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Lettre à Boileau sur Ronsard

Publié le 15/02/2012

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La Fontaine, grand appréciateur du XVIe siècle et de la Renaissance, reproche à Boileau la sévérité de son jugement sur Ronsard. Tout en admettant que le chef de la Pléiade est allé trop loin, il trouve beaucoup à admirer dans son oeuvre et croit que le XVIIe siècle lui-même, sans en avoir conscience, a profité de sa réforme. Il se plaint que l'imagination soit traitée en suspecte et que la poésie lyrique joue un rôle si effacé dans le système littéraire dont Boileau vient de promulguer le code. Vous traiterez ce sujet sous forme de lettre....

boileau

« Marot, que vous avez loues, Ronsard aime le francais, park francais.

« C'est un crime de lose-majeste, dit-il encore, d'abandonner le langage de son pays, vivant et Florissant, pour vouloir deterrer je ne sais quelk cendre des anciens.

3.

Les latineurs et les grecaniseurs, nul ne les a plus befoues que lui; m'est avis qu'il aurait signs la page on Francois Rabelais se moque tie Pee° Her limousin qui deambulait par les compiles de l'urbe.

« Je to veux encore avertir, dit Ronsard dans son Abrege d'art poetique, de n'ecor- cher point le latin comme nos devanciers qui ont sottement tire des Romains une infinite de vocables strangers, vu qu'il y en avait d'aussi bons en notre propre langage.

Ce qu'il a voulu, son disciple Joachim du Bellay nous l'apprend, puisque la Deffence et Illustration de la langue francoyse semble Men etre de l'ins- piration mime de Ronsard : c'est inviter les anciens, se transformer en eux, les devorer et, apres les avoir Bien digeres, les transformer en sang et en nourriture.

Or, parce gull a smite les anciens mieux qu'on ne l'avait fait jusqu'a lui, ne devrait-il pas etre seine comme le precurseur, le chef, l'initiateur de nos ecrivains d'aujourd'hui? H a &passe le but; son imi- tation, surtout dans les Odes, a etc servile ; mais encore est-il qu'il a rnon- tre la voie a ceux qui I'ont suivi, et qui ont profits de ses erreurs meme.

Vous m'allez sans doute contredire par les propres aveux de Ronsard : Les Francais qui mes vers liront S'ils ne sont et Grecs et Romains, Au lieu de ce livre n'auront Qu'un pesant faix entre les mains. Mais i1 faut s'entendre.

Par Grecs et Romains, Ronsard designe non des Francais, verses dans la langue de Rome et d'Athenes, mais de la mytho- logic a laquelle it fait d'incessants emprunts.

Au temoignage d'Agrippa d'Aubigne, Ronsard a recommande par testa- ment a ses disciples de defendre la langue francaise contre les entreprises des pedants; Mies! ces pedants furent ceux-la mimes qui avaient recu mission de respecter notre idiome.

Si les sieurs du Bar -tas et de Baif ont -Wahl :ses intentions de leur maitre, faut-il l'en rendre responsable? Ronsard voulait illustrer notre vocabulaire en y donnant asile aux mots de patois et aux expressions empruntees des arts mecaniques; Malherbe n'a point admis ces essais, qui semblent condamnes pour longtemps.

Mais n'a-t-il point etc trop severe, et nombre de mots qu'il .a si impitoyablement traites n'etaient-ils pas pleins de sens, hauts, en relief et commodes a em- ployer ? Et lors mime qu'il serail acquis que Ronsard s'est tromps en voulant enrichir le frangais, ses reformes en poesie suffiraient a sauver son nom de l'oubli.

Il a une noble idee du poete : pour Id, ce n'est pas un faiseur de mignardises, de menus fatras, de vers &heats, mais un elu, un inspire : Le don de poesie est semblable a ce feu Satttant et jaillissant, jetant de toutes parts Par l'obscur de la nutt de grand -s rayons spars 1. Vous ne voulez pas, Monsieur, que le poste rende sa muse venale et fasse metier de rimeur; Ronsard avait dit avant vans glen doit ...forcer le trepas par longue renommee, D'une divine flamme allumer les esprits, Avoir d'un ecrur hautain le vulgaire a mapris, Ne priser que l'honneur et la gloire cherchee Et toujours dans le ciel avoir l'dme attachee 2. Enfin, a mon avis, on ne saurait trop louer Ronsard d'avoir aime la nature, d'en avoir su dire les graces, les harmonies et les tendresses.

Vante qui voudra l'exaltation passionnee des Sonnets a Cassandre ou des Sonnets a Marie, des Odes ou des Amours; me rappellent les soupirs de Tibulle, et je n'aime pas ce voluptueux.

Mais la poesie sur les Barbera= de la foret de Gastine me ravit et je souhaiterais fort que nos auteurs ne nous eussent 1.

Preface de la Franciade.

2.

Discours a J.

Grevin. Marot, que vous avez loués, Ronsard aime le français, parle français.

« C'est un crime de lèse-majesté, dit-il encore, d'abandonner le langage de son pays, vivant et florissant, pour vouloir déterrer je ne sais quelle cendre des anciens.» Les latineurs et les grécaniseurs, nul ne les a plus bafoués que lui; m'est avis qu'il aurait signé la page où François Rabelais se moque de l'écolier limousin qui déambulait par les compiles de l'urbe.

«Je te veux encore avertir, dit Ronsard dans son Abrégé d'art poétique, de n'écor­ cher point le latin comme nos devanciers qui ont sottement tiré des Romams une infinité de vocables étrangers, vu qu'il y en avait d'aussi bons en notre propre langage.

» Ce qu'il a voulu, son disciple Joachim du Bellay nous l'apprend, puisque la Deffence et Illustration de la langue françoyse semble bien être de l'ins­ piration même de Ronsard : c'est imiter les anciens, se transformer en eux, les dévorer et, après les avoir bien digérés, les transformer en sang et en nourriture.

Or, parce qu'il a imité les anciens mieux qu'on ne l'avait faH jusqu'à lui, ne devrait-il pas être salué comme le précurseur, le chef, l'initiateur de nos écrivains d'aujourd'hui? Il a dépassé le but; ron imi­ tation, surtout dans les Odes, a été servile ; mais encore est-il qu'il a mon­ tré la voie à ceux qui l'ont suivi, et qui ont profité de ses erreurs même.

Vous m'allez sans doute contredire par les propres aveux de Ronsard : Les Français qui mes uers liront S'ils ne sont et Grecs et Romains, Au lieu de ce liure n'auront Qu'un pesant faix entre les mains.

Mais il faut s'entendre.

Par 'Grecs et Romains, Ronsard désigne non des Français, versés dans la langue de Rome et d'Athènes, mais de la mytho­ logie à laquelle il fait d'incessants emprunts.

Au témoignage d'Agrippa d'Aubigné, Ronsard a recommandé par testa­ ment à ses disciples de défendre la langue française contre les entreprises des pédants; hélas! ces pédants furent ceux-là mêmes qui avaient reçu mission de respecter notre idiome.

Si les sieurs du Bartas et de Baïf ont trahi les intentions de leur maître, faut-il l'en rendre responsable? Ronsard voulait illustrer notre vocabulaire en y donnant asile aux mots de patois et aux expressions empruntées des arts mécaniques; Malherbe n'a point admis ces essais, qui semblent condamnés pour longtemps.

Mais n'a-t-il point été trop sévère, et nombre de mots qu'il .a si impitoyablement traités n'étaient-ils pas pleins de sens, hauts en relief et commodes à em­ ployer? Et lors même qu'il serait acquis que Ronsard s'est trompé en voulant enrichir le français, ses réformes en poésie suffiraient à sauver son nom de l'oubli.

Il a une noble idée du poète : pour lui, .ce n'est pas un faiseur de mignardises, de menus {atr.as, de vers délicats, mais un élu, un inspiré : Le don de poésie est semblable à ce feu Sautant et jaillissant, jetant de tOlites parts Par l'obscur de la nmt de grands rayons épars 1.

Vous ne voulez pas, Monsieur, que le poète rende sa muse vénale et fasse métier de 1•imeur; Ronsard avait dit avant vous ·qu'il doit ...

forcer le ·trépas par lo11gue 'renommée, D'une divine flamme allumer les esprits, Avoir d'un cœur hautain le vulgaire à mépris, Ne priser que l'honneur et la gloire che.rchée Et toujours dans le ciel apoir l'âme attachée 2.

Enfin à mon avis, on ne saurait trop louer Ronsard d'avoir aimé la nature· ~d'en avoir su dire les grâces, les harmonies et les tendresses.

Vante qui vo~dra rexaltation passionnée ~es .Sonnets à Cassandre ~u des Sf!nnets à Marie des Odes ou des Amours; .Ils me rappellent les soupirs de Tibulle, et je n'~me pas c~ vol~ptueux.

_Mais.la poésie sur les Bûcherons d.e la forêt de Gastine me ravit et Je souhaiterais fort que nos auteurs ne nous .eussent 1.

Préface de la Franciade.

2.

Discours à J.

Grévin.. »

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