, monsieur!

CRÉON : Tu es fou, petit. Il faudrait ne jamais devenir grand (p. 206).

De cette réflexion désabusée, Créon ne tirera pas de conséquences pratiques, mais Antigone, frustrée de son enfance éternelle et chassée de son paradis, ira jusqu’au bout : jusqu’à la mort. Le thème du suicide se trouve ainsi nécessairement lié au précédent.

LE SUICIDE

On a vu en effet comment Antigone, ayant choisi d’abord de dire non à Créon, dira finalement non au bonheur, et non à la vie. Elle est donc elle-même l’artisan de sa mort, ayant tout fait pour la rendre inévitable. Son oncle avait pourtant essayé désespérément de la sauver, et elle avait été sur le point de céder quand il lui avait dévoilé la vérité sur ses deux frères. Mais c’est l’évocation du « bonheur » qui l’attend, de la pauvre vie à laquelle elle est condamnée, une vie de compromission et de lâcheté où se dégraderait son idéal d’absolu, c’est la hantise de perdre sa pureté qui provoqueront chez elle le réflexe de révolte et l’amèneront à vouloir la mort. « Allons, vite, cuisinier! Appelle tes gardes! » s’écrie-t-elle, sachant qu’elle signe sa condamnation.

Ce processus « résistance - défaillance - sursaut », on peut le retrouver dans deux autres pièces d’Anouilh que nous avons souvent évoquées à propos à’Antigone. Et d’abord dans L’Alouette.

LA SOLITUDE

Le premier est celui de la solitude. Commençons par un exemple caractéristique. Dans la pièce grecque, la foule soutient Antigone contre Créon. Anouilh a voulu au contraire que la jeune fille soit seule en face du monde. « Toute la ville hurlante » est massée aux portes du palais, et réclame la mort de l’insoumise. Au Choeur qui propose de gagner du temps et de faire fuir Antigone, Créon répond : « La foule sait déjà, elle hurle autour du palais. Je ne peux pas. » Dès le début, on nous a prévenus qu'Antigone allait se heurter à l’incompréhension ou à l’hostilité générales. On la traite de folle, et le dialogue ne sert qu’à souligner l’impossible communication avec les êtres qui l’entourent, avec la nourrice, avec Ismène, avec Hémon, avec le garde, avec Créon bien sûr. C’est un dialogue de sourds. Sans doute Antigone est-elle isolée aussi par son entêtement, par sa volonté de ne pas comprendre les autres, mais c’est qu’elle appartient déjà à un monde où les mots n’ont pas le même sens. Ce n’est qu’à la fin, à l’heure où elle va mourir, qu’elle déplore l’absence de chaleur humaine : « Deux bêtes se serreraient l’une contre l’autre pour se faire chaud. Je suis toute seule. » Mais elle avait jusque-là revendiqué orgueilleusement sa différence.

Pourtant cette solitude n’est pas le propre d’Antigone. Les principaux personnages de la pièce connaissent la réalité du « délaissement » ou de la « déréliction » pour parler en termes existentialistes. Créon en particulier. Le Chœur ne dit-il pas dès le début que sa femme, Eurydice, « bonne, digne, aimante », ne lui est d’aucun secours ? « Créon est seul. Seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non

antigone

« plus pour lui.

" " Tu es tout seul, maintenant, Créon " lui dit le Chœur à la fin de la pièce.

Et n'a-t-il pas été tout le temps seul, face à une tâche absurde qu'il accomplissait sans y croire et commandant à des hommes qu'il méprisait? Quand.

son fils lui crie : " Je suis trop seul, et le monde est trop nu si je ne peux plus t'admirer '" que fait-il? Se rapproche-t-il de lui et le prend-il dans ses bras? Non : il le détache de lui et confirme ses paroles: "On est tout seul, Hémon, le monde est nu.

Et tu m'as admiré trop longtemps.

" Quitte à abuser de la répétition, nous avons tenu à montrer par ces citations à quel point le mot seul est une des clés de la pièce.

L'ENFANCE Il est un autre adjectif révélateur, qui revient comme un leitmotiv : c'est le mot petit.

Il est utilisé plus de 70 fois, et ce n'est pas un hasard.

Il accompagne presque toujours le nom d'Antigone.

Antigone, ".c'est la petite maigre ,,.,, la nourrice l'appelle " ma petite >>, Ismène " ma petite sœur "; le garde la traite de " petite hyène " et la compare à une " petite bête ,,.,, Créon la considère comme une " petite fille " ·avant de lui trouver l'air d'un " petit gibier pris "; et de la qualifier de " petite peste '" de " petite furie " ou de " petite idiote "; et pour finir, le Chœur nous dit que " sans la petite Antigone '" nous aurions tous été bien tranquilles...

Mais ce qu'il y a de plus curieux, c'est qu'Antigone elle-même sent qu'elle est encore une enfant, et qu'elle n'est pas de taille à jouer son rôle.

A quoi sert la nourrice, sinon à souligner par sa présence la fragilité de celle qui se blottit dans ses bras en l'appelant " nounou "? Et tous ces symboles que sont Douce, la chienne d'Antigone avec sa bonne grosse tête, et cette petite pelle de fer, qui lui servait à faire des châteaux de sable sur la plage, et avec laquelle elle a recouvert le corps de son frère, et cette fleur de papier que Polynice lui avait rapportée d'une soirée et qu'elle avait conservée précieuse­ ment, et cette poupée que Créon lui avait donnée il n'y a pas si longtemps ? Que l'on ajoute l'évocation du " petit garçon " qu' Anti­ gone " a eu en rêve " avec Hémon, et la présence du petit page auprès de Créon, et l'on aura tous les éléments de cet - 53 -. »

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