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LETTRES PERSANES - 1 À 10 - D'ISPAHAN À ERZERON (Montesquieu)

Publié le 17/01/2022

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La confession du premier eunuque à lbbi, un serviteur qui accompagne Usbek, dévoile le désespoir de cet esclave: sa mutilation viole la loi naturelle, les femmes lui inspirent de la haine, il trouve plaisir à les persécuter, mais tremble constamment des risques que lui fait courir l'intimité de la nuit entre son maître et telle épouse soucieuse de se venger (Lettre 9).

« ingrédients d'un drame au sérail paraissent donc réunis L'atmosphère orientale L'atmosphère orientale n'est pas liée seulement au roman de harem : la connaissance exotique des lieuxgéographiques offre successivement à la curiosité du lecteur Ispahan, Com — sanctuaire révéré des musulmantschiites où Usbek se recueille devant le tombeau de Fathmé, la fille de Mousa Kasem, le septième des douze califesconsidérés par les chiites comme les successeurs légitimes de Mahomet après la mort de son gendre Ali — Tauris et enfin Erzeron (Erivan), capitale de l'Arménie, pays des « perfidesOsman-lins » (= les Turcs).

Ennemis héréditaires des Persans, les Turcs sont sunnites, c'est-à-dire fidèles d'Abou-Bekz, le beau-père de Mahomet et d'Omar.

Et le chiite Usbek se sent profane lui-même « dans le pays de cesprofanes ». Le voyage des deux persans vers l'Occident suit exactement les étapes du deuxième et du sixième des Voyages de Tavernier, c'est-à-dire la route normale des caravanes par le nord.

Et il dure vingt-cinq jours d'Ispahan à Taurisalors que Tavernier compte vingt-quatre journées et Chardin vingt-huit.

Cette précision montre le souci de vraisemblance qui anime Montesquieu. Le même souci de « couleur locale » se retrouve dans la datation des lettres d'après les mois lunaires persans,même si Montesquieu ajoute les années chrétiennes aux mois musulmans afin de ne pas égarer ses lecteurs dansune chronologie peu compréhensible.

Quant aux voyageurs ils sont issus de l'aristocratie persane.

Le nom d'Usbekest emprunté à la fois à un personnage des Mille et Une Nuits et à un prince usbek (ousbek), parent de Gengis Khàn et fondateur d'une dynastie rivale jusqu'au XVIIIe siècle des souverains perses.

Rica, Mirza et Rustan appartiennentà la noblesse éclairée. Ironie et relativité Une ambiguïté ironique se révèle d'emblée à propos de « la vierge qui a mis au monde douze prophètes » (Livre I). Si Montesquieu confond Fathmé, la fille de Mousa Kasem et la petite-fille de Mahomet, avec Fathmé, fille deMahomet et aïeule des douze successeurs de Mahomet, c'est que son ironie trouve l'occasion de s'exercer contre ledogme catholique de la maternité virginale de Marie. La piété d'Usbek et le goût du despotisme que révèlent ses sentiments envers les femmes de son harem n'excluentnullement l'ouverture d'esprit chez ce grand seigneur soucieux, comme Montaigne ou plus tard Montesquieu, dequitter son pays pour s'instruire.

Le personnage est conscient de son originalité dans une nation où les voyages decuriosité sont inconcevables et son projet est très vaste : quérir la sagesse en confrontant les lumières de l'Occident à celles de l'Orient.

Son esprit d'analyse le porte rapidement à réfléchir (Lettre 6) sur la polygamied'une manière qui confirme son côté oriental, maisaussi à aborder avec ses amis de vastes problèmescomme le bonheur et la vertu.

Le sens de la relativité d'Usbek (et celui de Mirza) les conduit à aborder la loi morale en bannissant l'optique du Coranet en lui substituant le point de vue de l'homme, du citoyen, du père de famille. Le problème du bonheur Dans un opuscule antérieur aux Lettres persanes et demeuré presque inconnu, l'Essai touchant les lois naturelles et la distinction du juste et de l'injuste,Montesquieu avait présenté le sens de la justicecomme une loi naturelle et fait de la pratique de lajustice la condition du bonheur.

Ce problème dubonheur se pose à la génération de l'écrivain.

PourHobbes, La Rochefoucauld ou les jansénistes, lavertu n'est jamais naturelle : le philosophe anglais lafait naître de la contrainte, l'auteur des Maximes y voit le fruit d'un effort de soi-même pour se dépasseret les moralistes de Port-Royal la font dépendre de lagrâce.

En revanche d'autres philosophes soutiennentque l'amour du bien est inné et que l'homme y trouveson bonheur : les Recherches sur le mérite et la vertu de Shaftesbury — dont Diderot s'inspirera dans son Essai sur le mérite et la vertu — établissent en 1711 que « le bonheur de l'homme est inséparable dela vertu ».

Tel est le problème moral évoqué par. »

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