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L'HOMME ANTOINE-FRANÇOIS PREVOST

Publié le 01/07/2011

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ANTOINE-FRANÇOIS PREVOST naquit à Hesdin, aux confins de l'Artois et de la Picardie, le 1er avril 1697, d'une bonne famille bourgeoise. Le plus documenté de ses biographes, Henry Harrisse, précise que le grand- père de l'écrivain, Lié vin Prévost, riche maître brasseur, devint trésorier de la ville puis échevin, et que Liévin II, son fils, fut procureur et conseiller du Roi au bailliage d'Hesdin. Ce dernier épousa Marie Duclay, d'un niveau social probablement inférieur au sien. Elle lui donna cinq fils qu'il éleva avec le plus grand soin, s'appliquant lui-même à leur « former les manières et le sentiment «. Si l'on en croit les Mémoires d'un Homme de qualité, il leur commentait les Satires d'Horace et les Discours philosophiques de Cicéron, et affermissait leur raison à la lumière des vérités chrétiennes. Mais du riche brasseur leur grand-père, et de leurs ancêtres picards, les deux aînés semblent avoir hérité un tempérament qui se laissait mal enfermer dans d'étroites limites. Liévin-Norbert, d'abord jésuite, dut quitter la Compagnie et finit chanoine à Cambrai. Antoine-François, de deux ans son cadet, fut longtemps l'inconstance même. Son naturel bouillant le fera hésiter durant toute sa jeunesse entre la vocation de religieux et celle de soldat, deux perspectives également tentantes alors pour un jeune homme de bonne famille bourgeoise. Selon toutes vraisemblances, il eut de plus le malheur ou la chance de se passionner dès sa prime jeunesse pour des lectures poétiques et romanesques, qui enflammèrent son imagination et le rendirent esclave de ses passions. Les Mémoires d'un Homme de qualité retracent en effet incidemment les touchantes infortunes d'une Mlle Colman, héroïne trop tendre, victime de la lecture des romans. Et le Pour et Contre mettra plus tard de tels livres au premier rang des circonstances pouvant incliner définitivement les âmes soit à la tendresse, soit à la volupté (Cf. 3e partie, chap. 1, in fine). L'Homme de qualité souligne en lui ces contradictions intérieures qui l'accablent. Il aime un « bon livre de morale... où les avantages de la vertu et les douceurs d'une vie réglée « sont « exposés dans tout leur jour «, dit-il au P. Bouhours, mais que celui-ci n'aille pas en conclure que son interlocuteur sera un jour un saint. « Ce n'est que par l'esprit que je pense si bien «, répliquera-t-il ; « en même temps que j'estime la sagesse et la vertu, j'ai toutes les peines du monde à les pratiquer «. Aveu qui nous donne la clef de son âme et de sa vie.

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« fois, ainsi que le prétend Lenglet.

Mais quelque affaire sérieuse dut survenir et le contraindre momentanément às'expatrier.

Le bénédictin dom Dupuis affirme en effet : « Craignant, sur son inconstance, les réprimandes d'un pèretendre mais rigide, il ne retourna point à la maison paternelle.

Il s'associa pour voyager avec un ami, qui fournissait àla plus grande partie des frais.

Il passa en Hollande.

L'heureuse physionomie dont la nature l'avait favorisé, ladouceur de son caractère, les progrès qu'il avait déjà faits dans les Belles-Lettres, lui ouvrirent la porte desmeilleures maisons.

Il s'y distingua même par plusieurs productions d'esprit, soit en vers, soit en prose...

» (Préf.

desPensées de M.

l'abbé Prévost, p.

7-8).Ce sont peut-être de ces vers de jeunesse que l'on retrouve dans le Pour et Contre (I, 8) : Du marchand l'espérance avidePénètre au bout de l'univers.L'avare intérêt qui le guideLe rassure au milieu des mers. Le talent poétique ne s'y laisse guère deviner : on ne peut qu'approuver l'auteur d'avoir opté pour la prose.

Que luiarriva-t-il là-bas pour qu'il fût contraint une troisième fois à chercher refuge au couvent ? Le Pour et Contre relatesimplement : « La malheureuse fin d'un engagement trop tendre me conduisit enfin au tombeau.

C'est le nom que jedonne à l'ordre respectable où j'allai m'ensevelir et où je demeurai quelque temps si bien mort que mes parents etamis ignorèrent ce que j'étais devenu ».

Il fallait que le cas fût bien grave pour que Prévost demandât asile auxJésuites dès 1719, si l'on en croit Harrisse, c'est-à-dire environ un an après être sorti de la Compagnie pour ladeuxième fois.

Justement éconduit après ses fugues répétées, il fut reçu chez les Bénédictins de l'abbaye de Saint-Wandrille, près de Rouen.

C'est là cet « ordre respectable » qu'il compara quinze ans plus tard à un tombeau.Il nous est difficile de suivre ici le roman bâti par Harrisse en s'appuyant sur Manon Lescaut.

Ne nous laissons pasprendre à la technique réaliste de Manon.

Tous les héros de Prévost sont emportés par leurs passions, l'Homme dequalité et Cleveland aussi bien que des Grieux.

L'Homme de qualité subit de plus la fascination du couvent quand lavie se révèle impitoyable ou que l'échec de ses amours le désespère.

Il a comme Prévost la nostalgie d'une vieréglée telle qu'il la connut enfant au foyer familial.

Ses aventures et celles de son ami Rosambert, qu'il nous conteau livre II de ses Mémoires, sont très probablement les plus proches de celles du jeune et pimpant officier Prévost,aventures galantes et pertes au jeu, suivies de duels à l'issue parfois malheureuse.

Pourquoi donc Prévost se tint-ilun moment si caché que « parents et amis » ignorèrent ce qu'il était devenu ? « Le Ciel connaît le fond de mon âmeet c'en est assez pour me rendre tranquille», écrira-t-il en 1731 au bénédictin dom La Rue.

« Si les hommes leconnaissaient comme Lui, ils sauraient que de malheureuses affaires m'avaient conduit au noviciat comme dans unasile, qu'elles ne me permirent point d'en sortir aussitôt que je l'aurais voulu, et que forcé par la nécessité, je neprononçai la formule de mes vœux qu'avec toutes les restrictions intérieures qui pouvaient m'autoriser à les rompre.» Ce ne fut donc pas seulement une histoire d'amour.

Le terme de « malheureuses affaires » dissimule peut-être,sous ce pluriel d'apparence anodine, un duel où il eut le malheur de tuer son homme, ou de le blesserdangereusement.

Seul un motif de cet ordre pouvait le contraindre à disparaître ainsi.Jeune homme il semble avoir été aussi bouillant officier que brillant casuiste.

On connaît la vivacité de sontempérament.

Il fut accusé de s'être violemment querellé avec son père, dès l'âge de 16 ans, à propos d'unemaîtresse que celui-ci voulait chasser.

Harrisse a fait justice des graves conséquences de cette dispute, mais nondu fait que de sérieuses altercations mirent probablement aux prises père et fils.

Liévin Prévost ne le cédait en riensur ce point à Antoine-François.

Outré de toutes ces fugues, il assista à la profession de foi de son fils le 9novembre 1721, à l'abbaye de Jumièges, et le menaça alors de le « chercher par toute la terre pour lui brûler lacervelle s'il manquait aux engagements qu'il était parfaitement libre de faire ou de ne pas faire ».

Ainsi l'affirme domGrenier, cité par Harrisse.Est-ce crainte ou repentir sincère ? Après sa profession de foi, notre bénédictin semble vouloir incliner son cœur etson âme à l'amour de sa vie nouvelle.

Il écrit alors à son frère cadet : « Je connais la faiblesse de mon cœur et jesens de quelle importance il est pour mon repos de ne point l'appliquer à des sciences stériles qui le laisseraient dansla sécheresse et dans la langueur ; il faut, si je veux être heureux dans la Religion, que je conserve dans toute saforce l'impression de grâce qui m'y a amené...

Je n'aperçois que trop, tous les jours, de quoi je redeviendraiscapable...

si je regardais avec la moindre complaisance certaines images qui ne se présentent que trop souvent àmon esprit et qui n'auraient encore que trop de force pour me séduire...

» Très tôt, en effet, les regretsl'emportèrent sur la soumission.

Ce qu'il résume dans le Pour et Contre en ces termes : « Cependant le sentiment merevint et je reconnus que ce cœur si vif était encore brûlant sous la cendre.

La perte de ma liberté m'affligeajusqu'aux larmes.

Il était trop tard.

Je cherchai ma consolation pendant cinq ou six ans dans les charmes de l'étude».Il eut à vrai dire une carrière beaucoup plus mouvementée.

On l'envoya d'abord à l'abbaye de Saint-Ouen, à Rouen.L'arrivée de ce bénédictin fit quelque bruit, dans la ville même où il avait été jésuite.

Il y fut attaqué, comme dejuste, par le P.

Lebrun, jésuite.

Mais « l'avantage lui resta », affirme dom Dupuis, bénédictin.

Il dut pourtant s'enaller étudier de nouveau la théologie à l'abbaye du Bec.

« Un grand seigneur avait quitté la cour pour se retirer danscette solitude, précise dom Dupuis.

Dom Prévost ne tarda point à mériter son estime et ses attentions ».

La pieuseretraite de Louis de Brancas, duc de Villars, a pu donner à Prévost l'idée des Mémoires et aventures d'un Homme dequalité qui s'est retiré du monde.

Il écrivit vers cette époque, selon dom Grenier, une pièce contre les amours duRégent (supprimée avant que ses supérieurs en fussent instruits).

Il aurait également corrigé Les aventures dePomponius, chevalier romain, ou l'Histoire de notre temps, autre pamphlet contre le Régent, ce qui nous paraîtvraisemblable malgré l'avis contraire de Harrisse, car il vivait alors en franc-tireur.

Un peu plus tard, les supérieurs dedom Le Cerf, auteur d'une Bibliothèque historique et critique des auteurs de la Congrégation de Saint-Maur, lui. »

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