Devoir de Philosophie

Les trois versions de Tartuffe (Molière)

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

La première version de 1664 La première version du Tartuffe portait pour titre L'Hypocrite. C'était, à un détail près, le titre de la satire de Garaby Luzerne, le détail étant le mot « dévot » que Molière avait pris la précaution d'effacer. Avant même que la pièce soit représentée à Versailles, les membres de la Compagnie avaient été avertis par leurs espions de ce qui se tramait contre eux. Les Annales de la Compagnie du Saint-Sacrement de d'Argenson, principale source sur les activités de la société, rapportent qu'au cours d'une réunion, en date du 17 avril 1664, «on parla fort ce jour-là de travailler à procurer la suppression de la méchante comédie de Tartuffe. Chacun se chargea d'en parler à ses amis qui avaient quelque crédit à la cour pour empêcher sa représentation. » Les « fuites » s'expliquent par des lectures du Tartuffe qui avaient été données avant cette date, l'une devant le Roi, l'autre chez Ninon de Lenclos, courtisane célèbre par son libertinage de pensée plus encore que de moeurs.

« son côté.Ce même mois d'août, l'auteur de L'Hypocrite va tenter une démarche habile pour se prémunir contre les foudresecclésiastiques.

Le légat du pape, le cardinal Chigi, étant venu négocier des affaires importantes avec le Roi deFrance, Molière lui donna lecture de sa pièce.Fin courtisan et, de plus, homme de goût, le cardinal, connaissant les convictions intimes du Roi, approuva Molièrequi ne manquera pas de se recommander de cet avis autorisé pour se laver des accusations portées par le curéRoullé.Cependant le parti dévot, soutenu par la Reine mère, était encore trop fort pour que le Roi puisse le braverouvertement.

De son côté, Molière a amendé son œuvre pour la rendre moins choquante.

L'Hypocrite qu'il faitreprésenter au Raincy devant Condé a déjà cinq actes au lieu de trois.

La première version s'achevait sur letriomphe de l'Hypocrite au troisième acte.

En faisant rebondir l'intrigue dans les deux derniers actes, Molière donnaità cette sombre histoire de trahison et de complot un dénouement heureux.Il faisait ainsi coup double.

Il atténuait la vigueur et le pessimisme de la satire, mais il laissait prévoir aussi qu'un jourviendrait où les hypocrites seraient vaincus.

L'hommage à la sagesse et à la puissance du Roi contenu dansl'épilogue était riche de signification politique. La deuxième version de 1667 Le 5 août 1667, Molière donnait sur son théâtre du Palais-Royal une deuxième version de Tartuffe.

Sa comédies'appelait Panulphe ou l'Imposteur.

Le changement de titre indiquait la volonté de l'auteur de rendre sa comédie plus« présentable ».

Déjà l'essentiel des remaniements consentis par Molière semblent aller dans deux sens :, empêcherque l'on attribue à son « imposteur » la qualité d'un homme d'Eglise et surtout insister sur l'individualité de sonpersonnage et sur la valeur seulement anecdotique du sujet.

Il fallait pour désarmer les critiques, ôter à l'un et àl'autre tout caractère représentatif.

Panulphe était homme d'épée, son « imposture » ne concernait que lui.En dépit de ces précautions, les gens avertis reconnurent Tartuffe dans Panulphe et surent lire sous l'histoire d'uneimposture particulière une hypocrisie qui était la marque distinctive de la redoutable confrérie.Le Roi était aux armées, en Flandre.

Il avait probablement donné à Molière avant de partir des assurances verbalesqui expliquent la liberté que celui-ci avait prise de faire représenter la pièce, alors que l'interdiction qui pesait surL'Hypocrite n'était toujours pas levée.Le public ne s'y laissa pas tromper, les membres de la secte non plus.

La Compagnie avait été officiellement dissouteen 1666, ce qui explique aussi, peut-être, la décision de Molière.

Mais le parti dévot montra, en la circonstance, qu'ilétait toujours vigilant et actif.Le lendemain de la représentation le président de Lamoignon prononça l'interdiction de Panulphe, signifiée parhuissier aux comédiens.

Le 11 août l'archevêque de Paris menaça d'excommunication quiconque verrait ou entendraitcette pièce diabolique.

Ainsi, même les lectures ou représentations privées étaient devenues impossibles!.Molière réagit en prenant de nouveau le Roi pour arbitre.

Le 8 août, deux comédiens de la troupe, La Grange et LaThorillière partirent pour Lille où se trouvait le Roi.

Ils étaient porteurs d'un placet adressé par Molière à sonprotecteur.

Le Roi ne put les recevoir mais leur transmit des promesses rassurantes, leur donnant à espérer qu'ilspourraient jouer la pièce.Molière tenta également sans succès de fléchir le président de Lamoignon.

Celui-ci coupa court brutalement autantque dévotement à l'entretien, ce qui inspira à Molière le jeu de scène qu'il prêtera à Tartuffe qui met fin pareillementà sa conversation avec Cléante à la première scène du quatrième acte, dans la version définitive.Cette unique représentation de Panulphe a donné lieu à un document important, une Lettre sur la comédie del'Imposteur qui contenait un résumé et une analyse de la pièce telle qu'elle avait été donnée dans cette deuxièmeversion.

Ce texte prouve que Panulphe différait très peu du Tartuffe que nous connaissons, celui de la dernièreversion, de 1669. La version définitive de 1669 Finalement Tartuffe fut représenté le 5 août 1669, dans la salle du Palais-Royal.

La situation politique avait évolué.La Reine mère était morte et les dévots avaient perdu avec elle leur plus ferme soutien.

Le Roi avait conclu enjanvier 1669.

avec le Pape, la Paix de l'Eglise, un accord qui réglait toutes les questions religieuses.

Désormais LouisXIV avait les mains libres.

La Compagnie n'était plus appuyée par le Vatican.

Elle était, en outre, en butte àl'hostilité croissante de Colbert.Enfin, Louis XIV n'entendait pas être entravé dans ses amours avec Mme de Montespan comme il l'avait été avecMlle de la Vallière que les sermons du terrible Bossuet avaient fait fuir dans un couvent, d'où son royal amant l'avait,d'ailleurs, tirée.L'autorisation de représenter Tartuffe coïncide avec l'accession de Louis XIV à la puissance absolue.Molière avait pour sa part fait de nouvelles concessions par rapport à la deuxième version.

Il avait atténué sesattaques contre la casuistique, écourté ou supprimé certaines tirades qui sentaient par trop le soufre.

L'affaireTartuffe était terminée.

Tartuffe pouvait commencer enfin à vivre sa propre vie.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles