L'homme et son oeuvre: Rousseau et les Confessions
Publié le 02/08/2014
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L'homme et son oeuvre
Dans le paysage littéraire du 18e siècle, Jean Jacques Rousseau est singu-lier. Singulier par sa position sociale : un homme marginal, ayant choisi, après l'avoir subie, la pauvreté; mais en même temps, admiré, célèbre, soutenu par des personnages puissants. Singulier aussi par l'accomplisse-ment de l'ouvre : longtemps, Rousseau place ses ambitions artistiques dans la musique ; il ne vient à la littérature que tardivement. Singulier enfin par des convictions philosophiques à contre-courant : homme du Siècle des Lumières (le xvine siècle) qui, à l'instar de ses collègues, les Philosophes, fait confiance aux pouvoirs du coeur et de la raison pour conduire au bonheur terrestre, Rousseau conteste cependant l'optimisme des Lumières; il oppose aux notions de progrès et de civilisation celles de dégradation et d'aliénation : les institutions, fondées sur l'inégalité et l'as¬servissement, pervertissent la nature humaine.
«
0 De l'émotion douloureuse à l'expérience formatrice
En partant du sentiment de révolte qu'il ressent comme au pre1nier jour,
Rousseau est amené à en analyser l'origine: l'expérience douloureuse de
l'enfant se révèle essentielle pour sa forn1ation morale.
Permanence du sentiment originel.
Racontant l'émotion causée par le
punition injuste, l'écrivain la retrouve, intacte; l'écriture du souvenir res
titue
l'émotion passée, ce qui se traduit presque immédiatement par une
sensation physique forte ( « mon poulç s'élève").
Le texte nous renvoie plu
sieurs fois à
cet événe1nent qui fait date: on relèvera la répétition de l'ad
jectif «premier"• au sens d' «initial», La première expérience est fonda
mentale, si intimement liée à l'être que son empreinte sur lui («gravé dans
mon
âme») échappe aux effets du temps: la durée est ici pérennité ( «tou
jours présents», «trop longtemps,,), facteur d'intensité et non d'affaiblisse
n1ent
de l' én1otion ("profondément gravé,,, «souvenir profond>>, «trop fortement
lié», «beaucoup renfàrcé»).
L'abus de la force.
!;injustice qui révolte Rousseau, c'est non pas le fruit
d'une erreur (les adultes, trompés par les apparences, condamnent l'en
fant), mais l'abus de la force, exercée par le puissant au déuiment du faible.
Il
met tout de suite sur le même plan injustice et violence (1.
3).
La suite du
texte développe ce motif de la force abusive ( ((toute action injuste,,), vue
co1nn1e tromperie, ruse («subtiles» -avec le sens péjoratif de« dissimulées»,
"foorbe ") ou bien corn me violence quasi bestiale: voyez la force des termes
et des in1ages (les pluriels de concrétisation: «cruautés'" «noirceurs,, ; la force
de "tourmenter», qui signifie «torturer physiquen1ent »; l'adjectif «féroce»,
dont l'étymologie renvoie au con1porten1ent de la bête sauvage).
Rousseau
est indigné par les manifestations de la toute-puissance ( « uniquernent parr.e
qu'il se sentait le plus fort») et par toutes les formes d'oppression : politique
(le tyran), morale (le prêtre) ou physique (les animaux).
Le sentiment de
révolte ne l'enferme pas pour autant dans le ressentirnent.
La bienveillance, la compassion et l'action.
Le mouvement de bien
veillance qui fait courir Rousseau pour défendre un animal est «naturel,,
(l.
14), c'est-à-dire qu'il vient d'un élan profond qui n'est pas le fruit de
principes acquis par l'éducation.
Cet instinct inné s'est conjugué à l'expé
rience de l'injustice, vécue dans la douleur, pour susciter un sentiment de
compassion universelle.
Rousseau trace précisément l'histoire de cette
con1passion qui le relie à l'ensemble des créatures vivantes: à l'intérieur de
soi («relatif à moi-même dans son origi,ne,,) se développe un sentiment auto
nome («a pris [ ...
J consistance en lui-même"), tourné vers 1 'extérieur ( '' déta
ché de tout intérêt personnel»).
Ainsi, celui qui a été lui-1nên1e victime de l'in
justice peut ressentir la douleur de l'autre, se mettre à sa place ( « comme si
l'effet en retombait sur moi ").
48.
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